Bas nylon et un député pas comme les autres

Un député pas comme les autres

L’Islam est un sujet d’actualité que revient souvent dans les discussions. Mais saviez-vous que le premier député de religion musulmane franchit les portes du Parlement il y a 130 ans?

Cet homme s’appelait Philippe Grenier (1865-1944)  et il est né à Pontarlier. Il devint médecin de formation. En 1890, il va voir son frère qui se trouve en Algérie, alors colonie française. Intéressé par la culture musulmane, il se convertit à l’Islam lors d’un second voyage en 1894. Il est d’abord conseiller municipal de sa ville, il se rend aux séances vêtu à la manières des Bédouins. Politiquement il est très à gauche, mais son statut le fait s’intéresser de près aux question médicales et à la condition ouvrière. Au décès du député représentant le Doubs il décide de se présenter à l’élection. Contre toute attente et malgré ses exubérances vestimentaires, il est élu. Il faut préciser que son programme est socialement très en avance pour l’époque. Mais il se retournera pour une partie contre lui surtout dans ses prises de positions face à l’alcoolisme dans sa proposition  de loi sur la limitation des débits de boisson et la taxation des liqueurs. N’oublions pas que Pontarlier est à cette époque une Mecque, mais celle de la fabrication de l’absinthe qui occupe des milliers de personnes. Principalement à cause de cela, il ne sera pas réélu et quittera finalement la politique.Il ne siégera donc que de 1896 à 1898.

On peut imaginer tous les remous que cette élection provoqua dans la presse de l’époque. On en profita pour railler sa personne à travers ses opinions religieuses, mais plus que cela c’est sa position de gauchiste qui dérange, chose qui passait assez difficilement dans la bourgeoisie. Il fut quand même un ami de Jaurès et un personnage pittoresque dans un monde politique qui l’est beaucoup moins, même à la fin d’un siècle déjà lointain.

On peut analyser les ironies de l’histoire, car une dizaine d’années plus tard, un projet de loi identique à ses vues fut mis en route, prônant notamment la limitation des débits de boissons et aboutira à l’interdiction de l’absinthe en 1915, interdiction qui mena finalement à la création du fameux Pernod. Un autre point tout aussi ironique fut son combat pour faire reconnaître aux citoyens des pays coloniaux le droit à la citoyenneté française. Il avait déduit que face à l’Allemagne ou à la Russie, l’armée française n’avait pas une armée qui pouvait mobiliser un nombre égal ou supérieur de soldats. Le potentiel en hommes des pays colonisés offrait une énorme réservoir de chair à canon. Non pas qu’il prônait la guerre, mais dans un pure mesure d’intimidation. Il est clair que se battre à un contre cinq ou dix donnerait à réfléchir, surtout à l’état major prussien. Pour cela estimait-il, il faut leur donner des droits, il n’en avaient pratiquement aucun, et la nationalité française afin qu’ils aient une bonne raison de se battre et aussi l’obligation, car le conscription rendait le service militaire obligatoire. L’attribution de la nationalité permettait aussi la création d’un état civil afin de savoir qui est qui et où. Jusque là, il n’y avait pratiquement aucun recensement sérieux de population. Le contingent dit des tirailleurs sénégalais ou algériens existaient déjà, mais cela restait assez marginal. Le soldats de ces armées avaient droit tout au plus à un salaire ou une prime et les remerciement de la France. Ils rendront néanmoins quelques bons services lors des deux guerres, 

Une des chansons satiriques dont il fut le sujet…

Une opinion plus contrastée

L’opinion d’un éditorialiste parue dans un journal d’époque Le Temps.

Bien que gardant entre moi et toute forme de religion une distance plus que respectable, je suis assez respectueux des croyances d’autrui, mais cela ne m’empêche pas de les étudier à fond et d’en tirer mes conclusions personnelles. Je crois que le personnage que je vous ai présenté ici est un cas typique qui montre qu’il ne faut pas juger une personne par son appartenance religieuse, il y a des cons partout, mais bien par ce qu’elle fait pour rendre le monde un peu meilleur. Animé par une conviction religieuse dans laquelle il ne manquait pas de critiquer certains de ses aspects, il mena une vie humble et désintéressée de tout ce que le monde peut offrir comme miroir aux alouettes. Après son passage dans la politique, il continua le même parcours. Il n’eut jamais de harem, il épousa simplement sa bonne et mourut en 1944 à l’âge de 78 ans. Il n’est pas tout à fait oublié à Pontarlier, un collège et une mosquée portent son nom.

L’histoire du poulet musulman

Lors d’un voyage au Maroc, j’avais rencontré Rachid. En mangeant en sa compagnie, j’avais dégusté un poulet, du moins une partie, et je l’avais trouvé délicieux. Il venait de la ferme d’un de ses oncles pauvre paysan dans un petit bled du Maroc. Il n’y a pas de secret, ses poulets sont élevés selon les vieilles traditions, ce n’est pas du poulet industriel. Pas plus tard que l’autre jour, on sonne à ma porte et je vais répondre. Quelqu’un qui revenait du Maroc avait un petit cadeau pour moi. C’était Rachid qui me faisait parvenir un poulet, tué la veille et préparé selon les habitudes du coin par sa femme, c’est à dire farci de toutes les épices qu’ils emploient pour ce genre de préparation. Comble de bonheur,  il y avait les abats à l’intérieur, le cou et le foie. Rachid est un Musulman mais nous n’avons jamais parlé d’Islam, ce qui ne nous as pas empêché de lier une belle amitié avant de nous séparer pour ne peut être jamais nous revoir. Comme il savait que la personne qui lui a rendu visite me connaissait, il s’est rappelé que j’aimais le poulet et lui a donné mission de me remettre ce fameux poulet que j’ai bien entendu mangé. 

Merci Rachid, par ce geste tu t’es souvenu que j’existais après tout ce temps. Comme tu le sais si bien, je ne t’ai pas jugé sur tes croyances, ni toi sur les miennes. Nous sommes juste deux personnes qui ont décidé que l’amitié n’a pas de barrières. Et qui sait peut être nous mangerons le prochain poulet ensemble…

Source Gallica, BNF, DP

2 réflexions sur “Bas nylon et un député pas comme les autres

  1. Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. » Les tontons flingueurs (Audiard)
    Bon 15/08

  2. Merci Cooldan,

    Ah cet Audiard, il avait le sens de la formule. et ses dialogues dans les films sont pour le moins savoureux. Je dois dire que j’aime assez ce genre d’exercice qu’il m’arrive de pratiquer quand l’inspiration vient. Mais le plus souvent c’est le hasard qui m’y mène.

    Bonne soirée

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