Plongeons dans le Paris du début des années 30. Dans ce que je pourrais appeler le monde moderne, bien que cela remonte à presque 90 ans. C’est une époque que j’aime bien, plus particulièrement du point de vue artistique. Le cinéma, devenu parlant, sortait des chefs-d’oeuvre presque à la chaîne, les surréalistes menaient le bal, le jazz traversait l’Atlantique. La vie était certainement plus simple, les plaisirs aussi. Un soupe à l’oignon avait le goût de l’oignon, les légumes une autre saveur, pas contaminés par les pesticides, le poisson remuait presque encore dans les assiettes.
Paris avait aussi ses côtés plus sordides, tout n’était pas que rire et gaîté. Le bourgeois allait encore s’encanailler dans des endroits plus ou moins recommandables, s’offrir un moment de plaisir avec une dame peu farouche faisait aussi partie du programme. La prostitution était courante, banale. Dans les endroits dédiés, chaque mètre de trottoir était presque un terrain privé, régi par quelques notables appartenant à cette branche du milieu, ceux qui vivaient des revenus de la prostitution, le « pain de fesse » comme l’argot les désignait. Rien n’était immuable ou réglementé de manière stricte, un souteneur pouvait de temps en temps aller s’illustrer dans une autre spécialité, ou un braqueur se faire quelques billets en mettant temporairement un dame dans le circuit de la prostitution. Le milieu avait même son code d’honneur et ses lois, elles n’avaient rien à voir avec celle de la République, mais y contrevenir était punissable. Selon la gravité du cas, la peine de mort était prononcée sans jugement et le plus souvent sans tarder. Mais on négociait aussi moyennant quelques billets ou en créant des alliances contre un éventuel envahisseur. Un petit coin de Paris pouvait changer de mains entre deux symboliques propriétaires, une mauvaise gagneuse rejoindre des endroits comme les taules d’abattages, lieux où la victime travaillait à la chaîne, couchée sur son lit et les jambes écartées. Tout se décidait entre messieurs en buvant de l’anisette, ou en jouant à la belote.
Notre histoire commence dans un de ces endroits, le long de la rue de Poissonniers, du côté de Barbes. Parfois les malfrats rêvent d’une vie bourgeoise bien rangée, parfois c’est le contraire…
Boissier et le Corse
Les Becs Salés hier et aujourd’hui, un confiserie
Source Gallica, BNF, DP