Walt Disney ne fut pas le premier à créer un monde illustré dans lequel les animaux adoptaient des attitudes humaines. Bien avant l’apparition des ses personnages, une Anglaise du nom de Beatrix Potter (1866-1943), avait déjà créé et illustré des aventures dans lesquelles les animaux avaient la part du roi, ce qui la rendit célèbre de son vivant. Elle reste encore une référence dans ce domaine plus de 100 ans après. Contrairement à Disney qui stylisa ses personnages, elle les reproduit exactement, même s’ils portent des habits ou lisent le journal.
Elle est née dans une famille bourgeoise. Contrairement à la tradition qui veut que les enfants de riches aillent étudier dans un collège, elle reste à la maison. Elle ne manquera pourtant pas d’acquérir une solide culture générale. Son principal problème, c’est qu’elle s’ennuie et se réfugie dans un monde de rêveries. Lors de vacances au nord de l’Angleterre, elle découvre la nature et c’est le coup de foudre. Elle en tombe amoureuse et en étudie les comportements, les habitants, les végétaux. Servie par un joli coup de crayon, elle dessine des planches sur les champignons qui serviront par la suite à l’illustration de livres sur le sujet, c’est encore le cas aujourd’hui. Petit à petit, elle se fait une réputation de naturaliste en réalisant des observations scientifiques, notamment sur les champignons et les lichens, mais peine faire reconnaître ses travaux. Le milieu scientifique anglais est très fermé, voire interdit aux femmes. Mais sa célébrité viendra des histoires qu’elle imagine et illustre pour les enfants en mettant des animaux en scène notamment Peter Rabbit, notre Jeannot lapin à nous. Elle commence timidement en 1890, en créant des cartes de voeux animalières. A sa grande surprise, elles sont éditées en Allemagne. Le fils de sa gouvernante étant convalescent, elle invente une histoire avec des lapins, dont elle tirera un livre plus tard. Même si elle s’adresse à des enfants, elle refuse d’employer des mots trop simples, prétextant que c’est un moyen de les éduquer et de leur inculquer un language plus élaboré. Un premier recueil est mis en forme, mais ne trouvant pas d’éditeur, elle choisit de l’éditer elle-même avec des illustrations en noir et blanc. Cette publication va à contre-courant des habitudes de l’époque, format plus petit, illustrations prenant nettement le pas sur le texte, elle préfigure la BD d’aujourd’hui. Les 250 exemplaires de sa complication sont rapidement épuisés, il paraît que le célèbre Conan Doyle en achètera pour ses enfants, et un second tirage est mis en route. Un éditeur qui l’avait précédemment ignorée s’intéresse enfin à son travail et une édition, en couleurs cette fois, sort en 1902. Le succès définitif viendra rapidement et traversera même l’Atlantique où des éditions illégales verront le jour pendant quelques temps.
Elle a maintenant 36 ans et vit toujours chez ses parents, mais grâce à ses droits d’auteur, elle peut s’émanciper et s’acheter une ferme près de Carlisle dans le nord de l’Angleterre en 1905. Durant les 10 années suivantes, elle étoffera son univers avec plus de 20 livres et en créant de nouveaux personnages, tant par le texte que par le dessin, qui viendront étoffer la famille des lapins. Sa vie personnelle est marquée par la perte tragique de son fiancé, son éditeur mort de leucémie, en 1905. Elle ne se mariera qu’à l’âge de 47 ans, et avec son mari qui est aussi un amoureux de la nature, elle se consacrera principalement à l’élevage de moutons. Elle restera assez discrète sur sa carrière d’auteur et d’illustratrice et de business woman, bien qu’elle soit définitivement célèbre et encore admirée aujourd’hui.