Bas nylons et une chanson qui demande l’amour

Vers 1965, on commence à sentir une idée d’innovation dans les studios anglais, on recherche des nouveaux sons, des compositeurs capables d’aligner des hits ou de composer des chansons plutôt innovatrices. Beaucoup de groupes anglais doivent, entre 1962 et 1964, une soudaine notoriété grâce à la reprise d’une obscurité américaine. C’est le cas pour les Searchers qui démarrent avec « Sweets For My Sweet » empruntée aux Drifters, Manfred Mann et « Do Wah Diddy Diddy » venu des Exciters, ou encore les Moody Blues et « Go Now » créé par Bessie Banks. D’obscurs enregistrements, ils deviennent des standards qui sont encore dans toutes les oreilles. D’autres sont plus ambitieux, sans pour autant renoncer à mettre quelques reprises dans leur répertoire, ils ont un potentiel de compositeurs qui peuvent assurer des hits qui ne tardent pas à monter à l’assaut des hit parades. Il y a les Beatles, les Rolling Stones, les Kinks, ces derniers par la seule force de Ray Davies, qui je crois est le compositeur sixties anglais le plus titré dans ce domaine, entre compositions solitaires et entrées dans les charts. Et puis, il y a encore une catégorie un peu plus à part, ceux qui se voient confier des chansons par des compositeurs plus ou moins en vue, un producteur habile en composition, une société de compositeurs.

L’histoire de la chanson que je vais vois conter, appartient plutôt à la troisième catégorie, elle m’est particulièrement chère, car c’est le premier disque que j’ai acheté. Un groupe anglais a signé pour le label Columbia, sous l’impulsion d’un producteur suisse d’origine russe, Giorgio Gomelsky. Ils ont déjà publié deux 45 tours et un album enregistré en public. Les affaires marchent, mais sans courir. Comme beaucoup de groupes de cette époque, ils sont en admiration devant le blues et le répertoire noir en général. Lors d’une réception festive qui réunit un peu tous les artistes qui enregistrent chez EMI, les Beatles y compris, un de membres du groupe qui nous intéresse est abordé par un inconnu du nom de Graham Gouldman, qui leur propose une chanson qu’il a composée. En prenant l’avis des autres membres, la chanson leur paraît intéressante et ils pensent pouvoir en faire quelque chose. Un seul des membres est réticent, le guitariste soliste, qui voit le groupe sombrer dans la facilité, lui qui ne voit que la couleur noire dans la musique. Il quittera le groupe sur cette mésentente, ce qui ne l’empêchera pas de faire ensuite une carrière fabuleuse. Il s’appelle Eric Clapton, le groupe les Yardbirds, la chanson « For Your Love ».

Il faut mettre le chanson en forme, et c’est là le plus compliqué. On peut la jouer note pour note, banalement ou bien lui ajouter quelques épices. L’homme orchestre du groupe, Paul Samwell-Smith, le bassiste et plus tard producteur de Cat Stevens, a bien quelques idées. On ne sait pas trop pourquoi, il verrait bien un clavecin, instrument rarement employé par une musique à tendance rock and roll. Oh bien sûr, on ne va pas l’employer tel quel, mais en trafiquant le son de manière à lui donner un sonorité toute différente. Il faut bien avoir en tête que cela devient une règle dans les studios d’enregistrement en 1965, on cherche la nouveauté en s’appuyant sur ce qui commence à ressembler à de l’électronique. Aucun des membres ne jouant de cet instrument, il est confié  à un organiste, Brain Auger. Le nouveau soliste recruté, Jeff Beck, devra se transformer sur certaines photos en joueur de claviers, mais à la limite il s’en fout, il n’aime que les bagnoles, ce qui ne le perturbera pas pour devenir un dieu de la guitare,

Le disque est mis en boîte et publié. Quand on écoute les productions de l’époque, il faut bien admettre que cela est assez différent de ce que l’on produit alors. C’est assez innovateur et le tout très accrocheur. Le mérite principal en revient d’abord au compositeur, mais sans le solide appui de la mise en son fait par le groupe, le résultat n’aurait sans doute pas été aussi probant. C’est assez évident, car beaucoup de reprises sont assez banales. Graham Gouldman écrira aussi les deux succès suivants, et oh merveille, le suivant ne ressemble pas au précédent. Plus encore, il deviendra un compositeur très demandé. Les Hollies feront un tube avec « Bus Stop », Herman’s Hermits avec « No Milk Today », Wayne Fontana avec « Pamela Pamela ». Les spécialistes savent qu’il sera plus tard un membre de 10CC et que « I’m Not In Love » lui doit aussi quelque chose.

Après quelques passages radio, le réponse est immédiate, les Yardbirds obtiennent leur premier tube, 3ème UK et 6ème USA. Eric Clapton admettra plus tard qu’il a un peu regretté son départ vu le succès, mais les Yardbirds un peu moins, car ils ont maintenant un guitariste innovateur qui ne sera pas pour rien dans la légende qui désormais les suivra, un groupe clé des années 60, qui a fait avancer le schmilbic comme on peut dire maintenant.

1ère publication française. Malgré que les Yardbirds enregistrent chez Columbia/Emi, le producteur Giorgio Gomelsky à signé avec Barclay/Riviera pour la France, C’est la patte des producteurs indépendants. La photo n’est pas d’actualité, elle montre encore Eric Clapton (2ème depuis la droite).

Clip original humoristique en playback, l’intro est beaucoup plus long que sur le disque. Chris Dreja (guitare rythmique) fait semblant de jouer des claviers. On a longtemps cru que ce clip était perdu.

En vrai live

L’ancien rocker Larry Williams, grande inspiration des Beatles, sera un des premiers à reprendre la chanson sur un album où il recrute le fameux  Johnny Guitar Watson. Une assez belle reprise.

En France c’est Monty qui s’y colle. Pour une version française c’est assez réussi. Le 45 tours 4 titres publié existe en deux versions, une avec ce titre (second tirage) et une autre avec « Le Temps » (premier tirage) à la place. Je suppose que c’est dû au fait que l’émission Salut les Copains commençait à diffuser le titre sur les ondes d’après l’album publié en même temps, ce qui obligea Barclay à rectifier le tir et le publier aussi en 45 tours 4 titres et 2 titres.

Le légendaire groupe anglo-allemand entièrement féminin, les Liverbirds, l’a inclus dans son second album en 1966.

Gary Lewis (le fils de Jerry Lewis) & The Playboys, 1965.

Herman’s Hermits, 1965.

Brésil, Renato E Seus Blue Caps-Vivo So 1966.

La version du compositeur, 1968, sur un album où devenu chanteur, il reprend ses plus célèbres compositions.

Italie, Ombre Di Bronzo – Finara, 1968. A mon avis le première grande version, un peu comme le groupe la joue maintenant.

The Four Tops, beaux vocaux.

Version disco par Chilly, 1978, il fallait bien qu’ils en fassent une.

Version rockabilly, 1989.

Version symphonique, 1983.

Greg Sage, le guitariste et chanteur des Wipers, 1991 et son jeu de guitare très personnel.

Note : En 1973, Fleetwood Mac seconde mouture, en a enregistré une version pour l’album « Mystery To Me ». Elle a été publiée en 45 tours simple. Comme je ne l’ai pas trouvée, je n’ai évidemment pas pu l’inclure dans ce listing. 

https://www.youtube.com/channel/UCAb60rVrvVQVfSgrX1UWb0g

2 réflexions sur “Bas nylons et une chanson qui demande l’amour

  1. Bonjour M. Le Boss,
    J’adore aussi cette chanson qui a marqué mon adolescence !
    La version de Fleetwood Mac est sur youtube :

    Bonne semaine
    cooldan

  2. Hello Cooldan,

    Chez moi et via WordPress, ça me dit qu’elle n’est pas disponible. Encore un de ces mystères mystérieusement mystérieux. Je pense qu’elle est bloquée pour certains endroits, en tous cas le lien existe bel et bien et je vois l’image de l’album.Tant pis et merci.pour la recherche.
    Bonne semaine

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