Des dessous pour un siècle (8)

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Que peut avoir comme aspect une crise mondiale?

Celle de 1929 a au moins un, c’est la première fois dans l’histoire que tout le monde est touché. Oh, les riches continuent d’être riches pour la plupart et les pauvres encore plus pauvres. La révolution insdustrielle, le développement des transports, a changé la face du monde. L’économie, essentiellement locale jusque qu’alors, s’est teintée de mondialisme. Les bateaux, atteints de gigantisme, franchissent les océans en quelques jours, l’Europe est couverte d’un réseau ferré qui va de ville en ville, de capitale en capitale, en des temps qui rendent préhistoriques les voyages en diligence. Vous pouvez consommer des dattes de Turquie en abondance et juste quelques jours après la cueillette. Vous n’aviez jamais goûté des ananas? Eh bien maintenant c’est possible, l’industrie alimentaire les a mises en conserves sur le lieu de production avant d’être chargés sur des navires marchands pour garnir amplement un rayon dans le magasin du coin. Mais voilà, quand un engrenage de cette belle mécanique se grippe, c’est toute la machine qui a des ratés. Vous n’avez plus d’argent pour acheter vos ananas? Le marchand ne va plus en commander, il ne les vends plus. L’armateur a sa flotte au port, les employés des conserveries et les cueilleurs sont au chômage etc…

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Heureusement la mode dans tout cela s’en sort plutôt bien. On continue de s’habiller, les créateurs de créer, et qui sait, la pénurie de matières premières ou le manque de liquidités va peut-être influencer cette dernière. Il est certain qu’au tournant des années 30, la femme doit retourner dans son foyer, il n’y a plus guère de travail pour elle. On constate comme dans chaque période de l’histoire ou l’économie balbutie, un resserrement de l’ordre moral. Ce que l’on pouvait tolérer au nom de l’argent qui coule à flots, devient soudain une atteinte aux moeurs, c’est la revanche des censeurs. La garçonne passe de mode, mais dorénavant une catégorie de femmes continuera de porter des cheveux courts, c’est définitivement acquis. Les dessous se font plus sages, on ressort presque le corset des tiroirs, on rallonge les jupes, la femme redevient mystère à l’oeil de l’homme. Malgré tout…

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L’Allemagne, mise à sac par le traité de Versailles, connaît pourtant une intense vie culturelle, magnifiée par quelques courants comme le Bauhaus ou son cinéma expressionniste qui est peut-être à ce moment-là le meilleur du monde. Un film illustre à merveille l’état de la société allemande de cette époque, « M Le Maudit » de Fritz Lang. On y retrouve les ingrédients de l’Allemagne juste avant l’avènement du nazisme. En suivant les pas d’un détraqué sexuel, incarné de manière saisissante par Peter Lorre, on croise tout le gratin de la pègre, qui gênée par les recherches intensives de la police qui traque le criminel, décide de le trouver avant elle et le juger arbitrairement. L’histoire est inspirée de faits réels et pour faire plus vrai certains des acteurs sont réellement des malfrats. C’est le reflet de cette époque, où chacun malgré une situation sociale catastrophique survit comme il peut, trouve des plaisirs là où il peut en trouver, même en défiant la morale ou l’abject.

Peter Lorre (1904-1964) né en Hongrie, bâtit toute sa carrière sur son rôle de psychopathe dans « M Le Maudit ». Pour cela, il est constamment considéré parmi les 100 meilleures interprétations de l’histoire du cinéma. Fuyant l’Allemagne car il était juif, il réussit grâce à la renommée de son film à obtenir des contrats à Hollywood où il se débrouilla plutôt bien. Il apparaît en second rôle dans des films légendaires comme « Casablanca » ou « Le Faucon Maltais ».  Il réalisa et interpréta aussi un excellent film « L’homme Perdu », sélectionné au festival de Venise en 1951.

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Le côté léger est mis en évidence par un autre chef-d’oeuvre, « L’Ange Bleu » de Joseph Von Sterberg, avec Marlène Dietrich. C’est la première fois que l’on peut voir aussi longuement dans un film, des bas (de soie bien sûr), des jarretelles, un culotte style frou-frou, en résumé les dessous de l’époque, vestimentairement parlant. Il façonna le mythe de Marlène Dietrich, qui tournera désormais des rôles bien plus habillés, récupérée par Hollywood en tant que anti-nazie convaincue.

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Une interview de Marlène Dietrich parue en 1933. Pour avoir lu pas mal de trucs sur elle, cette interview correspond assez bien à sa personnalité réelle. Même si on lui attribua toutes les excentricités et caprices de star, il semble bien quand la réalité était autre. En privé quand elle recevait, elle faisait la cuisine elle-même ou n’hésitait pas à donner d’autorité un coup de balai à la fin d’une réception où elle était invitée et n’y venait pas forcément en robe du soir

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Un pareil laisser aller est totalement impossible dans le cinéma américain victime du code Hays qui impose une censure drastique au cinéma. Le moindre baiser un peu long, la moindre suggestion de scène d’amour, la moindre vision de jarretelle est totalement proscrite. On n’ose imaginer la moindre culotte un peu coquine qui sécherait au vent dans le jardin de la voisine. On tolère tout juste le pagne de Tarzan et la tenue suggestive de Jane, bien sûr ce sont des presque sauvages qui vivent dans la jungle. Difficile de les imaginer en complet-cravate et en crinoline.

La France est bien plus permissive. Tout au long des années 30, on verra des dessous dans de nombreux films. En commençant par « La Chienne » de Jean Renoir en 1931, avec Jeanne Marèse qui aguiche Michel Simon en des tenues un rien suggestives. Avec Renoir, Duvivier, Carné, Vigo le cinéma français léguera quelques titres de noblesse au cinéma français.

Les partisans du corset ne désarment pas

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Mais bientôt, un invention va changer la face du monde, le nylon…

Quelques dates

1930

La méthode Ogino, du nom d’un médecin japonais, permet de calculer les période de fécondité. Les femmes lui disent merci.

On va à la plage dans un pyjama fait pour.

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Une création américaine, l’hôtesse de l’air.

1932

André Doré marquera ses chaussettes, bas et mi-bas, des célèbres initiales DD, que l’on trouvera dans une vaste campagne publicitaire, chose qui n’est pas encore très courante, on a des doutes sur son efficacité. Il imposera par ce moyen une maison qui a déjà plus de 100 ans d’existence.

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Le soutien-gorge soigne la présentation de ce qu’il est censé aider à tenir en place. On ajoute quelques petits trucages, armatures, bonnets, les plus démunies s’en trouveront consolées. Cela fera chanter quelques années plus tard sur l’air de « In The Mood »: – As-tu vu la Lulu les lolos qu’elle a là, on dirait des obus de la dca!!

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Le fameux foulard, dit carré Hermes, est lancé et avec lui toute une tradition de luxe made in France.

Nina Ricci se met à la couture.

1934

La paréo, tenue de plage tahitienne en forme de jupe, fait des adeptes en France.

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A suivre

Léo coeur de nylon (65)

Léo, un ancien chanteur de charme devenu tenancier de bistrot, est un amoureux et inconditionnel du bas nylon. Il se rappelle avec nostalgie d’une époque où toutes les femmes portaient des bas et de toutes les coquineries que son status de vedette lui permettait pour assouvir sa passion, notamment les nombreuses photos qu’il prenait de ses conquêtes. Un soir, une dame en bas coutures pénètre dans son établissement. En observant ses chaussures, il remarque un détail qu’il avait jadis imaginé pour une de ses conquêtes. Les souvenirs envahissent les pensées de Léo. Il se souvient de sa rencontre avec un ministre et de la belle Léa, sa secrétaire. Mais les pièces d’un étrange puzzle s’assemblent peu à peu dans son esprit. Après une enquête personnelle, il relance la piste sur le meurtre d’une de ses anciennes compagnes jamais élucidé. Il informe la police qui semble très intéressée. Avec son ami Marly et sa compagne, il continue son enquête personnelle au fil de ses souvenirs, tout en n’oubliant pas de raconter quelques anecdotes et situations cocasses où toutes ses anciennes conquêtes défilent en bas et en porte-jarretelles. Alors qu’il est en conversation avec ses amis, un inconnu entre dans le bistrot et l’informe qu’il est le demi-frère de son ancienne amie tuée. Apportant des informations inédites, il veut aussi éclaircir cette sombre histoire. Après bien des rebondissements, ils semble que les choses se précisent.

Vous pouvez lire le début complet de ce récit en cliquant sur l’image ci-dessous.

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Laverne esquissa un sourire, il était plutôt content d’abandonner son rôle de flic et de se mêler à la conversation en étant persuadé que son auditoire ne maquerait pas d’être intéressé par son histoire. Il entama son récit :

– Vous savez quand on exerce un métier comme le mien tout le monde a un service à vous demander. On est un peu comme des prestidigitateurs ayant un peu de renommée, quand un ami veut organiser une soirée avec une petite attraction après le repas, il fait volontiers appel à vos services pour un coup de main. En étant de la police, c’est un peu la même chose, on ne veut pas enclencher toute la machinerie, alors on demande conseil ou un peu d’aide.

Léo regarda Laverne d’un air approbateur en se manifestant par un hochement de tête, il lui était arrivé de demander de petits services à quelques policiers en service, afin d’éviter quelques menues déconvenues, comme celle d’un mari jaloux.

– C’est l’ami d’un ami qui m’avait demandé si je pouvais faire quelque chose pour un cas qui le tourmentait. L’histoire était en fait très simple, la femme de cet ami se plaignait que sa lingerie disparaissait du séchoir dans la maison où ils habitaient. Il m’avoua que cela lui posait problème d’aller porter plainte au commissariat, il en avait presque honte, il voulait que cette histoire ne s’ébruite pas. En fin de compte son histoire posait plus de problèmes à moi qu’à lui. Il ne nous est pas interdit de donner quelques conseils, mais on ne peut pas être de la police officielle et tenir une agence privée à côté.

– Je suis entièrement d’accord avec cela, affirma Marly. Ce serait la porte ouverte à tous les abus, d’ici à ce qu’ils se fassent payer en retour. Déjà que la police n’a pas toujours bonne réputation, cela ne ferait qu’empirer la chose.

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– Laverne regarda Marly avec un sourire, il savait qu’il avait officieusement raison, c’était un vaste débat qui n’avait pas sa place ici, mais il savait que tous ses collègues n’étaient pas tous aussi scrupuleux.

– Je lui demandai des explications sur son cas, alors il éclaira ma lanterne. Sa femme avait plusieurs fois constaté que la lingerie qu’elle mettait à sécher dans la buanderie disparaissait. Une fois c’était des bas, une fois une culotte, on lui avait même volé un porte-jarretelles. Ce n’était pas régulier, seulement de temps en temps. Il ne se passait rien pendant un mois et cela recommençait pour se clamer à nouveau.

Léo se marra, il n’avait jamais rien volé de semblable, ni autre chose d’ailleurs, Dans son cas, il se rappelait que c’était plutôt le contraire, il avait couru après une dame pour lui rapporter la paire de bas qu’elle avait oubliés. Il garda sa réflexion pour lui, il se raccrocha au récit de Laverne.

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– Des histoires comme ça, j’en avais déjà entendues, il est arrivé quelquefois que l’on vienne se plaindre au commissariat pour un vol du même genre. Evidemment on ne va pas mobiliser l’armée pour autant. On envoie un inspecteur faire une petite enquête, histoire de montrer qu’on est là. Le plus souvent, il n’y a pas de suites, l’affaire est classée comme on dit. C’est un peu pour cela que j’ai décidé de lui venir en aide discrètement, du moins je le lui dit ainsi. Par contre, je ne lui ai pas dit que c’était aussi un peu parce qu’il m’intriguait. Une chose que vous ne savez certainement pas, nous autres les flics, on a vite l’habitude de classer les gens. C’est pas comme à la télé, certains suspects ou témoins croient être de bons acteurs, mais en vérité ils sont très mauvais, ils n’ont pas appris un rôle écrit sur un scénario.

Seiler suivait le récit avec intérêt, il tiqua néanmoins sur ce dernier passage. Il connaissait bien les rôles de composition, il en avait la nausée. Combien de fois il les avait interprétés dans le milieu, sourire à une crapule alors qu’on avait envie de lui cracher à la figure. Son rôle d’acteur avait fait partie de son contrat de lieutenant d’une grosse pointure de la pègre. Il l’avait joué avec le plus de conviction possible, il avait été un acteur au sens théâtral du terme, il avait joué un scénario sans se glisser avec facilité dans son personnage. Il était toutefois curieux  de savoir pourquoi Laverne avait donné cette précision. Il attendait la suite du récit en se demandant ce que des bas nylons avaient de commun avec les rôle de composition.

A suivre

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