Bas nylons autour d’un hit

Après l’avènement du rock and roll, l’Amérique domina le genre pendant plusieurs années, ses idoles étaient pratiquement intouchables. Par effet de miroir et aussi pour des raisons culturelles, l’Angleterre accueillit à bras ouverts les stars américaines. De nombreux rockers anglais essayèrent de le relayer sur le plan national se contentant pour la plus part de reprendre des hits américains avec un certain succès. Le premier a obtenir un tube avec un production locale fut Tommy Steele en 1956 avec « Rock With The Caveman », inspiré de Bill Haley. Pendant quelques années, il eut du succès, mais dans un style qui fut plus proche de la variété que du rock. En 1958 apparaît Cliff Richard, il réussit à créer des classiques du  rock and roll purement anglais comme « Move It » ou « Dynamite », mais lui se tourna assez vite vers une musique plus édulcorée. Il fut suivi l’année d’après par Johnny Kidd qui ajouta encore deux classiques « Please Don’t Touch » et surtout « Shakin’ All Over », la seule création de cette veine a avoir été no 1 au hit parade anglais. Il y eut aussi Billy Fury, qui est plus à considérer un tendre qu’un méchant rocker. Le point commun de tous ces artistes, c’est qu’ils n’ont jamais eu le moindre succès aux USA,  ils y sont pratiquement inconnus. Il fallut attendre 1962 pour qu’un disque purement anglais, dérivé du rock and roll, soit no 1 là-bas. Voici l’histoire de cette chanson.

En général, les maisons de disques ont la main mise sur leur productions. Parallèlement, il existe des producteurs indépendants qui n’ont pas leur propre maison de publication, mais qui possèdent un studio d’enregistrement et qui vont proposer aux grandes compagnies leurs productions, une sorte de disque clé en mains. Celui du début des sixties en Angleterre et qui est resté le plus célèbre s’appelle Joe Meek. A l’époque qui nous intéresse il est déjà connu, ayant eu un no 1 en 1961 avec John Leyton (Johnny Remmeber Me). Il est plein de bonnes idées musicales et un habile compositeur, plus encore, on retrouve dans certains de ses enregistrements un son qui permet de l’identifier immédiatement comme producteur. Son studio d’enregistrement est assez simple, c’est un appartement et souvent lors des enregistrements les musiciens ne sont même pas tous dans la même pièce par manque d’une espace assez grand.

En 1962, alors qu’il regarde des images à la télévision sur le premier lancement d’un satellite de communication, il lui vient l’idée d’un instrumental qu’il baptise d’après le nom de ce satellite, Telstar. Il a justement sous la main un groupe monté de toutes pièces avec des musiciens de studio, les Tornados, qui servent aussi occasionnellement de groupe d’accompagnement pour Billy Fury Il a déjà fait une tentative avec eux, « Popeye Twist / Love And Fury », publié par Decca sans grand résultat. Une fois « Telstar » publié, le succès est presque immédiat. Il monte dans les charts et sa classe no 1 pendant plusieurs semaines entraînant des ventes qui se comptent par millions. Les USA ne sont pas en reste et lui accordent les mêmes faveurs, c’est le premier no 1 d’un artiste britannique issu de la vague rock and roll. Le titre est adoré autant par les jeunes que les personnes d’un âge plus avancé, il fait pratiquement l’unanimité et sa mélodie facile à retenir n’est pas étranger à cette attirance. En France, les Compagnons de la Chanson en feront une version vocale. Au niveau style, on remarquera la petite révolution dont il est le précurseur, un son spatial et aquatique qui sera présent dans bien des enregistrement suivants, la présence de bruitages en ouverture, et surtout un travail de studio avec l’art de trafiquer le son. On a de la peine à croire que cela a été enregistré et mixé dans un banal appartement On peut aussi voir les Tornados comme des ancêtres du disco.

Pochette de l’édition française fin 1962

La France a édité un 33 tous en plein succès des Tornados, ce qui ne sera pas le cas un Angleterre

Les Tornados devant l’Olympia à Paris en 1963

La suite de la carrière des Tornados fut plus nuancée, ils connurent encore un assez gros succès avec « Globetrotter », mais les titres suivants ne rencontrèrent que peu de suffrages. Finalement en 1966, le groupe se dissout, sans aucun des membres originaux encore présent dans la formation.