Cinéma
De manière générale, les films d’épouvante se veulent « sérieux » même si le sujet ne l’est pas trop. On aime bien faire peur avec les recettes classiques, monstres, vampires, pouvoirs surnaturels. L’introduction de la notion comique n’a été abordé qu’à travers quelques séries télévisées comme Les Monstres ou La famille Adams, vers le milieu des années 60. Néanmoins, on peut trouver quelques scènes comiques dans des films qui n’ont pas la prétention de l’être. Roman Polanski a sans doute imaginé que d’aborder le genre dans un long métrage serait une bonne idée. Il n’est pas encore le cinéaste de renom qu’il est aujourd’hui, mais il commence à marquer quelques points dans une carrière qui devient internationale. C’est son quatrième long métrage, sorti en 1967.
Des divers genres qu’il pouvait retenir, c’est celui du vampire qui est adopté. Il se colle assez fidèlement aux autres films du genre, notamment ceux de la Hammer, la plus célèbre faiseuse d’histoires inspirés des classiques de l’épouvante, notamment les fameux Dracula et Frankenstein, genre populaire 30 ans plus tôt. Par se coller, il faut entendre qu’il envoie ses héros en Transylvanie, dans les Carpates, lieu ou Bram Stocker situe dans Dracula le berceau des vampires, s’inspirant d’un personnage réel Vlad Tepes, réputé cruel et sanguinaire. Il respecte aussi les canons du genre à savoir que les vampires ont peur de l’ail, ils ne se reflètent pas dans un miroir, ne vivent que la nuit, ne supportent pas la lumière du jour, celui qui est mordu par un vampire en devient un à son tour. Tout les reste c’est du Polanski.
Le plot.
Le professeur Abronsius (Jack MacGowran) est un savant un peu fou persuadé de l’existence des vampires. En compagnie de son assistant Alfred (Roman Polanski), craintif et timoré, il se rend en plein hiver dans les Carpates pour tenter de trouver des traces de l’existence des vampires. Un soir, après une longue route et complètement gelés, ils arrivent à une auberge perdue dans un coin de montagne. Anbronsius remarque qu’il y a de l’ail partout dans l’auberge et il pense être arrivé au bout de ses peines. A toutes ses questions, on détourne aimablement la conversation ce qui le conforte dans ses idées, il est au bon endroit. Son assistant est plus intéressé par « l’architecture », il s’éprend de la jolie Sarah (Sharon Tate) la fille de l’aubergiste (Alfie Bass). Cette dernière est enlevée et la piste que les deux compères suivent les amène tout droit au château de comte Von Krolock (Ferdy Mayne qui s’inspire passablement de Christopher Lee), en pleine effervescence, car aura lieu le bal annuel des vampires.
Pour incarner le savant un peu fou, il fallait à Polanski un acteur capable d’en faire un peu trop, Il l’a trouvé en la personne de Jack MacGowran, un extraordinaire professeur Abronsius qui est en beaucoup plus cinglé une sorte de professeur Tournesol passionné par sa science. Acteur peu connu jusque là, il y gagne une célébrité mondiale qui sera hélas sans vrai lendemain, mais qui lui valut quand même de figurer dans l’Exorciste, sa dernière apparition, car il mourut peu après le tournage âgé de seulement 54 ans. Soulignons aussi qu’avez son visage normal, il est presque méconnaissable. Polanski incarne plutôt bien son assistant, il est dévoué mais sans enthousiasme, il suit le mouvement. La belle Sharon Tate, en jeune fille légère qui adore prendre des bains, n’était initialement pas le choix de Polanski, mais sur l’insistance, c’est elle qui obtint le rôle. Ce fut hélas pour son plus grand malheur quand on connaît la suite. Bref rappel pour les jeunes et ceux qui ne connaissent pas l’histoire. Une liaison commença pendant le tournage du film entre elle et le réalisateur, qui aboutit à un mariage en 1968. Le couple s’installe à Los Angeles dans une maison ayant appartenu à Michèle Morgan. Le 9 août 1969, enceinte de huit mois, elle est assassinée ainsi que plusieurs personnes présentes par le tristement célèbre Charles Manson et sa bande. Un article de presse d’époque.
La film de Polanski est remarquable par l’image, très coloré, on repense ici aux films de la Hammer qui avaient cette saveur, d’ailleurs Polanski n’a jamais prétendu ne pas s’en être inspiré. Les paysages hivernaux sont magnifiques, l’auberge représente bien l’ambiance d’une auberge dans un coin perdu, lieu de rencontre pour les gens alentours, avec ses personnages typiques, représentatifs d’une caste sociale plutôt défavorisée.
Une notion introduite par le cinéaste plutôt inhabituelle, ils sont plus humanisés, aimant s’amuser puisque qu’un bal à lieu dans le château. Ils sentent un peu moins le tombeau et ont emporté avec eux les défauts des simples mortels, comme le fils du baron qui est homosexuel et qui courtise Alfred ou le râleur qui cherche l’endroit le plus confortable pour poser son cercueil.
Et surtout on rit, c’est super drôle, les situations sont cocasses, tout est tourné en bourrique, on aimerait presque aller danser au bal pour voir si par hasard notre reflet apparaît toujours dans le miroir du grand salon. Si ce n’est pas le cas, eh bien tant pis, on s’amuse bien chez les vampires… et c’est éternel!
Une version théâtrale de son film a été mise en scène en 2014 à Paris par le réalisateur lui-même.
Distribution
- Jack MacGowran (VF : Roger Carel) : le professeur Abronsius
- Roman Polanski (VF : lui-même) : Alfred, l’assistant du professeur
- Alfie Bass (VF : Jacques Marin) : Yoine Shagal, l’aubergiste
- Jessie Robins (VF : Hélène Tossy) : Rebecca Shagal, la femme de l’aubergiste
- Sharon Tate (VF : Paule Emmanuelle) : Sarah Shagal, la fille des aubergistes
- Ferdy Mayne (VF : Paul-Émile Deiber) : le comte Von Krolock
- Iain Quarrier (VF : Hubert Noël) : Herbert von Krolock, le fils du comte
- Terry Downes : Koukol, le domestique bossu du comte
- Fiona Lewis : Magda, l’employée de l’auberge
- Ronald Lacey : l’idiot du village
- Sydney Bromley (VF : Lucien Raimbourg) : le conducteur de traîneau
- Andreas Malandrinos : un bûcheron
- Otto Diamant : un bûcheron M. Peres
- Matthew Walters : un bûcheron
Autour du film
Les scènes extérieures du film ont été tournées en Italie à Val Gardena. Ce sont dont les paysages des Dolomites que vous apercevez à l’écran. Initialement Polanski avait prévu de tourner le film dans un château suisse, mais le projet n’a pu aboutir.
Pour obtenir l’effet de la scène du bal lorsque le vampires s’aperçoivent que les intrus se reflètent dans le miroir de la salle de bal, la salle a été copiée derrière un faux miroir avec des silhouettes humaines devant (on ne voit pas les visages).
Roman Polanski ne se nomme pas dans le générique du début, seulement dans les crédits finaux.
Sur les lieux de tournage du film, il a été commandé un grand nombre d’imitations de cercueils pour les besoins du film. Certains touristes crurent qu’il y avait une épidémie de peste.
Dans la version française, Polanski se double lui-même, il s’agit donc de sa vraie voix.
La MGM publia d’abord aux USA, une version dans laquelle le film fut quelque peu mutilé avec un dessin animé et une explication sur les vampires. Devant le bide rencontré elle revint au film initial. Ce n’est qu’à partir de cette version que le film connut le succès.