Bas nylon et un massacre

 

Certaines histoires de meurtres très sordides, ont de la peine à laisser une empreinte dans la mémoire collective et pourtant elles sont parfois plus horribles que bien d’autres. Les meurtres de célébrités sont par définition de celles que l’on oublie le moins facilement, et je dirais de manière un peu désabusée, qu’au prix du kilo de viande froide, elles ne valent pas plus que les autres. Ce sont très souvent des meurtres opportunistes. L’assassinat de John Lennon en est un exemple, s’il n’avait pas été célèbre, il ne lui serait probablement rien arrivé. Encore qu’avec lui, je crois sincèrement que beaucoup de monde a été touché parce qu’il y a au fond de nous-mêmes une chanson de lui que l’on adore, il nous a donné un instant ou plusieurs de rêverie. Je suis beaucoup plus sceptique lors de l’assassinat d’un politicien, je crois que même parmi dans les icônes du pacifisme, aucun n’a vraiment apporté une amélioration sensible à la cause humaine. Si c’est le cas, ce ne fut que pour une période mesurable. En politique, le terrain est très instable et modelable à façon, selon celui qui vient après. La célébrité, peu importe son obédience, est un risque à courir pour celui qui la veut.

J’ai découvert en fouillant dans les vieux journaux, une de ces histoires criminelles presque complètement oubliée, mais qui surpasse en horreur bien des cas plus connus. C’est un drame de la misère, aussi un peu un cas de folie, la première est éventuellement la cause de la seconde. Il est étonnant de voir combien dans un société soi-disant bien pensante on peut laisser aller les choses jusqu’au point de non retour. En tapant ces lignes, je revois la plume de Victor Hugo, quand il raconte Javert et sa conception implacable de la justice. Parfois une main tendue peut avoir plus d’effets que l’application à la virgule près de lois qui ne sont pas spécialement faites pour protéger les plus humbles.

Le contexte : nous somme en 1889 au mois d’avril, à Puy-Imbert près de Limoges, à Paris l’on parle de l’Exposition universelle qui va tantôt ouvrir ses portes sous l’ombre de la Tour Eiffel nouvellement construite.

Dans une famille avec cinq enfants, le père qui est sans travail est envoyé deux jours en prison pour un vol. Deux jours, pour la justice d’alors, cela ne correspond pas à un très grand vol. Il n’a pas braqué une banque, ni tué personne. Il demande de l’aide pour sa femme, qui va s’occuper de ses enfants et surtout les nourrir pendant son court séjour à l’ombre ? La réponse est laconique, il suffit de demander de l’aide. Pauvre père, il ne se doute pas de qui l’attend à la sortie. 

C’est là que tout va basculer…

Elle sauva sa tête, mais l’histoire semble avoir oublié comme elle a fini sa vie, sans doute à Cayenne où elle s’est diluée dans les méandres de ceux dont on ne voulait plus se rappeler le nom. 

Reprenons deux passages du déroulement du procès, publié dans un article du Figaro qui ne peut pas être taxé de journal gauchisant :

C’est toujours facile de juger de la misère des autres quand on n’a le ventre bien plein, une nouvelle appréciation en justice, la misère relative.

L’avocat de la défense qui est un socialiste bon teint, y voit sans doute un peu plus clair dans son appréciation. Pour lui, elle est moins criminelle que les bourgeois. La seconde partie est plus scabreuse en faisant allusion à l’Angleterre. Je ne sais pas si ce genre d’affirmations a jamais été d’actualité dans ce pays. Comme dirait l’autre : laissez les vivre, et j’ajouterais même, veillez à ce qu’ils ne crèvent pas de misère.

Source . Gallica, BNF, DP