Bas nylons et une chanson qui explose

Les musiciens blancs ont souvent puisé sans vergogne dans le répertoire noir. Dans le plus honnête des cas, les droits d’auteur furent furent versés à qui de droit, mais ce n’était pas toujours la règle. Par contre dans quelques cas, les Noirs peuvent remercier les Blancs, car grâce à une reprise bien ciblée, certains interprètes noirs naviguant dans une certaine obscurité se firent élever au rang de stars et gagnèrent des fortunes considérables. L’Europe, et spécialement l’Angleterre, furent vraiment les détonateurs de cette mise en lumière. A la fin des années 1950, grâce à des musiciens comme Alexis Korner, Cyril Davies, la musique noire, plus spécialement le blues, se fait petit à petit apprécier dans les clubs anglais. Deux producteurs allemands, Horst Lippmann et Fritz Rau, décident de faire venir en Europe une sélection d’artistes américains du cru, dont certains sont déjà assez connus, mais très souvent encore cantonnés dans le ghetto noir. Ce sera l’American Folk Blues Festival qui tournera dans plusieurs pays dont la première édition aura lieu en 1962 et suivra régulièrement pendant un dizaine d’années. La télévision allemande aura le bon goût d’enregistrer une bonne partie de ces concerts, des documents inestimables aujourd’hui. A la grande surprises des artistes, ils sont considérés comme des vedettes, il n’y a aucune trace de racisme, et cerise sur le gâteau, ils sont admirés. Des musiciens blancs considèrent également que c’est un honneur de jouer avec eux, les Animals et les Yardbirds furent les premiers et s’y colleront avec Sonny Boy Williamson, deuxième du nom. La machine est lancée et ne s’arrêtera plus.

Quand John lee Hooker enregistra « Boom Boom » en 1961, il aurait pu penser que ce serait un disque de plus dans sa discographie déjà pas mal étoffée. Le titre de la chanson en lui-même n’est pas très original, ce mot avait déjà été employé dans d’autres titres. Comme en français, ce mot est la transcription grammaticale du bruit d’une explosion, d’un coup de feu, d’un battement de coeur. C’est dans le sens du coup de feu qu’il est employé dans la chanson de Hooker, qui promet à sa belle les pires maux si elle ne le suit pas à la maison, tellement il en est épris. Le disque se fit remarquer mais sans plus, au moment de sa sortie. Il fallut comme pour « House Of The Rising Sun » (Le pénitencier), que les Animals gravent leur version en 64, dans une version assez trépidante, pour qu’elle s’envole. Très populaires, tournant sans cesse, le chanson de Hooker fait partie aussi des répertoires des concerts. Comme c’est une chanson quand même assez facile à retenir, elle gagna vite une grande popularité, renforcée par sa présence dans la discographie du groupe. Les Yardbirds l’avaient déjà reprise comme une démo qui sortira plus tard. Elle devint vite un standard pour tous les groupes ou chanteurs qui s’engouffrèrent dans la voie du blues revisité, ouverte justement par les Anglais. C’est une chanson très indiquée pour chauffer une salle, mais elle laisse la place à une grande improvisation. Elle n’échappa pas aux groupe français, les Missiles, qui en fit une version dans la langue de Molière, justement nommée « Boum Boum ». En 1970, elle connut un regain de popularité via le version de C.C.S. qui eut un hit avec une version instrumentale de « Whole Lotta Love » de Led Zeppelin, en figurant sur la face B. Pour ceux qui ne le savent pas, ce groupe était une réunion de musiciens top niveau, menés justement par Alexis Korner. Ce fut une des rares occasions qu’il eut de figurer dans un hit parade. Le version proposée était par ailleurs très originale, quand on la compare aux autres. Le créateur ne se priva de l’enregistrer ou l’interpréter avec divers musiciens de renom, pour eux c’était facile, tout le monde la connaissait. Elle figure également dans le film des Blues Brothers et dans la bande du film de Dennis Hooper « The Hot Spot » un thriller brûlant et érotique avec Don Johnson. Vers la fin de sa vie, Hooker ouvrit un club à San Francisco, le Boom Boom Room.
Si les droits d’auteur ont été justement reversés, ce qui n’est pas évident quand on est un artiste noir et en plus un bluesman, John Lee Hooker doit avoir gagné une sacrée fortune rien qu’avec ce titre.

Le premier disque français de John Lee Hooker paraît en 1959 sur le label Top Rank, alors qu’il enregistre depuis dix ans. La suite des publication françaises est assez dispersée entre différents labels, il faut avoir à l’esprit que le blues en France n’intéresse qu’une minorité. Les bluesmen eux-mêmes changent très souvent de maisons de productions au gré des contrats qu’on leur offre et réenregistrent souvent de nouvelles versions d’anciens titres. Son fameux succès ne fut pas publié en France au moment de sa sortie.

La version originale, 1961.

En live probablement 1964, accompagné par une mouture de ce qui deviendra plus  les Groundhogs.

Le version des Animals, le détonateur 1964.

La version des Yardbirds, 1963, plus une démo qu’un véritable enregistrement, 1963.

Les Animals en live 1965, une version assez endiabléé ça commence vers 1’30.

Adaptation française par les Missiles, en playback live, ma foi une belle reprise. Les cameraman un peu nul, il filme le bassiste lors du solo de guitare…

La reprise de Mae West à 71 ans, 1966.

La reprise de Belfast Gysies (Them), 1967.

Belle et originale reprise par CCS avec Alexis Korner, 1970.

Hooker dans les Blues Brothers, 1980

Montage vidéo, Hooker avec ZZ Top

Une belle version par un mec avec qui j’ai passé quelques belles soirées, il y a une trentaine d’années. Décédé en 2010.

Les Morlocks, garage punk, 2010