Vrac de nylon et vieux papiers (39)

Eclats de nylon et une une certaine duchesse pas piquée des vers

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Les vieux papiers ou comment les journaux et autres nous donnent une vision de ce que furent la vie et l’actualité en d’autres temps

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Des chroniqueurs plus ou moins officiels propageaient les petits potins des cours royales, le célèbre Saint-Simon au temps de Louis XIV en est un bel exemple. Pour les choses un peu plus croustillantes, on peut aussi se référer aux correspondances échangées entre les diverses personnalités rattachées à la noblesse. Pour écrire, il fallait avoir bénéficié d’une certaine éducation, alors presque uniquement dispensée aux gens qui pouvaient se l’offrir, on est encore très loin de l’école obligatoire. Pas mal de femmes, c’est un hommage qu’il faut leur rendre, avaient la plume belle et même légère dans certains cas, pour décrire les moeurs de leurs temps. Souvent elles s’ennuyaient pendant que les hommes faisaient la guerre et après l’aiguille l’encre coulait tout naturellement  sur la papier. Madame de Sévigné et sa correspondance fait encore le bonheur des amateurs du genre. Dans un tout autre style, Elisabeth-Charlotte de Bavière dite la Palatine ou Liselotte fut responsable d’une nombreuse correspondance, on parle de 60000 lettres, notamment avec sa cousine la duchesse Sophie-Charlotte de Hanovre.

Pour ceux qui ignorent tout de l’histoire de France, remémorons-nous quelques faits sur sa personne. Elle n’est pas n’importe qui, elle est l’épouse en secondes noces de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV et devient ainsi sa belle-soeur et seconde dame de la cour après la reine à l’âge de 19 ans. Comme très souvent dans la royauté, c’est un mariage d’état, imposé par Louis XIV. En passant l’alliance, on agrandit les territoires ou on s’assure de la loyauté de quelques souverains qui peuvent devenir des ennemis, et surtout le sang bleu reste pur, une constante angoisse des rois de France.

Bien entendu de par ses origines elle est Allemande et noble, de religion calviniste, et née dans le Palatinat en 1652. Un mariage avec le frère du Roi-Soleil est une sacrée promotion pour cette fille de bonne famille noble, mais relativement modeste comparée à celle où elle va devenir une personnalité de premier plan. La cour de France est à cette époque la plus prestigieuse d’Europe. On est en somme en plein conte de fée, la princesse va épouser le beau ténébreux. Elle doit certainement se monter un peu le bourrichon, il est vrai que son futur mari est plutôt beau mec, puissant mais moins que son frère, riche. Mais tout cela elle le découvrira quand elle le rencontrera, le Palatinat est bien loin de Versailles. En plus de ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que son futur mari est surtout intéressé par les hommes et que les gens de la cour mènent une vie plutôt dissolue. 

Du haut de ses à peine vingt ans, sans être une beauté resplendissante, elle a son charme qu’elle perdra assez vite en devenant dodue, par ailleurs est assez garçon manqué dans ses attitudes.  Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’après son mariage en 1671, convertie au catholicisme, elle deviendra très vite une célébrité dans le monde qui tourne autour de Louis XIV, pas toujours à son avantage. De caractère entier, honnête, généreuse, pétillante, indépendante, elle s’emm… royalement de sa nouvelle vie, mais assumera néanmoins son rang, disons tout de suite qu’il y a pire comme contraintes. Malgré les moeurs spéciales de son mari, elle réussira quand même à fournir trois successeurs éventuels au trône. Son fils Philippe d’Orléans, non ce n’est pas une erreur de ma part il s’appelle comme papa, était désigné pour devenir roi si le petits fils de Louis XIV futur Louis XV venait à mourir. Il deviendra quand même Régent avant qu’il accède au trône. 

Louis XIV semble l’avoir aimée en tout bien tout honneur, du moins dans un premier temps, la qualifiant sans doute avec une certaine affection de « grande gueule »,  car il était toujours très courtois dans son parlé encore plus avec les dames. Ils avaient de nombreux points communs, notamment la chasse, où excellente cavalière elle participait vaillamment. 

Mais c’est bien par ses écrits que l’histoire lui réserve une place d’honneur. C’est presque un cas unique, car à travers sa correspondance on peut apprendre mille et une petites anecdotes sur la vie de la cour royale. Elle n’épargne personne, moins encore ceux avec qui elle a des rapports tendus, pas plus qu’elle ne se place sous un angle avantageux. Il faut quand même lui reconnaître qu’elle ne manque pas d’une certaine objectivité, la noblesse qui l’entoure est prête à bien des bassesses pour obtenir des avantages auprès des puissants. Elle considère volontiers que les grands doivent montrer l’exemple. Elle trempe assez facilement sa plume dans le vitriol et appelle un chat un chat. Ses récits ne sont pas toujours exempts de vulgarité ou de mots grossiers, mais l’humour n’y est pas non plus absent. A les lire aujourd’hui, on a peine à croire qu’il furent écrits par une duchesse de haut rang, il y a plus de 300 ans. Elle mourut en 1722, 7 ans après Louis XIV, à l’âge de 70 ans. 

Pour le fun quelques extraits de sa correspondance…

Dans une lettre à sa cousine la duchesse de Hanovre en octobre 1694, elle fait part de ses misères intestinales, ou plutôt sur les moyens restreints mis à disposition pour les soulager. Il est vrai que l’on attachait assez peu d’importance sur les lieux d’aisance et leur construction en nombre suffisant. Les couloirs du palais de Versailles et ses environs n’étaient pas réputés pour sentir spécialement la rose dans chaque recoin. Son texte est un morceau de m… non plutôt d’anthologie qui ramène la noblesse au rang du bas peuple, n’étant pas épargné par les lois de la nature. Elle qui se réclamait d’essence divine, c’est raté!

« Vous êtes bien heureuse d’aller chier quand vous voulez ; chiez donc tout votre chien de soûl. Nous n’en sommes pas de même ici, où je suis obligée de garder mon étron pour le soir ; il n’y a point de frotoir aux maisons du côté de la forêt. J’ai le malheur d’en habiter une, et par conséquent le chagrin d’aller chier dehors, ce qui me fâche, parce que j’aime à chier à mon aise, et je ne chie pas à mon aise quand mon cul ne porte sur rien. Item, tout le monde nous voit chier ; il y passe des femmes, des hommes, des filles, des garçons, des abbés et des suisses ; vous voyez par là que nul plaisir sans peine, et qui si on ne chiait point, je serais à Fontainebleau comme le poisson dans l’eau. Il est très-chagrinant que mes plaisirs soient traversés par des étrons ; je voudrais que celui qui a le premier inventé de chier, ne pût chier, lui et toute sa race, qu’à coups de bâton. Comment, mordi ! qu’il faille qu’on ne puisse vivre sans chier ? Soyez à table avec la meilleure compagnie du monde, qu’il vous en prenne envie de chier, il vous faut aller chier. Soyez avec une jolie fille, une femme qui vous plaise ; qu’il vous prenne envie de chier, il faut aller chier ou crever. Ah ! maudit chier, je ne sache point plus vilaine chose que de chier. Voyez passer une jolie personne, bien mignonne, bien propre, vous vous récriez : ah ! que cela serait joli si cela ne chiait pas ! Je le pardonne à des crocheteurs, à des soldats, aux gardes, à des porteurs de chaises, et à des gens de ce calibre-là. Mais les empereurs chient, les impératrices chient, le pape chie, les cardinaux chient, les princes chient, les archevêques et les évêques chient, les généraux d’ordre chient, les curés et les vicaires chient. Avouez donc que le monde est rempli de vilaines gens, car enfin, on chie en l’air, on chie sur terre, on chie dans la mer, tout l’univers est rempli de chieurs et les rues de Fontainebleau de merde, car ils font des étrons plus gros que vous, madame. Si vous croyez baiser une belle petite bouche avec des dents bien blanches, vous baisez un moulin à merde ; tous les mets les plus délicats, les biscuits, les pâtés, les tourtes, les perdrix, les jambons, les faisans, tout n’est que pour faire de la merde mâchée, etc. »  

Se riant d’elle-même, elle fait part d’une considération sur sa vie sexuelle.

« Si l’on peut recouvrer sa virginité après n’avoir pas, pendant dix-neuf ans, couché avec son mari, pour sûr je suis redevenue vierge ! ».

A propos de Madame de Maintenon épouse morganatique de Louis XIV, une de ses têtes de pioche dont elle est malgré tout responsable de sa présence à la cour 

« la vieille guenipe n’a jamais voulu que je me mêlasse de quoi que ce fût, car elle ne voulait pas que j’eusse des motifs de causer avec le roi ».

A propos de sa belle-fille, Françoise-Marie de Bourbon.

Elle rajoute plus loin que « son orgueil et sa mauvaise humeur sont insupportables, et sa figure parfaitement désagréable : elle ressemble comme deux gouttes d’eau à un derrière, sauf votre respect. Avec cela, elle est toute de guingois, elle a une prononciation affreuse, comme si elle avait la bouche pleine de bouillie, et une tête qui branle toujours. Voilà le beau cadeau que nous a fait la vieille ordure (La Maintenon)… mais la naissance tient lieu de tout… Elle tourmente ferme son mari ».

On peut trouver de larges extraits sur la Toile de ces lettres