Eclats de nylon
Eclats de vieux papiers
Même quand les médias n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui, un événement pouvait prendre une dimension internationale. Le journaux étaient le principal accès à l’information, et à défaut d’écouter les infos à la radio, on écoutait les cris de vendeurs de journaux annonçant un événement retentissant.
Le 10 septembre 1898 a lieu à Genève un événement qui aura un retentissement planétaire, l’assassinat de l’impératrice d’Autriche, Élisabeth Amélie Eugénie de Wittelsbach, qui sera immortalisée plus tard sous le nom de Sissi. Elle est en théorie à la tête d’un empire suite à son mariage avec François Joseph 1er, un de ces mariages qui scelle ou renforce la puissance politique de la royauté. Elle est assez peu faite pour son rôle, autrement dit elle n’en a rien à cirer, et profite surtout de ses avantages pour voyager et montrer sa beauté un peu partout, car elle a la réputation d’être une très belle femme, ce que les photos ne démentent pas. C’est ainsi que bien plus tard, lors d’un voyage en Suisse, elle connut son destin tragique.
Pour comprendre le contexte du meurtre, il faut se replonger dans le climat politique de cette fin du 19ème siècle. Les mouvements socialistes gagnent du terrain, la lutte des classes n’est pas un vain mot. Dans l’ombre. des mouvements anarchistes ne se contentent pas de cette lente avancée, ils veulent faire bouger les choses plus rapidement. Depuis près de 50 ans, ils détournent à leur avantage le progrès en marche. Un exemple facile à comprendre, le réseau ferroviaire couvre la plupart des pays d’Europe, permettant de sortir d’un isolement qui les condamne à des coups d’éclats isolés. Ils peuvent se regrouper en centre d’intérêts et frapper plus fort et il ne s’en privent pas.
L’assassin, Luigi Lucheni, est un de ceux-là. Il est né à Paris d’une mère italienne qui l’abandonne et d’un père inconnu. Il est expulsé vers l’Italie ou il grandit dans les orphelinats et finit par servir dans l’armée. Il immigre en Suisse, à Lausanne, où il fréquente les milieux libertaires. Il semble avoir agi de sa propre initiative et avait pour but premier de tuer le prince d’Orléans qui séjournait à Evian, mais ne le trouvant pas, il choisit l’impératrice comme victime. Il fut condamné à la prison à vie, la peine de mort n’existant plus en Suisse. Il mourut pendu dans sa cellule en 1910.
Ce n’est pas l’assassin qui semble le plus triste sur cette photo!
Son geste est une grande bêtise, car sa victime bien qu’elle soit un symbole de la haute bourgeoisie, n’exerçait aucun pouvoir décisionnel ou politique. Son acte ne fit qu’attiser la haine sur les mouvements socialistes, les assimilant à des meurtriers et autres gens de corde.
Mais voyons comment la presse de l’époque traita l’événement à travers un journal local édité à Lausanne, le 12 et 12 septembre 1898. Le meurtre fut unanimement condamné par les capitales occidentales. Sourire de l’histoire, cela n’empêchera pas certains de se taper dessus 16 ans plus tard. Quant à Sissi, elle fit une belle carrière au cinéma sous les traits de Romy Schneider.
Si on lit attentivement cet article, un ou deux points peuvent faire sourire. L’impératrice visiblement souffrante est montée à bord du bateau qui devait l’emmener. Avec une précision toute suisse, la bateau quitta le port sans qu’on s’occupe trop de l’état de la victime. Quand on découvrit qu’elle était gravement blessée, le bateau fit alors demi-tour et rentra au port. L’article fait aussi mention d’un homme avec un grande barbe dont on parle avec ironie dans un journal ouvrier et socialiste peu de temps après.
Un article de Jean Jaures, un futur assassiné, assez visionnaire sur l’événement
Une plaque posée à l’endroit où a eu lieu l’assasinat
La vie reprend vite ses droits, un menu de restaurant 1 jour après le meurtre. On ne fait pas abstinence. Le restaurant n’est pas fermé pour cause de deuil. Pour se faire une idée du prix, un journal coûtait 5 centimes.
Toujours à propos de bouffe, mais en pleine guerre 14-18 et avec humour. Un menu composé entre deux chutes d’obus. Chaque coin de ce papier est un petit chef d’oeuvre d’humour plus ou moins noir.
Regardez par exemple le soldat en haut à droite, ce qu’il fait, ce qu’il lit. (cliquer pour agrandir)
Les petites annonces peuvent faire sourire, ou révéler comme dans cette annonce, que l’on peut choisir son métier en rapport avec son nom.
En 1889, une publicité fait allusion à la carie dentaire. C’est un des fléaux de cette fin du 19ème siècle. Il s’amplifie, comme par hasard, avec le développement du réseau des communications et de la bouffe industrielle. Bizarrement, cette publicité ne fait aucunement allusion à l’usage de la brosse à dents. Je vous raconte pas l’extraction des dents sans anesthésie.