Bas nylons et l’art de faire des affaires

Très souvent dans les périodes de crises économiques, même si elles sont espacées de dizaines d’années, on retrouve un peu les mêmes personnages. La politique est souvent mise en avant, s’il y a crise c’est que les politiques sont incapables de gérer un pays. Le simple citoyen qui pense et dit cela a sans doute raison, car ce sont les politiciens qui ont dit en premier qu’ils étaient capables de gérer le pays et de relever le niveau économique, accentué surtout parce qu’ils ont fait croire que c’était possible. Plus particulièrement durant ces époques on peut noter l’apparition de personnages troubles, qui sont plus ou moins liés avec le monde politique. Ces derniers temps, on a pas mal entendu parler d’un personnage qui porte le prénom d’Alexandre et dont on ne parvient pas très bien à saisir le rôle qu’il joue. Mais dans les années 1930, il y a eu un autre personnage affublé du même prénom, un certain Stavisky (1886-1934).

Après la crash de 1929, le moins que le puisse dire c’est que la situation économique n’était pas des plus florissante. On entre aussi dans une période où la politique est instable. Le président Paul Doumer est assassiné en 1932. La corruption n’est pas absente dans les milieux parlementaires, chacun des moins regardants mangent à la gamelle républicaine une soupe plus ou moins épicée. Certains se sentent pousser des ailes et croient qu’ils pourront agir à leur guise, bref se remplir les poches en toute impunité. C’est dans ce monde interlope que navigue Stavisky. C’est un escroc notoire, il a déjà trempé dans plusieurs affaires (mal)propres à ce genre de profession un peu particulière. Il a commencé par voler son propre père, un dentiste, qui se suicide incapable d’assumer financièrement toutes les frasque de son fils. Il est beau parleur, séduisant, on le surnomme « le beau Sacha ». En 1926, il est arrêté et condamné à dix-huit mois de prison, mais vite libéré pour raisons de santé. Un procès qui devait avoir lieu ne sera jamais mis en marche. C’est qu’il fréquente du beau monde dans les beaux salons, il soutient financièrement certains journaux politiques, ce qui semble le faire bénéficier de protections politiciennes. La marmite continue de bouillir pendant plusieurs années, il semble vouloir se faire une respectabilité, mais d’un autre côté l’escroc sommeille toujours en lui. Fort de ses appuis, il s’imagine une certaine invincibilité, il doit aussi savoir pas mal de choses sur Pierre et Paul. Mais la roue tourne. Des malversations sont découvertes à la fin de l’année 1933. A ce stade on ne sait pas très bien s’il s’agit d’un complot mené par ses adversaires, il doit bien en avoir quelques uns, ou d’une affaire de criminelle de plus. Stavisky est alors recherché. Il prend la fuite et la police le traque jusque à son chalet loué situé près de Chamonix, dit « le Vieux logis ». Lorsque les policiers entrent dans la résidence, le 8 janvier 1934, des coups de feu retentissent. Stavisky est trouvé mort, atteint de deux balles dans la tête. Il se serait suicidé, bien que cette hypothèse soit généralement rejetée du fait qu’il est presque impossible de se suicider en se tirant deux balles dans la tête. C’est un des bruits qui circulent, le Canard Enchaîne, déjà lui, mène son enquête et titre :  Stavisky se suicide d’un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant! Ce qui est certain, c’est que sa mort arrange pas mal de monde qui n’a pas la conscience tranquille. Cet événement sera extrêmement médiatisée Les milieux de droite exploiteront l’affaire afin de critiquer le gouvernement de Camille Chautemps, ce qui donnera lieu à une crise politique majeure. Cette crise, désormais connue sous le nom d’affaire Stavisky, fera tomber le gouvernement et déclenchera des émeutes violentes qui feront des morts. Un autre personnage apparaît en toile de fond dans l’affaire, le tristement célèbre Pierre Bonny. Policier très douteux, il terminera sa carrière en 1944, fusillé pour faits de collaboration, il fut l’un dirigeants de la Gestapo avec Henri Laffont (voir mon article ici). Ses relations avec Stavisky sont insaisissables, il n’a peut-être été qu’un flic sur ses traces, un antisémite avant l’heure puisque Stavisky est issu d’une famille juive. Selon certains, il aurait été complice dans certaines de ses affaires. Mais il est possible qu’il fut un peu des deux, un revirement opportuniste quand cela devint un peu trop chaud.
Le journal Détective qui en est encore à ses temps héroïques et qui est plutôt un journal ancré à gauche dans ces années-là, fera un numéro spécial sur cette affaire, c’est une affaire que l’on peut considérer comme criminelle, la spécialité du journal. Nous allons parcourir les premières pages de ce spécial, pages qui donnent un éclairage sur la vision qu’on avait de lui avant qu’éclate l’affaire, un préambule.

Un ciné-journal d’époque, 1936

 

Source BNF, DP

6 réflexions sur “Bas nylons et l’art de faire des affaires

  1. Bonsoir Mr Boss,

    De l’affaire Stavisky, je n’en ai entendu parler que du film éponyme dans lequel Jean Paul Belmondo jouait le rôle du grand escogriffe en question.
    Un sorte d’Arsène Lupin de haut vol. Bref.
    Mais je n’ai pas apprécié notre Belmondo dans ce rôle qui aurait (peut-être) convenu à l’autre grande vedette de sa génération : Alain Delon.
    Remarquez : mardi dernier, ARTE a passé à 13 h 35 le film « le voleur » (1966) avec Belmondo et J. Guiomar. Une autre histoire de pick- pocket !
    C’est au final , l’argent qui mène le monde… depuis des siècles.
    Mais… « Bien mal acquis ne profite jamais »…
    Bonne soirée. Peter.

    • Hello Peter Pan,
      C’est pas faux, Delon aurait sans doute fait un Stavisky plus proche de la réalité, je crois que l’inspirateur est plus proche de Delon que du gouailleur Belmondo.
      Bonne semaine

      • Bonjour Mr Boss,

        Très juste. D’ailleurs « Borsalino » (Deray- 1974) est le seul film où ils sont réunis et on parlait alors d’une franche rivalité entre eux. Vraie ou simple rumeur …
        Quant on évoque Belmondo, je pense à  » L’Homme de Rio » (… à mon pauv’ Lebel, deux heures pour sortir de Paris ! – Ah oui, quelle aventure !…) « Un singe en hiver  » ou  » Peur sur la ville ».
        Delon est un peu comme l’était Ventura : grand acteur pas très bavard dans leur rôle mais ça correspondait peut-être à leur nature profonde. Tout dans le masque.
        C’est peut -être çà aussi le secret des grands artistes: un peu de mystère. Rires.
        Bonne journée. Peter.

  2. Bonjour Mr Boss,

    C’est juste. Qui a oublié « les aventures d’Arsène Lupin », avec le malicieux et charmeur Georges Descrières dans le rôle-éponyme ? J’étais très jeune quant la série est passée à la TV mais c’est inoubliable. La chanson du générique a popularisé la série. « Mon p’tit Grognard, cette fois, c’est la poche ».
    Vous connaissez peut-être l’émission sur la chaine 13 (LCP) de la TNT, et intitulée : « Rembob’INA »: autour d’un feuilleton , une discussion entre pro du cinéma, comédiens et animateurs.
    Belle époque. Age d’or de la télévision. Souvenir… quant tu nous tiens !

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