Bas nylon et on mange quoi ?

La France a toujours été réputée pour son art de la gastronomie. Je suis bien d’accord avec cela, bien que je trouve qu’elle en a pris un sacré coup dans l’aile, ça c’est la faute à l’industrie alimentaire et aux Ricains qui ne savent pas cultiver la sensation du goût et de la finesse dans l’art de préparer un plat.

Je n’ai jamais envisagé un seul instant qu’il puisse y avoir une race supérieure, par contre il y a des cultures, qui sans être supérieures, ont plus l’art de préparer des choses succulentes à manger. Bien qu’étant capable d’avaler n’importe quoi, je préfère nettement un plat préparé par un cuisinier d’obédience latine à un d’essence germanique. Les Latins, sans doute un peu parce que j’en suis un, ont le don de me plaire dans la préparation de la boustifaille. La France est sans doute le pays qui me charme le plus, mais l’Italie, l’Espagne, le Portugal, ont aussi des cuisines très intéressantes. La cuisine du Maghreb est aussi digne d’un grand intérêt, immensément variée et très colorée, très abondante en légumes. La cuisine indienne et chinoise m’intéressent aussi par ce qu’en j’en ai goûté, mais pour en être tout à fait sûr, il faudrait aller sur place. A ce propos je tiens à souligner qu’il y a quelque chose que j’ai constaté, c’est assez visible dans le vin. Vous pouvez goûter un bon cru de Bourgogne sur place, il vous paraîtra comme ceci ou cela, mais excellent. Achetez-en quelques bouteilles identiques à celui que vous avez bu, dégustez-le à 1000 km de là, sous un climat différent, vous verrez qu’il ne sera jamais aussi bon que le même que vous avez dégusté en Bourgogne. Sans se transformer en piquette, il perdra de son caractère. Il y a une alchimie invisible qui fait que la conjugaison de différents facteurs changent aussi la donne du vin. Je me demande d’ailleurs si la même chose n’est pas valable pour les aliments. Evidemment difficile de manger une bouillabaisse à Marseille et d’emporter les restes pour le manger au sommet du Mont Blanc pour voir si c’est différent.

Ces petites remarques faites, passons à table, mais d’une manière un peu spéciale, je vous invite à une bouffe dans les tranchées.

Une différence notable entre les deux grandes guerres du 20ème siècle, c’est la nourriture et l’approvisionnement. Pendant l’occupation allemande, on crevait la dalle, on mangeait mal et peu. Tout le territoire à partir de 42 était sous la juridiction allemande après l’occupation de la zone dite libre. Pendant la première guerre, la situation était radicalement différente, il y avait une zone de combats qui s’étendait de la frontière nord vers les Flandres à celle de l’est en dessous de la ville de Bâle en gros, sans grande pénétration des troupes allemandes. Donc le reste du territoire était resté français, avec toute sa logistique intacte et un approvisionnement sans trop de problèmes. Il était encore relativement facile de manger normalement et à peu près tout. On peut se référer à l’histoire du fameux Landru, il n’apparaît jamais dans son parcours qu’il ait eu des problèmes d’approvisionnement avec ses conquêtes, tout au plus un manque de fric pour se procurer ses petits plaisirs quotidiens.

Dans une certaine mesure, les fameux Poilus, ceux qui étaient sur le front pour se faire casser la gueule ne sont pas morts de faim, mais plutôt par les balles ennemies. Il pouvait arriver de temps en temps qu’une unité combattante soit en rupture d’approvisionnement à la suite d’une rupture avec l’arrière à la suite d’un mouvement de front, mais dans la plupart des cas, la logistique suivait.

Dans chaque période de l’histoire, il y a toujours des personnages qui sont un peu en marge, des originaux en quelque sorte. Eh bien figurez-vous que pendant la guerre, certains s’amusaient à collectionner les menus pendant que d’autres collectionnaient les blessures. Ce n’est en fin de compte pas une mauvaise idée, car ils ont maintenant valeur de témoignages. Que mangeait-on il y a 100 ans, est-ce différent de ce que l’on s’empiffre aujourd’hui, et qui mangeait quoi et quand ?

Je me suis arrêté sur une collection de documents qui concernent directement le front, le lieu ou se situaient les combats, ceux où cela chauffait comme on dit. Certes, il ne faut pas non plus s’imaginer que l’ordinaire était composé de foie gras aux truffes ou que les menus étaient imprimés quotidiennement sur du papier parchemin et distribué à chaque soldat à l’appel du matin. Non, c’est moins sélect que cela et ne concerne pas toujours le soldat sous le feu ennemi. Imaginez un Poilu en train de désosser délicatement sa poularde de Bresse, alors que les obus ennemis pleuvent autour de lui!

Mais il apparaît quand même qu’à certaines occasions et pour ceux qui en avaient les loisirs, l’ordinaire était plutôt plaisant. Une manière sans doute de donner du coeur à ces braves qui feraient l’impossible pour ne pas voir des cuisines de campagne remplies de choucroute déferler dans leurs tranchées. La patrie passe aussi sans doute par l’estomac!

J’en ai sélectionné une dizaine, certains étant illustrés par des dessins qui ne manquent pas d’humour et qui littéralement « bouffent du boche ». L’ordre est chronologique de de 1915 à 1917.

La guerre est sans doute la plus grosse connerie humaine, mais la guerre par le rire est aussi une manière de faire mourir… de rire!

Source BM Dijon, DP