En passant

Bas nylons et toile industrielle

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Le monde industriel dès qu’il fut en mesure de produire de manière régulière, cela plus spécialement à partir de la seconde moitié du 19ème siècle, enclencha un phénomène jusqu’alors peu imaginé et peu pris en considération, la concurrence. Ce que l’on pouvait qualifier de marchandise avant cet avènement concernait surtout la nourriture, le vin, les épices, les étoffes, et autres objets d’un usage courant. Beaucoup de besoins étaient couverts par une organisation plus ou moins locale. Un roi faisait venir à lui ce qu’il jugeait indispensable à son train de vie en ayant très souvent son propre circuit de fournisseurs, qui lui étaient plus ou moins directement asservis. Il faisait acheminer son vin ou ses céréales, soit avec un prélèvement sous forme d’impôts, ou en payant au producteur dans le cas d’un arrangement particulier, ou d’un achat direct quand un vendeur pouvait proposer quelque chose d’intéressant. Le commerce était aussi très local, s’il fallait de quoi renforcer les sabots du cheval, le forgeron du village s’en chargeait. Les maisons étaient aussi souvent construites avec du matériel disponible localement, seuls les gens très fortunés pouvaient se permettre des fantaisies en faisant venir des matériaux plus nobles comme le marbre, qui pouvaient venir de très loin. Le principal handicap était les moyens de transports et seul le bateau pouvait offrir une solution relativement rapide et d’un gros tonnage. Cela impliquait qu’il fallait être au bord d’une voie navigable.

Le chemin de fer bouleversa complètement cette manière de faire du commerce. Selon les pays, on peut constater qu’après 1850, la toile du rail est bien tissée, ou en train de se tisser. Le train offre des possibilités énormes, en quantités de marchandise transportée, en rapidité par rapport au bateau, en facilité par rapport aux accidents de terrain, montagnes, crevasses, dénivelé. Les perspectives du développement industriel sont bien présentes, on peut se lancer dans la course en apportant ici ou là, des choses dont on ne connaissait l’existence qu’en rêve. Il faut bien imaginer que le besoin doit être créé, un habitant de Besançon n’a sans doute pas besoin de manger des huîtres pour survivre, mais si on lui en amène de manière à ce qu’elles bénéficient encore d’une certaine fraîcheur en arrivant sur place, il pourra sans doute y prendre goût et en redemander. Il est clair qu’en amont le producteur va s’activer pour acheminer ses bestioles dans les meilleurs conditions. Il fera sans doute appel à un fournisseur pour le conditionnement et à la limite à un fournisseur de glace pour qu’elles restent au frais le plus longtemps possible. Justement, la glace était déjà à cette époque, un commerce florissant, elle ne se fabriquait pas encore artificiellement, mais on prenait celle que l’hiver avait semé à la surface des pièces d’eau pour l’entreposer dans les glacières. De fil en aiguille, l’imagination va travailler, des objets de fabrication locale, comme une montre où une paire de jumelles pourront trouver preneur à des milliers de kilomètres de l’endroit où elle sont fabriquées. La Belgique si elle le désire, pourra acheter des canons allemands ou des fusils français, ou faire venir du sel de Guérande pour saler ses frites. Le révolution industrielle est née…

A supposer que vous ayez inventé le fil à couper le beurre en pleine révolution industrielle, rien n’empêche votre espion de voisin d’en faire autant en piquant votre idée et se faire du fric. Il apparut bien vite qu’il fallait établir un droit de propriété intellectuelle ou une marque déposée, pour profiter pleinement de votre invention. Et encore de manière plus forte, que ce droit soit protégé internationalement. Premier arrivé, premier servi. La marque déposée correspond a une appellation désignée par un nom qui recouvre un ensemble de choses. Exemples pour les bagnoles, Renault est une marque déposée. Vous pouvez fabriquer des bagnoles, mais vous ne pouvez pas lui apposer la marque Renault qui reste l’exclusivité de l’ayant droit. Vous avez aussi la possibilité de fabriquer une boisson au cola et l’appeler Truc-Cola, mais pas Coca-Cola. Vous pouvez aussi imiter le goût de cette boisson si vous en trouvez la formule exacte. La marque est seule protégée et non ses composants, car il n’a jamais été déposé de brevet pour sa fabrication, auquel cas il aurait fallu révéler la composition exacte de la boisson qui serait tombée dans le domaine public en principe après vingt ans. Plus de 130 ans après la formule est toujours secrète et personne ne semble l’avoir trouvée. L’industrie pharmaceutique a l’habitude de déposer des brevets pour chaque nouveau médicament, mais une fois le délai de protection échu, il est souvent repris par d’autres et devient un générique, en principe meilleur marché que l’original mais tout aussi semblable dans sa composition.

Pour enregistrer ces droits de propriété, il a fallu créer un organisme pour enregistrer les demandes et faire valoir les droits le cas échéant. Ce fut la Suisse qui géra et gère encore cet organisme étsbli depuis 1893. De Berne sous le nom de Bureau international de la propriété industrielle, il déménagea à Genève et prit le nom de Bureau international de la propriété intellectuelle. Bien évidemment, il est édité périodiquement un journal qui recouvre les nouveautés et les changements propres à cette organisation. Nous allons parcourir quelques annonces parmi celles parues en 1910, dans la rubrique des Marques Internationales. Vous y retrouverez sans doutes quelques noms qui ne vous sont pas tout à fait étrangers et vous verrez aussi un peu comment le commerce se développait à travers diverses visions du monde économique. Nous commencerons par un tableau qui donne une idée des marques déposées par pays, certains sont bien plus actifs que d’autres, c’est évident.

Clique pour agrandir.

Source Gallica, BNP, DP

8 réflexions sur “Bas nylons et toile industrielle

  1. Bonjour M. Boss,
    Très intéressant et curieux à la fois de voir ces marques …comme par exemple les Violettes de Monté Carlo enregistrée aux Pays Bas…
    et d’autres aux noms évocateurs comme le Goménovule ….mais existe’il toujours ??
    Bonne fin de semaine sous la chaleur
    cooldan

  2. Hello Cooldan,
    Je crois qu’un des buts de cette entreprise a été de mettre un peu d’ordre dans tout cela. Mais j’imagine que certaines réactions ont été un peu lentes avant de protéger le nom. C’est aussi un peu le cas aujourd’hui avec les noms de domaine Internet, premier arrivé premier servi. Vous pouvez très bien avoir un mail en xxx.fr et habiter ailleurs. Seule exception vraiment protégée les noms de domaine en gov.fr par exemple.
    Bon dimanche

  3. Bonsoir messieurs,

    Le commerce existe depuis la nuit des temps.
    Enfin depuis que les groupes humains organisés ont commencé à échanger des biens à consommer, puis des produits artisanaux pour son confort.
    L’image classique reste, pour nous Européens, celle de l’époque antique où les peuples locaux commerçaient avec le pouvoir romain qui l’occupe alors: l’étain de GB, l’huile de Provence et d’Espagne, les armes de Germanie…
    Plus tard, tout cela génèrera des fortunes qui permettra aux plus aisés de montrer leur puissance sociale en édifiant des villa selon leur goûts personnels.
    Pour la construction de la Chambre des Bains, à Versailles, Louis XIV a fait venir des colonnes d’un marbre rare depuis une carrière de Belgique en pleine guerre de Flandre avec un sauf-conduit pour le convoi en question !!!!
    En économie, faire protéger ses inventions est un gage de prospérité continue.
    A chaque exemplaire vendu, des droits tombent dans l’escarcelle de son créateur.
    Enfin en principe. Cela concerne en particulier le monde de l’industrie et celui des arts.
    L’autre côté du « problème » est de faire reconnaître la paternité du créateur. S’ensuit des années de procédure judiciaire.
    Mais ceci est une autre histoire…
    Bonne soirée. Peter.

    • Hello Peter,

      Oui en effet, le commerce est un drôle de chose. Je crois que cela devient de plus en plus difficile avec ces trusts qui accaparent tout. Ils veulent faire du fric avec tout. On modifie des organismes vivants pour en déposer des brevets, on est plus très loin de 1984 ou Soleil Vert. Un vrai monde de fous.
      Enfin bonne semaine quand même.

  4. Bonjour Mr Boss,

    Le commerce est un instrument à double tranchant: il enrichit comme il peut ruiner et la frontière entre les deux est mince…
    Tout est bon pour augmenter ses profits et le délabrement écologique que nous vivons en est une preuve vivante. Le monde devient une gigantesque foire où l’on exhibe sans honte contre espèces sonnantes et trébuchantes. Dommage…
    Ah « 1984 » ! Quelle prophétie ! « la Police de la Pensée », « Big brother », « l’AngSoc »…
    J’avais étudié ce roman de George Orwell en classe de Seconde, en 1984.
    Décédé en 1951, Orwell avait connu la 2è. GM et donc a vu l’impact du totalitarisme sur les populations. Il a écrit aussi « la ferme des Animaux ».
    Il vécut ses dernières années à Londres. Son livre reste toujours d’actualité dès que l’on évoque les propagandes nauséabondes véhiculées un peu partout dans le monde. Une version cinéma en a été tournée dans les années 1980 avec un acteur principal connu (dont le nom m’échappe) et ce film est passé l’année dernière sur ARTE.
    Bonne journée. Peter.

  5. Hello Peter,
    Le film de 1984 comprend John Hurt et Richard Burton dans les rôles principaux.
    Pour le reste, l’argent ne m’intéresse que comme moyen d’existence, pas pour qu’il me serve à en amasser plus. On peut vivre un moment merveilleux avec un vieux bouquin trouvé aux puces. J’ai une bagnole, mais c’est juste un moyen utile pour me déplacer, je n’ai pas de villa sur la côte, ni de résidence secondaire. Un beau solo de guitare sur un disque ou un bon concert précédé d’un bon et simple repas, sont des petits coins de paradis.J’ai un copain d’école qui est devenu millionnaire, même s’il ma gardé toute son amitié, je crois que je suis plus heureux que lui à voir la gueule qu’il tire parfois.
    Bonne semaine

  6. Bonsoir Mr Boss,

    C’est cela même : c’est bien Richard Burton qui jouait le rôle principal dans ce film.
    (Tiens, ça me donne l’idée d’une prochaine chronique ciné avec ce grand acteur.
    Dans la catégorie « Péplum » certainement.)
    Il s’éteignit en 1984 peu avant le tournage prévu du second volet du film « les oies sauvages » (1979) avec Roger Moore.
    Il avait un tempérament assez sanguin, parait-il… Il fut d’abord comédien du théâtre shakespearien avant de se tourner vers le cinéma.
    Il joua entre autre l’officier supérieur du commando allié dans « Quand les aigles attaquent » (1966 ou 1968) tourné en Autriche.
    Mais on le connaissait surtout pour ses ruptures tumultueuses avec la sublime Liz Taylor qui défrayèrent les chroniques dans la presse people de l’époque !!!
    Le proverbe est formel ; l’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue fortement , Surtout pour les plaisirs simples de l’existence qui souvent suffisent à nous combler.
    Bonne soirée. Peter.

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