Bas nylon et une presque Sainte Cécile

 

A la Belle Epoque être une star était certainement quelque chose d’assez différent d’aujourd’hui. Le cinéma est encore quelque chose de balbutiant, le phonographe existe, mais c’est encore un privilège d’en posséder un et puis les enregistrements à disposition sont encore assez limités. La radio, la TSF comme on disait, ne commencera des émissions régulières qu’après la première guerre mondiale. Le théâtre et l’opéra, quoique qu’assez différents dans le public qu’ils drainent, sont des moyens disponibles pour conquérir les foules. Ils se devisent aussi entre le populaire, surtout le théâtre, accessible à presque tous et celui réservé à une élite qui peut payer l’entrée sans regarder à la dépense. Sans préjuger de la qualité de leurs acteurs, ceux qui ont acquis le rang de célébrités, ne se produisent que dans les grands théâtres et obtiennent des cachets en rapport. A la grande différence du cinéma, le théâtre reste local, on ne peut pas doubler un acteur qui interprète une pièce française en direct. Au pire, on peut adapter une pièce à succès dans une autre langue, ou le représenter à l’étranger pour un public local qui peut le comprendre.

La presse reste le moyen le plus sûr pour faire ou défaire une vedette, la promotion d’un spectacle passe presque obligatoirement par elle, du moins pour atteindre le plus grand nombre. On ne devient pas une star et à plus forte raison on le reste, sans alimenter d’une manière ou d’une autre le petit plus qui fait que l’on parle de vous. Il faut se montrer et être vu, ce qui ne peut être atteint que par la fréquentation de célébrités dont le rayonnement peut rejaillir sur d’autres ou alors y aller de quelques extravagances, parfois quelques scandales, qui alimenteront les conversations. L’une de ces stars qui officia presque exclusivement dans le monde du théâtre, mais qui fut une icône pendant des dizaines d’années, fut Cécile Sorel.

Elle est née Céline Emilie Seurre en 1873 à Paris.  Plutôt jolie, elle est attirée par le théâtre et suit des cours de comédie. Ses premières années furent celles d’une comédienne de boulevard et joua aux côtés de célébrités déjà confirmées comme Eve Lavallière. En 1899, elle entre au célèbre Odéon, et en 1901 à la Comédie-Française. Elle réussit à gagner ses galons de vedette. Au niveau de la popularité, elle prend en quelque sorte la succession de Sarah Bernhardt, alors vieillissante et de santé précaire.

On ne s’attardera pas sur sa carrière théâtrale, mais  sur le côté extravagant de la personne. Elle sut mener une vie mondaine de première classe et faire parler d’elle pour entretenir son image auprès du public de manière forte, ne reculant devant aucun caprice et artifice pour y parvenir.

 

Dans les grandes années de sa gloire, elle entretient avec le fortuné Whitney Warren, c’était sa spécialité, un rôle d’éternelle fiancée qui ne se conclura jamais par un mariage. En dehors des personnages importants un peu oubliés aujourd’hui, mais qui furent nécessaires au rayonnement de sa carrière, il y a toujours des personnages en vue dans son entourage, Maurice Barres, Felix Faure, Georges Clémenceau. Ce dernier qui avait le sens de la formule et pas toujours très aimable, fit d’elle la description suivante :  « Une sorte de travesti empanaché. À travers les plumes, j’ai fini par reconnaître l’autruche. Elle s’était surpassée, ce qui me paraissait impossible. Une robe pour le Carnaval de Rio ou le couronnement du roi Pausole. », et qui sut un jour la remercier d’un envoi de… chrysanthèmes par ces mots : « Merci de vos admirables fleurs, par lesquelles il vous a plu d’humilier ma vieillesse. »

Elle ne rata jamais une bonne occasion de se montrer, apparaissant dans des toilettes somptueuses et parfois très excentriques, se permettant tous les caprices d’une star, elle ne se fit pas que des amis. Elle fut bien entendu un peu malmenée par les satiristes et caricaturistes comme en témoigne cette histoire au sujet d’une caricature…

Elle finit par se marier, mais assez tardivement en 1926, à 53 ans. Elle choisit, histoire d’ajouter à sa célébrité un titre de noblesse, un descendant de Madame de Ségur, la fameuse comtesse des romans, et devient ainsi comtesse de Ségur, titre qu’elle conservera jusqu’à sa mort. Le mari n’était pas ce que l’on peut appeler nommément un gigolo, mais il accuse quand même une quinzaine d’années de moins qu’elle, ce qui n’alla pas sans quelques railleries comme « la faux-cils et le marteau » , allusion aux origines russes de son mari, ou « la belle et le bête ». Ce dernier était aussi un acteur occasionnel, mais travaillait au Ministère des Affaires étrangères et fut baptise « le con d’Orsay ».

Malgré les années qui passent, elle reste encore très populaire, mais cantonnée à des rôles de dame mûre. Elle a malgré tout comme on pourrait dire, de beaux restes et une vitalité extraordinaire Elle se retire de la Comédie Française afin de pouvoir se produire plus librement et  passe au Casino de Paris où elle interprète un de ses plus fameux anciens rôles, Célimène. A cette occasion, elle aura l’occasion de prononcer sa plus célèbre phrase devenue culte : « l’ai-je bien descendu? ». En effet, la célèbre Mistinguett revendiquait le rôle et estimait que Sorel ne pouvait descendre l’escalier de la scène sans avoir toute la grâce requise. Lors de la représentation, la Miss se tenait devant la scène à guetter le moindre accroc, qui ne se produisit d’ailleurs pas. C’est pourquoi Cécile Sorel lui adressa personnellement cette réplique.

Elle fit un peu de cinéma dans des rôle secondaires notamment dans Les Perles de la couronne en 1937 de Sacha Guitry. Mais il est un peu tard pour commencer une véritable carrière dans ce style. 

L’occupation arrive et elle continue de se produire, et surtout s’affiche avec les Allemands ce qui lui sera rappelé plus tard. Elle eut encore une belle phrase à ce propos : « Les Allemands n’auraient jamais mis les pieds chez moi si vous ne les aviez pas laissés entrer ! ». On lui reprocha notamment d’être apparue souvent dans le journal Le Matin, résolument collaborationniste et qui fut interdit à la libération. Son apparition en première page en train de fleurir la tombe de Marie-Antoinette, ne passera pas inaperçue. Mais elle s’en tire sans trop de mal, d’autres célébrités et non des moindres, ne sont pas exemptes des mêmes reproches.

En 1945, son mari meurt et sa carrière marque vraiment le pas. En 1950, elle est prise d’une crise de mysticisme, entre dans les ordres, et prend le nom de sœur sainte Cécile de l’Enfant-Jésus. Elle fera encore une ou deux apparitions de pur témoignage sur sa carrière, on échappe pas toujours à son passé de star. Elle meurt en 1966, âgée de 92 ans.

Elle fut une immense vedette, l’une des plus resplendissantes de son époque. Aujourd’hui, elle ne ferait certainement plus la même carrière. Son style, notamment sa diction, fait parie de ces choses un peu datés, un exotisme d’une époque révolue qui a toutefois encore certains admirateurs.

Sources Gallica, BNP, DP

4 réflexions sur “Bas nylon et une presque Sainte Cécile

  1. Cécile SOREL était vraiment un personnage dans toute sa splendeur, on a du mal à s’imaginer à cette époque, d’où l’intérêt de découvrir ou redécouvrir ces portraits.
    Merci, bonne semaine

  2. j adore votre bloc pour les pin up toujours de belle photo merci a vous j aime toute cette lingerie des annee 50/60 toute ma jeunes j ai 72 ans merci pour tout cella

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