Cinéma
Le personnage qu’il fallait trouver c’était bien sûr Mr Fritz Lang. J’explique les indices…
Dans un de ses films il y en avait trois, allusion à son film « Les Trois Lumières » de 1921.
Le titre d’un de ses films a sans doute inspiré une aventure de Black et Mortimer. Dans les aventures de Blake et Mortimer, il y a la fameuse « Marque Jaune » qui signe ses méfaits par un M en jaune, bien sûr je pensais à son célèbre « M Le Maudit ». Dans le film de Lang, le meurtrier se trouve aussi avec un M écrit à la craie dans son dos.
Dans un de ses films, il y avait plus de 30000 figurants. C’est évidemment dans « Metropolis » qu’on les trouve. Sans doute la première superproduction du cinéma. Et quel film!
Dans un film français très connu, il joue son propre rôle. Jean-Luc Goddard a fait appel à Fritz Lang (un hommage) en 1962 pour « Le Mépris » avec Brigitte Bardot, dans un rôle qui a sans doute rehaussé son estime auprès des cinéphiles. Lang y joue Lang avec toute la lucidité du personnage face à la caméra.
Eh bien consacrons justement cet article à Mr Lang et un de ses chef d’oeuvre M Le Maudit, de 1931.
Même s’il n’avait jusqu’alors tourné que des films muets, Fritz lang était ce que l’on peut considérer comme un réalisateur vedette, spécialement en Allemagne, sa patrie. Le magnifique Metropolis l’avait déjà fait entrer dans l’histoire. En voulant passer au parlant dont c’était les débuts, il se devait de trouver quelque chose qui ne déparerait pas de ses précédentes réussites. il choisit de s’inspirer en partie du tristement célèbre Peter Kürten, un sérial killer surnommé le Vampire de Dusseldorf. Lang semble avoir assisté au procès du tueur, une sorte de témoin de première main pour lui. Il bâtit un scénario sur cette histoire et la transpose à Berlin, en gardant l’option de détraqué sexuel du tueur, mais qui ne s’attaque qu’aux enfants, alors que le « modèle » est plus « éclectique ».
Encore fallait-il trouver un acteur qui puisse incarner le personnage. Le génie ou la chance de Lang fut de faire confiance à Peter Lorre, un acteur presque débutant originaire de l’actuelle Autriche. Par ailleurs un personnage plutôt paisible dans la vie courante, il réussit à donner au rôle toute l’ampleur qu’il nécessitait. A la fin du film, durant son procès devant et par la pègre, il est criant de vérité quand il tente d’expliquer comment les démons qui l’assaillent dans son esprit l’obligent à tuer des enfants innocents. C’est sans doute l’une des plus grandes interprétations jamais filmées par une caméra pour le cinéma, Lorre y est prodigieux. Peu d’acteurs ont bâti une carrière d’acteur sur un rôle ou une séquence dans un film. Il est parmi les quelques uns qui ont réussi cet exploit. Fuyant l’Allemagne car étant d’origine juive, il trouva presque naturellement une suite pour sa carrière à Hollywood, Fritz Lang aussi, apparaissant dans des films célèbres. Il se permit même de moucher Hitler, impressionné par son rôle, qui lui faisait un appel du pied pour retourner en Allemagne, tout en faisant table rase de ses origines. Il lui répondit qu’il y avait déjà assez d’un assassin en Allemagne. Hitler vexé par sa réponse le fit mettre sur une liste noire des personnes à faire disparaître en priorité.
Le sujet
La peur règne sur la ville, ici Berlin, car plusieurs meurtres sur des enfants ont été commis. Pressé par ses chefs, la police qui n’a pas le moindre indice, doit absolument trouver la piste du meurtrier. Alors elle entreprend d’incessantes descentes et contrôles dans les bas-fonds de la ville, car on suppose que le meurtrier en fait partie. Cet harcèlement commence à sérieusement gêner tous les petits truands qui ne peuvent plus truander en rond. Rappelons que le cadre temporel dans lequel se situe l’histoire est celle de la crise d’après 1929, une époque où chacun doit se débrouiller comme il peut, pas toujours de manière honnête.
Si la police a son réseau de renseignements, il y en a un qui est peut être encore plus efficace, celui de la pègre. Lors de la réunion d’un comité de chefs truands, ils décident de rechercher et de trouver le meurtrier pour mettre fin à ses agissements et retrouver un certain calme, chose qui risque d’arriver si les meurtres cessent. Ils possèdent un semblant de certitude que la police ignore, le criminel n’appartient pas à leur milieu, mais plutôt à celui de la bourgeoisie. Une vaste toile d’araignée est tissée à travers la ville avec principalement les nombreux mendiants, une banalité à l’époque, comme observateurs et indicateurs qui se fondent parfaitement dans les décors. Grâce à cela, il arrivent à mettre le grappin sur le tueur et décident de la juger à leur manière. Ce qui conduira au fameux procès qui occupe la dernière partie du film.
Le film
Avec ce film on peut considérer que Fritz Lang entre dans la modernité en le sonorisant, mais les images et l’ambiance ainsi que sa manière de filmer, ne dépareillent pas avec les films précédents pratiquement tous entrés dans la légende. Il n’a pas voulu en faire un thriller, il n’y pas de scènes crues, ni de poursuites impitoyables, comme cela est le cas dans La Nuit Du Chasseur par exemple. Malgré tout, c’est un film à l’action soutenue, qui contrastent avec une certaine lenteur assez présente dans les images de l’expressionnisme allemand qui tiennent lieu de sons ou de paroles. Les meurtres des enfants sont suggérés, un ballon qui sort d’un buisson et qui roule sur le sol, une baudruche qui s’envole et se coince dans les fils électriques. Même si on ne voit pas le meurtrier, on sait qu’il est là à l’affût, car il a l’habitude de siffloter le célèbre air extrait de Peer Gynt composé par Edvard Grieg. C’est d’ailleurs Fritz Lang qui le fait et double en quelque sorte sa vedette. Une partie des acteurs du film pour les petits rôles sont réellement des gens du milieu. Il voulait par là donner une touche plus réaliste à ses images.
Avec ce film, Fritz Lang signe une oeuvre magistrale, un peu aidé sans doute par la prestation de Peter Lorre. Mais très souvent dans le cinéma l’un est complémentaire de l’autre. C’est au réalisateur de tirer tout le jus d’un acteur, encore faut-il qu’il en soit capable et qu’il sache trouver celui qui en est capable. Il développe aussi la question sous l’angle social des comportements anormaux, c’est une première dans l’histoire du cinéma, et des assassins par pure gratuité. Dans sa défense, l’assassin affirme que des forces mystérieuses l’obligent à commettre ces meurtres. S’il est indéniable que de tels personnages ne peuvent être laissés en liberté, il semble que depuis Freud on a passablement dépoussiéré le terrain pour le compréhension de ces phénomènes. Victimes ou coupables, c’est selon sa sensibilité personnelle. Tout au plus, il faut juste être heureux de ne pas être comme cela et ne pas jeter la pierre trop vite à ceux qui sont atteints de ce mal. La nature, en apparence si souvent harmonieuse, a sans doute quelques grains de folie dont la finalité nous échappe. Qu’est ce qui nous oblige à aimer plutôt ceci que cela, qu’est ce qui nous oblige à protéger la vie ou à tuer, et surtout avons-nous la possibilité d’inverser le mal pour le bien quand il se présente en nous?
Ce film est incontestablement un film qu’il faut avoir vu. Malheureusement, aller au cinéma maintenant est trop souvent synonyme d’effets spéciaux et de trucs bassement commerciaux pour attirer le spectateur. Le cinéma, je ne le dis jamais assez, c’est comme la musique. Un nouveau style ne naît pas d’un claquement de doigts, il y a toujours des inspirateurs, des inspirations, des prémices. Il est certain que voir M Le Maudit est une manière de remonter aux sources. Il reste bien des poussières de Mr Lang dans l’histoire du cinéma.
Un décor qui appartient au film, mais pas la scène, Peter Lorre et Fritz lang
Les principaux acteurs
Hans Beckert : Peter Lorre ; Frau Beckmann : Ellen Widmann ; Elsie : Inge Landgut ; Lohmann : Otto Wernicke ; Le directeur de la police : Ernst Stahl-Nachbaur ; Le ministre : Franz Stein ; Groeber : Theodor Loos ; Le secrétaire : Gerhard ; Bienert Schränker : Gustaf Gründgens ; Le pickpocket : Paul Kemp.
Puisque ce film est désormais dans le domaine public, je vous ai fait un petit montage avec quelques extraits dont un qui concerne la fameuse scène du tribunal de la pègre.