Il y a un bout de temps que je n’avais pas fait un article sur le cinéma. Ce sont des articles qui prennent en général pas mal de temps à écrire. Bien entendu, je ne parle que de films que j’ai vus, surtout de ceux qui ont laissé des traces dans ma mémoire. J’excelle plutôt dans le cinéma des années 20 à 60. Je suis même assez encyclopédique pour ce genre de films. J’ai toujours une affection particulière pour les seconds rôles, si souvent essentiels à la réussite d’un film. Quand je discute avec des cinéphiles ou qui se prétendent tels, il m’arrive souvent de les tester sur leurs connaissances de ces acteurs. A mes yeux, le cinéma est un tout, une grande vedette n’en sera que meilleure si les rôles secondaires sont à la hauteur de l’enjeu. Savoir qu’un bon second rôle figure dans tel ou tel film est une critère qui parle en faveur du reste.
Voici deux films importants des années 30.
Les films qui relatent la guerre sont nombreux et plutôt variés dans leur réussite, tant esthétique que commerciale. Je suis persuadé que plus l’on s’éloigne dans le temps, plus les faits relatés se perdent dans les brumes de l’histoire. Dans le même genre, il y a des films qui peuvent être plutôt bons, mais qui manquent d’une certaine petite touche de finition. Un célèbre film traitant de ce sujet « Les Sentiers De La Gloire » de Stanley Kubrick est trop américanisé, la binette de Kirk Douglas n’a pas archétype du visage de l’officier français. De même un acteur américain ne se mouche pas ou se gratte les roubignoles de la même manière qu’un poilu. Je suis convaincu que Fernadel en doublage anglais perd toute sa saveur. Il y a des choses qui passent en restant dans leur terroir, mais qui deviennent obsolètes ailleurs.
En prenant en considération les lignes précédentes, il y a un film qui m’apparaît comme une réussite totale, et je suis pas le seul à le dire, il s’agit des « Croix De Bois » de Raymond Bernard sorti en 1932. Il est inspiré de roman éponyme de Roland Dorgelès, lequel a été un combattant de la guerre 14-18. Déjà là, on est situé près de la guerre question timing et le film tourné au début des années 30, profite du fait que les souvenirs sont encore vivaces. Le film est presque un documentaire, on y voit la vie dans les tranchées, coupée de montées à l’assaut , avec ceux qui reviennent ou pas, et attendent la suite. Les poilus sont bien des gens du cru, avec leurs expressions, leur patriotisme, ou ceux persuadés que la guerre est une boucherie. Certaine scènes du film sont admirables, tout à fait avec cette lumière qui caractérise certains films de cette décade.
Les acteurs y sont remarquables, on notera principalement, Pierre Blanchar, Gabriel Gabrio, Raymond Aimos, et un acteur déjà bien installé sur les écrans Charles Vanel. A noter Christian Jacque sur le point d’entamer sa carrière de réalisateur.
- Pierre Blanchar : soldat Gilbert Demachy
- Gabriel Gabrio : Sulphart
- Charles Vanel : caporal Breval
- Raymond Aimos : soldat Fouillard
- Antonin Artaud : soldat Vieublé
- Paul Azaïs : soldat Broucke
- René Bergeron : soldat Hamel
- Raymond Cordy : soldat Vairon
- Marcel Delaître : soldat Berthier
- Jean Galland : capitaine Cruchet
- Pierre Labry : soldat Bouffioux
- Geo Laby : soldat Belin
- René Montis : lieutenant Morache
- Jean-François Martial : soldat Lemoine
- Marc Valbel : Maroux
- Christian-Jaque : un lieutenant
C’est un film hautement recommandable, pas toujours facile à voir dans les salles ou à la télé, il faut se rabattre sur le DVD. De mon point de vue personnel, je déplore qu’il soit un peu tombé dans l’oubli, mais il semble avoir un intérêt marqué pour les cinéphiles.
Restons dans les histoires de croix…
Je ne suis pas féru de religion, ni dans la vie de tous les jours, ni au cinéma. Pour ce dernier, il y a quand même un ou deux films que j’apprécie en ayant la religion pour thème. J’écarte les « Dix Commandements » de Cecil B DeMille, un peu trop superproduction hollywoodienne, mais assez intéressant quand même par la distribution. Je citerais en premier un film de King Vidor, « Hallelujah » (1929), un des premiers films parlants et une fantaisie qui mélange le gospel et la ferveur religieuse des noirs, assez différente de sa collègue blanche. C’est presque une comédie entre le sacré et le profane, emmené d’une manière très gaie. En second, « Au Risque De Se Perdre », avec Audrey Hepburn, film qui retrace la vie d’une femme qui entre dans les ordres religieux et n’y trouve absolument pas sa vocation. Le troisième est d’un autre style, une réalisation française de Julien Divivier, « Golgotha » (1935), qui retrace la vie de Jésus Christ de son arrivée à Jérusalem, jusqu’à sa résurrection. Il faut presque prendre ce film, si vous n’avez pas de convictions religieuses, comme un film d’aventures teinté de surréalisme ou de fantastique. On peut en effet par certains côtés, considérer Jésus comme une sorte d’aventurier au temps des Romains. L’histoire est assez fidèlement respectée, selon le récit qu’en fait la Bible, quand elle raconte les dernières heures de sa vie. Là où le film est remarquable, c’est par l’interprétation de Jésus par Robert Le Vigan, qui fut quand même un sacré acteur. C’est dommage qu’il se soit fourvoyé dans la collaboration avec les Allemands, car c’était à coup sûr un monstre sacré d’après guerre. Son physique assez frêle, son visage parfois halluciné, parfois torturé, parfois triste à l’excès, colle parfaitement à l’idée que l’on se peut faire de Jésus, en faisant la comparaison avec les images qui le représentent. La distribution aligne quelques grandes gloires du cinéma : Harry Baur, Edwige Feuillère, et un étonnant Jean Gabin dans le rôle de Ponce Pilate.
- Jean Gabin : Ponce Pilate, le gouverneur
- Edwige Feuillère : Claudia Procula
- Robert Le Vigan : Jésus
- Harry Baur : Hérode
- André Bacqué : Anne
- Charles Granval : Caïphe
- Lucas Gridoux : Judas
- Hubert Prelier : Pierre
- Jean Forest : Jean
- Juliette Verneuil : Marie
- Philippe Hersent : Jacques
- Maurice Lagrenée : Philippe
- Vanah Yami : Marie-Madeleine
- Elmire Vautier : Hérodiade
- Edmund van Daële : Gerson
- Marcel Chabrier : Joseph d’Arimathie
- Marcel Carpentier : le scribe
- Paul Asselin : Mathieu
- Robert Ozanne : le centurion
- Georges Peclet : le légionnaire
- Georges Saillard : un Sanhédrite
- Victor Vina : un Sanhédrite
- François Viguier : un Sanhédrite
- Teddy Michaud : un bourreau
- Max Maxudian : un Sanhédrite
- Hugues de Bagratide : un Sanhédrite
Pour moi, c’est un film qui n’est pas négligeable dans l’histoire du cinéma, comme bien des films de Duvivier. Il a ses adeptes et ses détracteurs. C’est du cinéma qui nous nous change un peu de tout ce que le cinéma nous inculque à coups de projecteurs, l’héroïsme, l’aventure, la vie dans toute sa diversité. Je trouve que c’est une approche assez instructive sur la vie du personnage, j’ai même appris plus de choses sur lui que tous les curés réunis n’ont jamais réussi à me faire entrer dans la tête. Je n’en suis pas pour autant sorti converti. Les traces qu’il a laissées dans l’histoire sont la preuve que le personnage a bel et bien existé, que cette histoire soit romancée, que le personnage fut réellement ce qu’il prétendait être, vous me permettrez de vous laisser le libre choix de votre opinion. Dans ce domaine un philosophe résume admirablement bien la chose : croire, ce n’est pas être sûr, c’est espérer !
Une interview de Robert le Vigan en Argentine vers la 15ème minute