*****
Une fois les blessures de la guerre plus ou moins pansées, les gens essayent de retrouver un semblant de vie normale. Chacun y va de ses goûts et de ses idées. Le superflu n’est pas le moins attrayant, c’est très souvent un des points de mire. C’est même assez vite un marché en expansion, on tente de procurer aux intéressés de quoi alimenter certaines rêveries. A partir de 1945, la femme n’est plus tout à fait considérée comme une simple ménagère dont l’occupation principale est de rester à la maison. La France a du retard dans le domaine, ce n’est qu’en 1944 que le droit de vote leur est accordé. Certains s’imaginent avec raison qu’elle peut devenir une actrice plus importante dans le monde de la consommation. Actrice elle l’est déjà, mais dans des rôles plutôt subalternes surtout pour les femmes de condition modeste, comme acheter des paquets de lessive ou du fil à coudre pour réparer les dégâts à l’habillement.
La presse féminine existe depuis longtemps, mais elle est plutôt ciblée sur des conseils qui s’adressent à la ménagère ou à l’éducation des enfants. La presse consacrée à la mode est réservée à une plus petite élite de femmes qui ont les moyens et une certaine indépendance. La presse qui paraîtra après la guerre d’adressera à la gent féminine de manière différente, on lui fait miroiter qu’il est possible d’être elle aussi une actrice, au propre comme au figuré, en prenant de manière plus active son destin entre ses mains. On peut être belle avec des petits riens qui ne coûtent pas cher, comme le maquillage, les cosmétiques qui résolvent tous les problèmes de peau, ou la petite broche à prix imbattable que vous épinglez sur votre tailleur.
Un des journaux qui prit son essor après la guerre fut le fameux Elle qui deviendra une référence pour des dizaines d’années. Le premier numéro parut en 1945 en publication hebdomadaire. Je vous en ai sélectionné un numéro de mars 1948, alors qu’il est déjà une référence, qui offre un article assez significatif de cette (r)évolution féminine. En quelque sorte on se permet de donner des conseils à la femme qui désire se marier, l’homme de ses rêves est-il vraiment le bon parti ? Ce genre d’article aurait été presque impensable quelques années auparavant. C’est l’homme qui choisissait, du moins c’est ce qu’il croyait, affirmer le contraire dans les discussions entre hommes l’aurait fait passer pour un plouc. Dans les autres extraits de ce numéro, vous verrez qu’en fait on ne privait pas d’essayer d’impressionner la femme avec les grosses ficelles de la vente s’adressant à nos compagnes. Le produit Truc qui est forcément meilleur, la silhouette parfaite que l’on obtient avec Machin, sans oublier les conseils de l’astrologie qui vont indubitablement vous éviter tous les tracas qui pourraient vous arriver si vous lisez mal les conseils que l’on vous prodigue pour trouver le mari idéal quelques pages avant. Ce n’est pas encore les femmes aux seins nus que l’on verra vingt ans plus tard, elle arbore déjà une tenue légère, mais elle peut déjà choisir la marque et la couleur de son soutien-gorge entre des tas de publicités plus ou moins vantardes.