Il y a certaines chansons que j’écoute depuis 50 ans, d’autres que je pourrais écouter depuis le même laps de temps, mais dont je n’ai pu mettre ces écoutes en pratiques.
La raison en est bien simple, au moment de leur publication je n’ai pas pu en avoir connaissance et éventuellement les découvrir par l’écoute. Une grande partie de ces disques sont sortis dans un relatif ou total anonymat, publiés par des labels n’ayant qu’ne renommée locale ou un peu perdus parmi ceux des plus grandes compagnies. En faire un succès et en vendre des milliers de copies se heurtait à un grand principe, celui des charts ou hit parades qui reflétaient les parutions et les ventes et surtout la renommée d’un titre. Aux USA pour les 45 tours deux références faisaient la pluie et le beau temps, le Cashbox et le Billboard publiés hebdomadairement sous forme de journal avec 100 titres classés chaque semaine. Le Cashbox représentait plutôt la côte est et le Billboard la côte ouest. Le Cashbox avait aussi des sous-classements propres à certains styles de musique, comme la country ou le rythm’n blues. Un titre classé no 1 dans un de ces sous-classements pouvait n’atteindre qu’une place d’estime dans le classement général, ce n’est pas une règle absolue, mais un cas de figure assez courant. De plus, un titre pouvait être très bien classé dans l’un des charts national et plus mal dans l’autre. A la lecture de ces données on imagine assez facilement la difficulté de pénétrer dans un de ces classements, d’autant qu’un titre pouvait y figurer plusieurs semaines, la durée moyenne de leur présence étant d’environ deux mois pour les titres à grand succès. Environ une vingtaine de titres nouveaux remplaçaient ceux sortis. Sur une année il ne pouvait y avoir au maximum 52 no 1 en théorie, car certains succès pouvaient rester plusieurs semaines à la première place, voilà pour l’essentiel.
Ces deux journaux étaient lus dans le monde entier et servaient de référence, car il est évident qu’un gros succès là-bas pouvait aussi en devenir un ailleurs, ce qui pouvait pousser les labels ayant une stature internationale à les publier localement ou sous licence pour les labels de moindre importance. Par exemple en France, Vogue, Barclay, Decca, Emi, Philips, avaient la représentation exclusive d’un grand nombre de labels étrangers.
En Angleterre, le système était un peu le même, le New Musical Express, le Melody Maker, établissaient les classements de référence, mais limités à 30 places. En France, c’est un peu particulier, il n’y a jamais eu de classements officiels, mais on peut admettre que le hit parade de Salut les Copains servit de référence pour toutes les années 60.
Les USA avaient une autre particularité dans les années 50 et 60, celle d’avoir des stations de radios locales, une voire plusieurs dans tout les coins d’une certaine importance. Elles établissaient aussi un hit parade local, et quelques artistes locaux qui enregistraient sur un label du même cru pouvaient avoir la chance d’y figurer. Certains professionnels étaient attentifs à ces classements et pouvaient décider de récupérer un artiste local pour le propulser nationalement. Le cas le plus connu est Elvis Presley.
En tenant compte qu’ils existait à travers le monde des milliers de petit labels qui avaient publiés des disques sous forme de microsillons, il apparut à certains spécialistes qu’ils pouvaient contenir des trucs intéressants qui n’avaient jamais bénéficié d’une quelconque mise en lumière. Ces archéologues de la musiques errèrent à la recherche de cet Eldorado.
Le tout premier truc du genre vit le jour assez vite en 1972. Il est dû à l’initiative de Lenny Kaye futur guitariste de Patti Smith. Les artistes qui y figurent ne sont pas à proprement parler des inconnus, la plupart ont une discographie conséquente et on eu pour certains un bref moment de gloire dans la seconde moitié des années 60. Mais l’idée était là, rassembler en un double album paru chez Elektra, des titres plus ou moins connus et les mettre en lumière sous le nomination « d’artefacts originaux de la première ère psychédélique ».
Un des personnages qui figurent justement dans cette compilation, Sky Saxon chanteur des Seeds, fut un des initiateurs de la suite en déclarant qu’il allait « trouver des disques qui étaient au moins aussi bons que ceux des Beatles ». Il ne fut pas le seul, mais un des initiateurs. Ce titres regroupés en compilations commencèrent à voir le jour vers la fin des années 70. Les premières furent la série « Pebbles », 28 volumes, et sa petite soeur « High In Mid Sixties », 22 volumes. A elles deux, cela fait une récolte de plus de 500 titres. Ils sont interprétés par des artistes obscurs pour l’immense majorité, principalement américains, mais on y trouve aussi quelques interprétations venues du vieux continent. Certains auraient pu faire des no 1 sans sans problèmes !
La phénomène gagna de l’ampleur et une multitude de trucs du genre virent le jour les années suivantes, « Mindrocker », « Boulders », Chocolate Soup For Diabetics », « Acid Visions ». Je dois en avoir personnellement plus de 200. En général, parmi les collectionneurs, on désigne ce style sous le nom de garage punk, mais cela peut aussi concerner des titres plus ou moins psychédéliques. Leur point commun est d’avoir été enregistrés dans les années 60 et être pour la plupart le fait de petit labels locaux ou les fonds de tiroirs d’une maison de disque plus conséquente.
Le deuxième depuis la droite est un personnage devenu connu, Iggy Pop
Au fur et à mesure que j’ai découvert ces compilations, bien des découvertes m’apparurent comme si je les écoutais en direct du paradis. Aujourd’hui, 35 ans plus tard, bon nombre sont devenus des classiques de mes écoutes. Et justement, si je ne les écoute pas depuis au moins 50 ans, ce n’est pas vraiment de ma faute. Mais du moment que c’est éternel…
En voici un fleuron sans ordre précis et sans commentaires…