Des dessous pour un siècle (2)

Un siècle d’histoire en dessous – Voir le chapitre 1

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Le soir du 31 décembre 1899, on se prépare à faire la fête, il y a même quelques éclairs et coups de tonnerre qui s’invitent dans le ciel de Paris. Si on prend la peine de lire la presse locale, on constatera que la plupart des journaux font l’impasse sur le changement de siècle, c’est à peine si on le souligne. Il est vrai que l’époque est plutôt tristounette. On parle encore de choléra, l’antisémitisme fortement exacerbé par l’affaire Dreyfus est toujours présent. Monsieur Loubet est président de la République et il prépare l’exposition universelle qui s’ouvrira à Paris au mois d’avril. Le gouvernement est bien entendu à droite, mais les tensions sociales et la gauche sont de plus en plus présentes dans le quotidien. Le plus souvent, on demande juste de quoi vivre décemment et surtout du travail.

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 Paris 1900 lors de l’expo

La bourgeoisie est la seule vraiment concernée par les apparats de la fête et ne s’en prive pas. L’observateur présent ce soir-là remarquera les dames toujours cintrées dans leurs corsets, la taille de guêpe est de rigueur. Pourtant, de plus en plus de mouvements féministes revendiquent des corps libérés de ce carcan. Entre les pour et les contre, une véritable petite guerre se fait à coups de slogans. Pour les contre dans une version modérée, on tente d’apporter quelques modifications que l’on pourrait qualifier de techniques. Un corset mis au point par une doctoresse, Mme Gaches-Sarraute se voit gratifié du non de « corset de santé » baptisé vulgairement le « sens ventre ». C’est au niveau des baleines et de la compression qu’elles exercent que se situe le changement, le tout agrémenté d’un laçage au ventre. La silhouette de la femme apparaît très serrée au ventre s’élargissant en dessus et dessous. Il s’approche du « tightlacing » que l’on connaît aujourd’hui. Le lobbying existe déjà, les fabricants de corsets, surtout les puissants, défendent leur profession. A part le fait de donner une silhouette de rêve à celles qui le désirent, le résultat est peut-être encore pire. Il est presque encore plus impossible de s’asseoir, de se baisser ou simplement de rire. Il n’est pas rare que les femmes s’évanouissent. Il n’empêchera pas le fait de connaître un succès quasi mondial et retentissant. 

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Les contre sont plus réalistes, appuyés par des médecins qui se veulent éclairés, ils mettent en doute les effets bénéfiques que les pour mettent en avant pour le défendre. Et la guerre continue…

La santé, voilà un maître-mot de l’époque. Il est vrai que c’est une préoccupation majeure. On meurt encore de maladies infantiles, on en reste parfois infirme. La salubrité des lieux d’habitation est souvent en option. La médecine, bien plus évoluée qu’au moyen-âge ne guérit toutefois pas tout. Le sous-vêtement n’échappe pas aux tentatives de clarifier la situation de l’homme face à la santé.

Ci-dessous. On profite de la guerre déclarée au corset pour une analyse qui n’est en fait de compte que de la publicité.

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Les évolutions techniques du corset font encore peur à certaines.

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Si le corset est montré du doigt, on cherche aussi d’autres moyens d’apporter une amélioration au bien-être. La laine est mise en avant. Selon certains, elle est une réponse très satisfaisante aux problèmes liés à la transpiration et autres sécrétions corporelles, sources de maladies à ce que l’on croit. Elle est aussi un rempart contre le froid, autre source de maladie, on meurt facilement d’une pneumonie.

La femme, quand elle ne parte pas un corset, ne se promène pas nue pour autant. Le déshabillé est de rigueur. En mousseline ou en soie, il n’est pas vraiment considéré comme indécent s’il n’est pas franchement transparent. Les dames du monde, les comédiennes peuvent recevoir dans leur loge ainsi accoutrées. On peut quand même considérer que c’est une faveur d’apercevoir quelqu’un dans cette tenue, cela fait partie des avantages quand on est introduit dans le beau monde. Par contre, dans le beaucoup plus indécent figurent la lisière d’un bas avec jarretière ou jarretelle apparente. Cette jarretelle qui commence à se faire plus présente a connu aussi ses déboires de jeunesse. Ferréol Dedieu qui en est le créateur présumé à très certainement fait sans le vouloir un plagiat. Les historiens  qui sondent les fonds de la petite histoire affirment que sous Louis XIV, il existait un système semblable pour tenir le bas. Il serait simplement tombé en désuétude pour des raisons inconnues.

S’il a fallu un bon quart de siècle pour que la jarretelle soit prise en considération, la raison en est plus connue. Il pensait certainement soulager la femme du corset, c’est pour cela qu’il mit ses jarretelles sur une simple ceinture, un ancêtre du porte-jarretelles d’aujourd’hui. La femme fut réticente  plus par son manque d’attrait, sobre, sans dentelles ou broderies, que par le système lui-même. La femme d’alors qui avait l’habitude de se couvrir le corps presque entièrement en sous-vêtements trouva certainement cela minimaliste, mais les mœurs évolueront, lentement il est vrai.

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Les premières jarretelles n’ont pas la finesse de celles que l’on verra plus tard. C’est rappelons-le, un objet qui se veut plus usuel que sexy. Elle est fixée sur de gros élastiques qui auraient très bien pu servir de fronde pour lancer des boulets de canon.

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Dans toute évolution de la mode, ce sont souvent des initiatives isolées qui font qu’elle tend vers un changement. La disparition totale du corset, moins une poignée de nostalgiques n’y échappe pas. En voici quelques prémices…

1900

La championne du monde de natation, Annette Kellermann adopte un costume de bain semblable à celui des hommes. Enorme scandale, elle est carrément arrêtée par la police.

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Annette Kellermann 1887-1975, de descendance anglo-française naît en Australie. Atteinte de polio, son médecin lui conseille la natation. Elle deviendra championne de natation et tentera aussi, sans succès, la traversée de la Manche. Elle milite pour les droits de la femme et notamment le port du maillot de bain une pièce. On la verra aussi au cinéma muet dans des rôles de nageuse.  C’est une pionnière de la danse synchronisée et une végétarienne convaincue.

Un corset sans baleine voit le jour, il faut oser le porter ce qui n’est pas encore gagné.

Premier spectacle de nu aux Folies-Pigalle, on s’y presse.

1902

Dans les écoles, on tente d’interdire le corset aux élèves. On devra y renoncer, car les jeunes filles ont des robes prévues pour être portées avec.

Les premiers tailleurs font leur apparition, on ose porter des robes qui ne balaient juste pas les trottoirs, toutefois on est encore très, très, loin de la minijupe.

Une certaine transparence attire le regard des hommes sur les blouses avec devant en V, laissant apparaître le début de la poitrine.

Apparition dans certains pays germanophones d’une tenue noire très austère pour les femmes, ceci toutefois sans corset.

1903

La célèbre Isadora Duncan danse les pieds nus, 62 ans avant l’icône anglaise des sixties Sandie Shaw.

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Le « cake walk » une danse dérivée de la musique noire permet aux femmes qui le dansent de s’afficher avec des décolletés prometteurs, les robes sont simplement retenues aux épaules par un mince bout de tissu ou de ruban.

Compléments extraits journaux et sources diverses

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