Si les chansons anglophones font assez volontiers le tour du monde à travers de multiples reprises, l’inverse est aussi possible, mais certainement moins courant. Certains pays n’ont jamais réussi a imposer une chanson que l’on peut considérer comme un air connu de tous, sauf exception de certains thèmes folkloriques qui sont relativement appréciés d’un vaste public. Le France, et les pays francophones, ne se sont pas trop mal défendus dans ce domaine, surtout depuis les années 1950. Si l’on excepte Jacques Brel dont nous avons déjà parcouru quelques versions étrangères, il y en a quelques autres qui ont eu ce joyeux petit frisson, avoir une chanson mondialement connue, ou ayant largement dépassé les frontières. En voici quelques unes…
John Houston, le célèbre cinéaste avait dans l’idée de tourner un film sur le Moulin Rouge en romançant une histoire qui se déroule dans les premières années de son existence. Cet endroit étant aussi dédié à la musique, il fallait bien sûr une chanson qui serve de thème. Ce fut l’occasion pour Georges Auric pour la musique et Jacques Larue pour les paroles, de mettre au point « La Chanson Du Moulin Rouge ». Elle fut un succès en France par le crooner français des années 50 par excellence, André Claveau. A noter que dans ce film tourné avec des acteurs essentiellement anglophones, c’est la première rencontre entre Peter Cushing et Christopher Lee, qui deviendront des amis inséparables et tourneront fréquemment ensemble. Evidememnt, le film connut une carrière internationale à partir de 1952, et bien des spectateurs tombèrent sous le charme de cette plaisante mélodie. En 1953, elle est reprise en version orchestrale par Mantovani qui la conduit au sommet des charts américains pendant l’été. Son compère Percy Faith, fait de même, mais elle est consacrée en Angleterre, où elle réussit le bel exploit d’occuper la première place pendant 10 semaines.
Une autre parmi les plus anciennes créations, reste le fameux « Les Trois Cloches » qui fut enregistré juste après la guerre par Edith Piaf avec les Compagnons de la Chanson. Elles est composée par un Suisse, Jean Villard Gilles, qui la refila à Piaf. Si elle est très connue en France, il faudra attendre 1959 et la version en anglais par les Browns, un trio vocal américain un peu doo wop qui la propulsa au sommet du hit parade américain et qui se vendit en quantités considérables. Elle eut un regains d’intérêt cinq ans plus tard quand le groupe anglais, Brian Poole et les Tremoloes, en fit un modeste succès anglais.
Edith Piaf est devenue après la gueree une star internationale. En 1947, elle enregistre « La Vie En Rose », un de ses plus célèbres succès. Elle est composée par Louiguy sur des paroles ébauchées par Piaf. En 1950 Louis Armstrong l’enregistre en même temps qu’un autre célèbre air français dont Yves Montant crée la version la plus connue, « C’est Si Bon ». Elles deviennent des standards internationaux qui se classent dans les charts via de multiples versions, mais celles d’Armstrong resteront parmi les plus connues.
Charles Aznavour est très connu dans les pays anglophones, mais relativement peu de ses chansons ont été reprises par des artistes du cru, encore moins furent de véritables succès. Une belle exception demeure « La Mamma », par ironie une chanson où il n’a rien à voir dans la composition, lui qui en a écrit des centaines. Dès sa sortie en 1963, elle fut reprise par de multiples artistes et fut un succès en version originale dans de nombreux pays. En 1964, la première version anglaise fut enregistrée par le crooner Matt Monro, mais la plus belle interprétation reste celle de Ray Charles dix ans plus tard, je dirais même que c’est la plus sensuelle de toutes celles que j’ai entendues.
Charles Aznavour ira lui-même chercher ce succès en enregistrant dans une version en anglais « Tous Les Visages De L’amour ». Il a été le générique d’une série TV anglaise, ce qui l’aida sans doute pas mal à atteindre la première place du hit parade en 1974. En contrepartie, elle reste dans sa version française nettement moins connue que bien de ses autres succès.
Parmi les stars de la chanson française, on oublie un peu que Gilbert Bécaud fut un précurseur. Sa chanson « Je T’appartiens » enregistrée en 1955, fut une première fois reprise en anglais « Let It Be Me » par Jill Corey en 1957, sans vraiment émerger des profondeurs. Mais trois ans plus tard, le fameux duo des frères Everly la reprend et a un immense succès qui lui donne une audience internationale. Elle est un classique incontournable de la variété anglophone.
Le même fit encore mieux en 1961. C’est l’année où il enregistre « Et Maintenant ». Je pense que l’on devait un peu le surveiller depuis le succès précédent, car son titre est adapté rapidement en anglais « What Nove My Love ». Parmi les premières adaptations ce sera celle de Shirley Bassey qui ouvrira le bal en cartonnant dans les charts internationaux. Elle fut reprise par d’innombrables grandes vedettes, Sinatra, Presley, Judy Garland, et refera des réapparitions des le hit parade, via des versions comme celle de Sonny & Cher.
La chanson francophone qui connut un succès aussi inespéré qu’inattendu fut certainement en 1963 « Dominique », la célèbre chanson de Soeur Sourire, une authentique religieuse belge. Si les titres que j’ai énumérés jusqu’à présent furent de beaux feux de joie, celle-ci fut un véritable incendie. Elle monopolisa la première place du hit parade américain pendant 1 mois, empêchant le fameux « Louie Louie » des Kingsmen d’accéder à cette honneur. Toutes leurs prières n’y firent rien. Ce succès reste un mémorable moment d’anthologie jamais égalé.
On a sans doute à peine remarqué que la fameuse chanson de Gainsbourg « Je T’aime Moi Non Plus » de 1969 fut non seulement un succès francophone, mais qu’il fut aussi un succès anglophone pour lui, et pas des moindres puisqu’il arriva en tête des chats anglais. Si la chanson fit grincer la censure au point qu’il fut interdit dans plusieurs pays et que Philips cessa de le distribuer, Gainsbourg négocia un deal avec le label anglais Major Minor, c’est ainsi que la chanson fit son petit bonhomme de chemin dans l’oreille des Anglais.
Le célèbre chef d’orchestre Paul Mauriat a l’idée de reprendre en instrumental la chanson de l’Eurovision 1967 de Vicky Léandros « L’amour Est Bleu ». Contrairement à toute attente cette chanson, par un trait de « génie » transformée en « Love Is Blue » se classe no 1 aux USA l’année suivante. Jeff Beck, guitariste de pointe, en fait aussi sa version qui connaît un certain succès. Mais aux USA, des paroles anglaises sont collées sur la mélodie tout en gardant le titre. Il en existe plusieurs versions dont celle du crooner Al Martino. Mais la plus fameuse est le fait d’un groupe noir The Dells, qui l’inclut dans un pot pourri » I Can Sing A Rainbow/Love Is Blue », en un vocal grandiose. Leur version connaîtra un certain succès.
Il fallut ensuite bien des années pour que la chanson francophone fasse une percée sur le marché américain, enfin surtout du point de vue succès. Et c’est encore une histoire belge, une sorte de parodie de musique punk, le très connu « Ca Plane Pour Moi » du planeur Plastic Bertrand. Non seulement la chanson fut une grosse vente en francophonie, mais elle se vendit plutôt bien aux USA et en Angleterre. Elle fut interprétée en anglais par le groupe Elton Motelo « Jet Boy, Jet Girl », presque parallèlement à la version française, Bertrand d’ailleurs fut un temps le batteur du groupe. Mine de rien cette chanson est quand même devenue un standard car on en retrouve des interprétations, souvent en concert, chez des vrais punks comme les Damned ou des moins punks comme Metallica, Kim Wilde, ou encore U2.