Eclats de nylon et une nouvelle année
Les vieux papiers ou comment les journaux et autres nous donnent une vision de ce que furent la vie et l’actualité en d’autres temps
Les voeux de bonne année peuvent prendre selon les époques une signification particulière. Remontons de 100 ans au 1er janvier 1917. Nous somme en pleine guerre, à peu près au milieu. La situation de l’armée française est encore très incertaine quant à une victoire définitive. Les morts se comptent par centaines de milliers, tous horizons confondus, notamment à la fameuse bataille de Verdun (début 1916 durant plusieurs mois) et la célèbre offensive de la Somme (qui commencera en juillet), guerre de tranchées et véritable boucherie. A la fin de l’année, on est loin de crier victoire et le pire est encore à venir en 1917, 40000 soldats se mutinent et refusent de monter au front, houspillant l’incapacité des officiers et le peu de cas que fait le général Nivelle de la vie des soldats au fameux Chemin des Dames. Des milliers de soldats français tombent sans qu’un seul mètre de terrain ne soit reconquis.
Contrairement à la guerre suivante, le territoire français n’est que partiellement occupé par les Allemands. C’est principalement une guerre de tranchées, qui comprend en gros les territoires depuis la mer du Nord à Bâle avec une pénétration maximum de quelques dizaines de kilomètres selon les endroits. C’est dire qu’il reste de la place pour danser, et l’on ne s’en prive pas, à part ceux qui vont au casse-pipe. Le guerre c’est toujours immoral, celle-là peut-être plus que les autres, Landru astique tranquillement sa cuisinière, Paris vit presque dans l’insouciance, les officiers, pas tous heureusement, se pavanent dans les salons. Les poilus, eux, se font casser la gueule et surnagent dans un immonde cloaque pour la gloire de quelques uns.
A la lecture du Figaro du 1er janvier 2017, on plonge en plein dans cet état d’esprit. Alors qu’aujourd’hui, quelques morts, on pourrait dire sélectionnés parmi des centaines qui laissent tout le monde indifférent, suffisent pour créer une marée de protestations, les boucheries des champs de batailles semblent laisser de glace les commentateurs. Personne ne dit: « je suis Verdun ». On pourrait presque lire ce journal comme s’il avait été publié aujourd’hui, excepté un survol de la guerre qui existe de manière minimaliste. On y parle de tout et de rien.
En voici quelques extraits…
Voilà à peu près ce qui est publié sur « les nouvelles de la guerre ». Le bilan de fin d’année d’année est assez fantaisiste, on a fait des prisonniers, mais on ne dit rien sur les dizaines de milliers de poilus qui sont allongés en ligne, mais sans vie. A croire le ton de ce billet, c’est presque une promenade de santé couronnée par des dégâts qui ne concernent que l’ennemi.
Un peu plus étoffé un éditorial qui tombe dans le « ya ka ». Encore un de ces mecs, ici un académicien élu à son troisième essai, qui se croit indispensable derrière son bureau et qui va gagner la guerre à lui tout seul.
Quelques mots sur l’ennemi, un ordre du jour très pompeux qui ne manque pas de parler de lauriers et d’immortalité. L’immortalité, c’est sans doute ce qui a manqué le plus à ceux qui sont morts au front. Et bien sûr, Dieu est de la partie, c’est bien la moindre des choses.
Une nouvelle plus insolite, la mort du fameux Raspoutine, un ces personnages insaisissables de l’histoire. Apparemment, les nouvelles vont assez vite, plus que celles de la guerre, puisqu’il n’a fallu que deux petits jours pour annoncer la nouvelle.
Dans les faits divers, une dame élégante qui fait ses petites affaires et un incendie, celui d’un atelier ayant appartenu à Marguerite de Merbitz, une artiste miniaturiste dont l’art n’a pas trop retenu le nom.
Les Boches, l’expression existe déjà, ont trouvé un moyen de combler les vides question main d’oeuvre. Un commentaire mi-figue, mi-raisin.
Les théâtres, et le cinéma dans une moindre mesure, sont là pour distraire ceux qui ont échappé au affres de la guerre, on s’amuse, on danse, la vie continue. On peut constater en lisant les programmes, ce qui était à la mode en cette période. Pas vraiment de grands noms, du moins qui ont passé à la postérité. Seul exception Harry Baur, qui deviendra un des plus grands acteurs français dans les années 30. il mourut en 1943, suite à un passage dans les geôles de la Gestapo, soupçonné d’être juif.
Il ne manquait plus que la météo, eh bien là voici! Il semble que le temps était doux. Il faisait même 26 à Monaco, il est vrai que cette nouvelle réchauffera le coeur des poilus si d’aventure ils lisent le journal.
Source. Gallica, BNF