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Nous avons dans un post précédent visité l’histoire Mr Sutter, un Suisse qui partit faire fortune en Amérique et qui ne réussit pas trop mal, puisque les livres d’histoire en parlent encore avec une certaine admiration. Un autre de ses concitoyens partit sur la même route, mais s’il est encore quelque peu remémoré, c’est pour des raisons complètement différentes. Il se nomme Heinrich Hartmann Wirz alias Henry Wirz.
Il est né à Zurich en 1823, il entame quelques études de médecine qu’il doit plus ou moins abandonner, car ses parents n’ont pas les ressources financières nécessaires. Pour vivre, il se lance dans le commerce et travaille dans sa ville natale, puis à Turin. Il se marie en 1845 et deux enfants naissent. En 1947, il est condamné à 4 ans de prison pour non remboursement de dettes. Comme c’est parfois encore la coutume à l’époque, la sentence est commutée en un exil forcé de 12 ans, autrement dit, il est obligé d’aller se faire voir ailleurs. Sa femme refuse de l’accompagner et obtient le divorce. Déjà à cette époque, la Suisse est assez libérale sur le divorce, du moins au niveau civil et surtout dans les cantons majoritairement protestants. Il part en Russie et ensuite en Amérique où il arrive en 1849.
Il s’établit dans le Massachusetts et y travaille pendant cinq ans, puis il déménage dans le Kentucky à Cadiz. Comme il a un peu étudié la médecine et qu’il n’a pas tout oublié, il se lance dans l’homéopathie, une branche médicale qui a cette époque avoisine le charlatanisme par des pratiques dérivées très douteuses. Il faut aussi avoir en mémoire que c’est le pays de tous les possibles, chacun peut y faire sa cuisine à condition d’avoir la langue bien affûtée. Morris le dessinateur et Lucky Luke, fait allusion à cette pratique dans L’élixir du docteur Doxey, il avait l’habitude de mêler son héros avec bien des légendes et des faits du Far West.
En 1854, il se remarie avec une veuve qui a deux filles, Elisabeth Wolfe. Ils vont en Louisiane et une troisième fille vient compléter la famille. Il se fait engager comme médecin dans une plantation. Soigner les Noirs convenablement n’est sans doute pas la principale préoccupation du propriétaire Levin Marshal, les remettre au travail tant bien que mal est suffisant. On peut supposer qu’il n’a pas été trop regardant sur son passé médical, du moment qu’il était capable d’assurer le minimum nécessaire. Il semble toutefois que pendant cette période il se soit acquitté de sa tâche très honnêtement. Le temps passe…
En 1861, l’Amérique va entrer dans un tournant de son histoire, la guerre de sécession. Cette guerre éclate principalement après l’élection d’Abraham Lincoln en 1860. Il est résolument pour une réforme de l’esclavage avec en point de mire son abolition totale. L’Amérique de 1860 forme dans sa moitié est avec la Californie tout à l’ouest, les états qui font partie de ce qui est déjà les Etats-Unis. Mais entre les états, l’esclavage est vu de manière assez différente, les états du sud sont toujours esclavagistes, tandis qu’au nord il n’est plus pratiqué. La guerre éclate donc entre ces deux tendances, les 11 états du sud pour le maintien de l’esclavage, les Confédérés contre ceux du nord, l’Union, abolitionnistes. Ce n’est pas la seule raison, le nord est plutôt riche, le sud plutôt pauvre.
Les généraux Grant (à gauche) et Lee
Etant en Louisiane, Wirz se retrouve engagé dans les troupes confédérées. En 1862, il est assez sérieusement blessé et perd l’usage de son bras droit. En récompense de son courage, il est promu capitaine. A ce stade de la guerre, il n’y a pas encore de vainqueur, même que les sudistes ne sont de loin pas vaincus. Sous l’impulsion du célèbre général Lee, ils remportent même de nombreuses batailles jusqu’à celle de Gettysburg au milieu 1863, qu’ils perdront et qui verra le vent tourner. Pendant ce temps, Wirz inapte au combat, devient une sorte de ministre des affaires étrangères pour Jefferson Davis, président des Confédérés. il est envoyé en mission en Angleterre et en France. Au début de 1864, il est de retour en Virginie et c’est là que son destin va basculer. Le général Winder l’envoie comme gardien d’un camp de prisonniers de guerre, celui de Sumter en Géorgie, près d’un lieu qui deviendra Andersonville pour l’histoire.
Le camp d’Andersonville.
Le camp est tout sauf aménagé. D’une surface de 80000 m2, marécageux, il n’y a pratiquement aucune baraque, ni eau courante, ni latrines. La camp ayant compté jusqu’à 32000 prisonniers cela fait en gros 2,5 m2 par prisonnier. Ils sont à découvert sous le froid et la pluie. Seules quelques tentes peuvent ressembler à des abris. Les épidémies ne tardent pas à s’installer, la malnutrition n’arrange rien, la manque d’hygiène non plus. On estime qu’il y aura au moins 12000 personnes qui décéderont dans ce camp. De plus, Wirz semble perdre les pédales, il aurait assassiné de sang froid plus d’une dizaine de prisonniers. La situation s’est aussi compliquée car le général Grant commandant des troupes nordistes, a mis un embargo sur l’échange des prisonniers entre les deux parties.
Avril 1865 marque la fin de la guerre de sécession suite à la défaite des Confédérés. Wirz se rend compte qu’il aura des comptes à rendre, il est de plus en plus notoire dans l’opinion publique que le camp était un enfer. Il est arrêté le 7 mai 1865 et transféré à Washington où un procès doit se tenir afin qu’il soit jugé devant un tribunal militaire. Bien entendu, la cour est constituée par les vainqueurs et le procès se déroulera entre le 23 août et le 18 octobre 1865. Il n’est pas le seul accusé, quelques lampistes font aussi partie du lot, mais Wirz apparaît comme le véritable responsable, il donnait des ordres à ses subordonnés et nous sommes encore en des temps où le soldat doit obéir sans discuter. Les témoignages vont dans ce sens, il était le commandant de la place, même si certains témoignages semblent peuvent atténuer ses responsabilités. Certains témoins affirment qu’ils n’ont jamais vu Wirz tuer quelqu’un, d’autres qu’il était le dernier des salauds. Au début novembre le verdict tombe, Wirz est condamné à mort et exécuté le 10 novembre 1865 devant le célèbre dôme du Capitole nouvellement construit. Il est le seul soldat de la guerre de sécession exécuté pour crimes de guerre.
Comme je l’ai dit, il s’agit d’un procès de vainqueurs contre vaincus, vainqueurs encore plus remontés après l’assassinat de Lincoln le 15 avril 1865. On peut toutefois se poser quelques questions. Comment peut-on sérieusement laisser un homme se débrouiller seul dans de pareilles circonstances? Il est aussi reproché à Grand d’avoir stoppé l’échange des prisonniers entre les adversaires. Certains pensent que le procès ne fut pas équitable. Wirz semble avoir réclamé de l’aide et même envoyé des prisonniers nordistes pour témoigner des conditions qui régnaient dans le camp. Il n’a jamais eu de réponse. Il devient le parfait coupable, le général Lee aura beaucoup moins de soucis.
Encore aujourd’hui la question n’est pas tranchée, dans certains anciens états confédérés, quand même assez nostalgiques d’un passé esclavagiste, Wirz a toujours des défenseurs et un monument lui est dédié à Andersonville, encore aujourd’hui un lieu de pèlerinage annuel. Sa tombe au cimetière de Mount Olivet à Washington est toujours recouverte de drapeaux sudistes. De nombreux films, livres, plutôt à sa charge, témoignent que les passions ne sont pas toutes apaisées.
Photo censée monter un prisonnier du camp.
Wirz à droite juste avant son exécution.
Monument actuel à la mémoire de Wirz à Andersonville.
La liberté du 16 septembre 1865, traduit une lettre que Wirz a adressée au Daily News. Cette publication montre un certain intérêt de la France à ce qui se passait en Amérique.
Souce Wiki, Gallica, DP