En musique il n’est pas rare que les décideurs ne décident rien ou se fourrent le doigt dans l’oreille jusqu’au cerveau. La maisons de disques proposent et les radios disposent. Ces dernières étaient dans le passé le support essentiel pour qu’un disque devienne un succès. Les échanges de bons procédés sous la table n’étaient pas toujours absents des tractations entre vendeur et diffuseur. La règle no 1 était en premier ressort d’envoyer une copie de ce que l’on voulait essayer de faire passer sur les ondes. Après le bon vouloir des radios pouvait s’exercer. Certains voulaient aussi jouer sur deux tableaux, produire et diffuser sur les ondes où ils avaient un droit de regard. C’est les cas d’Europe 1, dont le directeur des programmes d’alors, Lucien Morrisse, fonde Disc’AZ en 1963. On ne peut pas dire que toutes les productions du label furent des grands succès ou des succès tout court, mais quelques artistes du label gagnèrent leurs galons de vedettes, mais assez peu de vedettes connues immigrèrent vers lui en ayant conquis la notoriété ailleurs. On peut aussi dire que comparativement à d’autres maisons de disques, le nombre de publications devenues de grosses pièces de collection est assez minime.
La phénomène des faces B qui deviennent des succès existent pour quelques publications. Nous allons étudier un cas spécial, car dans le pays d’origine c’est bien la face A qui fut un succès, mais la face B est autrement plus connue dans le reste du monde. Je veux parler de Them et la fameuse « Gloria ».
C’est une chanson composée par le chanteur du groupe, Van Morrison. Ce sont des Irlandais qui immigrent à Londres pour trouver un terrain plus favorable à la diffusion de leur musique. Ils sont signés par Decca et après une première tentative au succès modéré, « Don’t Start Crying Now », reprise de Slim Harpo, il décident de s’attaquer au « Baby Please Don’t Go » de Big Joe Williams dans une version complètement revisitée. On colle en face B la composition de Morrison et le disque est publié. C’est un disque remarquable à l’aube de ce mouvement qui veut mener la musique vers de nouvelles voies, dont un des buts est d’intégrer la musique noire dans la musique blanche avec les découvertes sonores qui pointent le bout de leur nez, sans faire de la copie carbone. La voix de Van Morrison est un phénomène en lui-même.
Le disque marche plutôt bien et c’est un succès en Angleterre qui entre dans le top ten vers le début 1965. Mais sur le continent, on estime que « Gloria » est plus séduisant, alors c’est ce titre qui devient un succès sans toutefois se classer aux plus hautes places du hit parade. Mais la chanson a un fort pouvoir pour capter l’auditeur, elle devient en sorte un succès underground. C’est le cas en France, avec une spécialité à la clé. Le succès en Angleterre a décidé Decca de publier un 45 tours EP dans la foulée, en y incluant « Baby Please Don’t Go » mais pas « Gloria ». Decca France, où l’on a l’habitude de publier dans ce format, reprend cette publication avec une autre pochette Decca 457069). Mais voilà, ici aussi on veut surtout « Gloria », ce qui oblige Decca a éditer peu après une nouvelle publication (Decca 457073). Pour ne pas faire trop double emploi, on remplace deux titres par la nouveau single anglais du groupe « Heres Come The Night » (le plus gros succès anglais du groupe No 2) et « All For Myself ». Pour la petite histoire, la deuxième publication fut épuisée en quelques mois, puis rééditée au moins 3 fois dans le même format et même logo entre 1965 et 1967, ensuite une fois en 1968 et 1967 avec un logo différent. La première publication était encore disponible au catalogne au début des années 1970.
Le 45 tours publié en France en 1965
Les éditions entre 1965 et 1967 arborent le même logo et mentionnent « 1ère publication 1965, il faut se référer aux petits détails des pochettes pour savoir de quelle édition il s’agit. Sur les éditions 1968 et 1969 le logo est carré sans la mention 1ère publication, le détail des pochettes est également utile pour les différencier. Visiblement Decca-France a sous-estimé l’ampleur su succès. A ma connaissance, à part les publications pour les Rolling Stones, aucune autre référence de cette maison n’a été autant rééditée en si peu de temps.
Ce qui a fait de ce titre un monument incontournable, c’est la multitude de chanteurs et d’orchestres, c’est pratiquement incalculable, qui l’enregistrèrent ou la mirent à leur répertoire assurant une diffusion énorme à la chanson. En Angleterre, les mythiques Wheels, par ailleurs amis de Van Morrison, tentèrent de profiter de « l’insuccès » du titre en proposant leur propre version, ce fut un échec total. La version originale des Them fut publiée aux USA, elle pénétra dans le fond des charts, mais on peut dire qu’elle passa plutôt inaperçue. Le groupe garage, Shadows Of Kinght, l’enregistra à l’automne 1965, mais cette fois le titre démarra et se hissa dans le top ten américain, assurant la conquête des teenagers américains. Mais sans trop s’avancer, on peut considérer que la version originale reste inégalée.
Avec le temps, si on a un peu oublié que les Them ont fait autre chose, cette fameuse fille n’en finit pas d’être chantée dans le monde entier. Même Van Morrison, devenu plus un chanteur de jazz que de pop, ne renâcle pas à lui dédier quelques couplets lors de ses concerts. Et si d’encontre, il improvise une jam avec un autre chanteur, il sait que son partenaire « connait la chanson ».
L’original en clip sur le playback de la version stéréo
Live à Paris en 1965, peut-être vous reconnaîtrez-vous ?
La version des Shadows Of Knight.
Vesion des Hairy Ones, Jimmy Pages et John McLaughlin sont aux guitares, 1965.
La version française de Patrick Samson, assez peu connue mais honnête, 1965.
La version des Boots en live, un des bons groupes allemands de cette période, 1966.
Des membres dissidents du groupe originel fondent Belfast Gipsies et remettent ça, 1966.
Les Blues Magos qui avaient déjà expérimenté avec « Tobacco Road » sur leur premier album, le font avec « Gloria » sur le second. Première version psychédélique, superbe!
En indonésien, version exotique
Les Doors l’interprètent très souvent en public, dans une version un peu plus salace au niveau des paroles.
En 1969, les Shadows Of Kinght remettent ça. C’est le même vocal que la première version, mais différent instrumentalement.
Une autre formation dissidente des Them originaux, émigrée aux USA, réenregistrent le titre, 1971
Par Patti Smith, qui s’inspire surtout de la mélodie.
L’incontournable version disco, 1977
David Bowie, live 1990 (vers 3.30)
Van Morrison avec John Lee Hooker, 1993
Dans la rue
Robert Plant, 2017
Bonjour M. Boss,
Un titre incontournable avec son rythme reconnaissable dès les premières notes !
Van Morrison est resté que 2 ans dans ce groupe ! miné par d’incessants changements de formations, ce groupe fut victime du départ définitif de son chanteur-vedette en 1966. Them a ensuite poursuivi une carrière sporadique, sans jamais retrouver le succès de ses débuts…..malgré de belles choses quand même
Bonne semaine
cooldan
Hello Cooldan,
En effet, le groupe n’a duré que 2 ans, j’aborderai le sujet dans un autre post que j’ai déjà commencé d’écrire hier soir. Il n’en resta pas moins que c’est un groupe que j’adore, je peux quasiment écouter la discographie sans rien trouver de mauvais, la voix de Morrison y est sans doute pour quelque chose. Comme j’ai suivi le groupe après, cela m’a permis de mettre de belles pièces dans ma collection, surtout les EP’s chez Vogue.
Bonne semaine
Bonjour Mr Boss,
En lisant le titre « Gloria », sans poursuivre la lecture, j’ai immédiatement pensé au titre-éponyme de Umberto Tozzi.
Quant on regarde les pochettes, on a l’impression que la musique est une corvée pour ces artistes. Bien peu sourient en prenant la pose. Certes c’est un business sérieux mais…
Merci pour ces découvertes à titre personnel.
Bonne journée. Peter’.
Hello Peter,
Ah je n’allais pas mettre en exergue Umberto Tozzi et sa musique que je déteste cordialement. Et puis, il y a plusieurs chansons qui portent le même titre, même Michel Polnareff en a fait une.
Pour la photo, il faut que je vous explique un peu son concept. Decca, du moins pour ce qui est de l’Angleterre, a un peu innové dans la conception des photos de pochettes ou d’albums, un peu plus artistique. Cela a commencé avec les deux premiers albums des Rolling Stones, un éclairage de côté et pas de nom de l’artiste au recto de la pochette. Vous pouvez regarder l’intégrale des albums Decca anglais années 60, il n’y a quasiment pas un qui sourit. La photo du premier EP anglais (le deuxième pour la France) des Moody Blues a la même mise en scène que celle des Them, ils posent devant une fenêtre qui sert d’éclairage à la scène.
Pour le cas des Them, il faut dire que la musique qu’ils enregistrent n’est pas trop destinée à plaire aux jeunes filles en pâmoison. Titre de présentation au dos de la pochette de premier album . Eux (Them) les fâchés/hargneux. Commentaire au dos de la pochette française : la musique qu’ils « fabriquent » est très spéciale, brutale et inattendue. De vrais rockers !
Les commentaires sont assez bien vus et la photo illustre bien le propos, ce sont des « méchants » et il faut pas trop les emm… De plus ce sont des Irlandais, chose qui n’est pas toujours facile à avouer en Angleterre en 1964.
Musicalement, c’est assez différent de ce qui faisait, les compositions originales ne sont pas tellement des chansonnettes, c’est entre le jazz et les blues dur et très peu mélodieux. Van Morrison, le chanteur, est encore considéré aujourd’hui comme une des grandes voix du 20ème siècle avec un parcours prestigieux, et qui arrive encore à remplir des salles aujourd’hui.
Bonne semaine