En passant

Bas nylons et un point de vue

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En 1945, la France renaît petit à petit. Une grande variété de journaux, quotidiens, hebdomadaires, va fleurir les devantures des kiosques. Parmi ces publications nous trouvons Point de vue qui apparaît en mars 1945. Hebdomadaire qui couvre l’actualité de manière générale, Il s’intéresse surtout aux célébrités en y ajoutant un côté sensationnel. On peut imaginer que ce n’étais pas le magazine le mieux placé pour en parler, mais il consacre un article aux crimes du guerre, le côté sensationnel étant bien présent. C’est d’autant plus d’actualité dans ce numéro de mai 1945, que certains camps de déportation ne sont pas libérés depuis longtemps. Le tristement Auschwitz l’a été à fin janvier 1945 par les Soviétiques, tandis que l’un des derniers, Bergen Belsen en Basse-Saxe au milieu de l’Allemagne, ne le sera qu’à mi-avril. Ce camp servit un peu d’entonnoir pour récupérer les prisonniers qui furent évacués des camps que les Allemands durent évacuer suite à l’avance des Alliés, à l’ouest comme à l’est.  Dans l’optique allemande, il ne fallait pas qu’un seul prisonnier tombe vivant entre les mains ennemis, faute de pouvoir les exterminer tous, on les déplaçait. L’arrivée d’innombrables détenus dans ce camp, quand ils n’étaient pas tués en route, rendit les conditions de séjour infernales, on y mourait par manque de tout. Les images qui furent filmées par les Allies dans ce camp, servirent pour une bonne partie au procès de Nuremberg. On y voit des fosses remplies de cadavres qui n’ont que la peau et les os, quand il ne traînent pas n’importe dans le camp. Comme beaucoup des pires surveillants sadiques des camps d’extermination avaient suivi le mouvement, on put les cueillir sur place. La « fameuse » Irma Grese dite l’angle blond d’Auschwitz, en faisait partie, elle fut condamnée à mort et pendue en décembre 1945, elle avait 22 ans. Par mesure de salubrité le camp fut incendié, tant les risques d’épidémie étaient probables.

L’article du journal n’est pas un compte rendu de tribunal, mais il pose les questions encore ouvertes à ce moment-là. La chose la plus établie, c’est qu’il y a eu crimes de guerre, on découvrait là un terme plutôt nouveau. Il fallait un tribunal de guerre, Où, quand, comment, qui, étaient les points à débattre. La plupart, sinon toutes, des photos illustrant l’article, ont été prises à Bergen-Belson. Certaines sont devenues célèbres, mais en mai 1945, peu les avaient déjà vues. Cliquez pour agrandir.

Ceci ne figure pas dans l’article du journal, mais il s’agit de quelques précisions toujours utiles.

A gauche dans le photo du haut, il s’agit de la véritable Irma Grese, avec l’incendie de Bergen Belsen. Dans celle du dessous, nous arrivons dans ce qui est de la falsification. Cet photo aussi censée montrer Irma Grese, mais c’est faux. Il s’agit d’Aleksandra Slaska et est extraite d’un film, La Passagère d’Andrzej Munk sorti en 1963. C’est une fiction dans laquelle un ancienne gardienne SS retrouve lors d’une croisière un de ses anciennes prisonnières. le film est une série de séquences entre le présent et le passé. La photo est d’autant plus anachronique que l’on peut remarquer que l’actrice est maquillée, alors que c’était strictement interdit aux membres féminins des SS. Enfin, on peut se poser quelques questions sur l’admiration et les aboutissements que peuvent porter certaines personnes sur des personnages qui appartiennent à un côté très sombre de l’histoire. Le cimetière virtuel Find A Grave a désactivé la possibilité de mettre des fleurs virtuelles sur la page qui la concerne, du fait de trop empressés admirateurs venus les déposer. Je serais plutôt du côté de Vernon Sullivan alias Boris Vian : j’irai cracher sur vos tombes.

 

En passant

c’est peu connu mais c’est plutôt bon.

La pléthore de production phonographique qui existe depuis les années 1950, regorge de choses peu connues ou inconnues, un artiste, une chanson, un label, tout peut charmer. Parfois le parcours pour arriver à vos oreilles ou encore dans vos mains est digne d’une enquête policière, sans qu’elle soit toujours résolue. Il est clair que seul un très petit pourcentage sera visible, les médias restant encore la carte d’atout qu’il faut abattre au bon moment. Les grosses compagnies discographique au temps du vinyle pouvaient prendre plus de risques, de temps en temps un tube qui se vendait bien compensait les pertes de ce qui ne se vendait pas. Un tirage de test ou de promotion à quelques centaines d’exemplaires était suffisant. Si la demande suivait ou si les radios diffusaient le truc, on assurait derrière. Les collectionneurs le savent bien, ce sont surtout parmi ces disques peu diffusés qu’il vont rechercher les pièces de grande valeur, pour autant qu’elles aient fait leurs preuves par la suite. A côté, il y a les petits labels, les pressages privés, qui peuvent parfois offrir des perles musicales. Là encore, le temps qui passe peut attirer l’attention des collectionneurs, la demande multipliée par la rareté fera monter les prix qui peuvent atteindre de sommes folles. Par exemple, l’album de Music Emporium, un groupe psyché US qui publia un album sur le petit label Sentinel en 1969 peut dépasser les 3500 euros pour une copie. N’allez pas croire que cela n’existe que pour la musique moderne, la musique classique a des copies qui peuvent atteindre 10000 euros. Inutile de vous précipiter aux puces pour acheter toutes les disque classiques que vous trouverez, la règle est la même, seul ce qui est rare et recherché a de la valeur. D’ici à ce que vous tombiez sur la pièce rare, vous ferez peut être des milliers de kilomètres et c’est sans garantie.

Voici une sélection de titres ou d’artistes qui passèrent pas mal inaperçus au temps de ce qui aurait dû être leur heure de gloire. Il se peut que vous en connaissiez l’un ou l’autre. Ces titres en édition originale n’ont pas forcément une valeur marchande, mais c’est pour le moins plaisant à écouter. J’en ai déjà proposés certains par le passé.

Puisque j’en ai parlé ci-dessus, commençons par Music Emporium. Ce groupe de la West Coast, moitié masculin, moitié féminin, balançait entre le planant et le plus hard. C’est bien roulé !

En 1967, le label Elektra publie un album que l’on peut considérer comme un des premiers disques de pop électronique. Sous le houlette du compositeur Mort Garson, le disque propose 12 titre liées au signes astrologiques, avec une petite narration des tendances qui sont sensées se rapporter à la personnalité du signe concerné. Musicalement, c’est superbe et planant. Voici le titre qui concerne le signe de la Vierge.

The Shakespeares, groupe originaire de Rhodésie, vint tenter sa chance en Europe. En 1968, en France et en Belgique sort ce titre « Burning My Fingers »qui fut  « meilleur disque pop de la semaine » à l’émission Bouton Rouge sur l’ORTF. C’est très plaisant et original.

Si cette chanson des Beatles « I Want To Hold Your Hand » était reprise par ZZ Top cela donnerait à peu près ceci. Ici ce sont les Moving Sidewalks en 1968. Petite chose à savoir, dans ce groupe à la guitare figure Bill Gibbons sans sa longue barbe, un peu avant de fonder le fameux trio.

Les Falcons groupe alsacien des années 60 et 70 se débrouillait plutôt bien. Ils sont responsables d’un rarissime EP en 1967 avec 4 originaux, qui est pour moi une des rares disques français à avoir un authentique esprit garage. Par la suite, il sont signés par le label allemand Hansa et sortent un album en 1971, pas si mal torché avec une jolie version pop du standard « Fever ».

Un autre groupe français que je classe aussi dans l’esprit garage, les Senders, ce sont des Normands. Publié par le fameux label DMF, « Good Stark » est à l’évidence une pépite du genre. C’est plus beau que n’importe quel disque de Sheila !

C’est un disque que j’avais trouvé lors de vacances en Italie en 1974, chez un petit disquaire local. Ce n’est rien d’autre qu’une adaptation de « Dies Irae » mis en forme par les Mec Op Singers en Belgique. Hasard, mais pas trop sans doute, c’est le même label qui publia l’original sous licence. Cette reprise de 1967 est faite par Andrea Giordano, qui est aussi acteur, avec les Samurai.  Ce disque a aussi été pessé en France la même année. Un peu plus tard, le groupe Formula 3 a refait une autre version, très pop, avec des paroles différents, ainsi que le groupe suisse Shiver, « Hey Mr Holyman » ainsi que Kiss Inc. Pas de raison de se priver, c’est dans le domaine public pour la musique.

Dans le même style et lors d’un autre voyage en Italie, j’ai mis la main sur celui-ci. C’est le même principe, de la musique religieuse arrangée en beat en 1966. C’est avant la fameuse messe des Electric Prunes. Le groupe est I Bumpers et le titre « Sanctus ». Il y en a qui allaient chasser le lion en Afrique, moi j’allais chasser le disque en Italie, c’est bien plus paisible.

Ici ce n’est pas à proprement parler un artiste peu connu, mais un titre particulier, vous verrez pourquoi. Lorsque j’ai découvert cet album italien des Yardbirds que je n’avais pas, je l’ai bien évidemment acheté. Arrivé à la maison, j’ai découvert quelque chose d’intéressant, deux titres avaient des version complètement différentes des versions que je connaissais et que l’on trouve dans la discographie normale. L’une est « I Wish You Would », version beaucoup plus longue et « A Certain Girl » bien différente de l’autre, C’est une erreur, car ces versions n’étaient pas destinées à être publiées. Le fan mordu n’y trouva pas son compte, car pendant des années, avec un album canadien qui les présente aussi, ce fut le seul moyen de mettre la main dessus. Autant vous dire que ces deux albums sont plutôt recherchés. Je vous propose ici le version différente de « A Certain Girl », les « no » que vous entendez dans le titre sont dits par Giorgio Gomelsky, le producteur du groupe.

Noel Redding fut le batteur de Jimi Hendrix Experience. Quand il quitte le groupe il rejoint Fat Mattress, un quatuor un peu folk, un peu pop, qui enregistre son premier album en 1969. Evidemment cela a moins de retentissement que son passage chez Jimi Hendrix, mais cela n’est pas à dédaigner pour autant. Un extrait de cet album « Moonshine ».

The Tell Stars, c’est un groupe belge qui enregistra un single, un original et une reprise, sur le label belge Hebra. C’est une tendance r’n’b assez marquée. Une pièce qui a l’air d’intéresser les collectionneurs qui acceptent de mettre 100 euros pour une copie. Honnêtement, à part la copie que je possède, je ne l’ai jamais vu ailleurs.

Dans les années 70 et 80, il y avait une secte basée sur les philosophies hindoues qui vous abordait dans la rue et vous proposait des albums à la vente, publiés par le label Lotus Eye en Suède. J’en ai acheté un pour voir et en l’écoutant à la maison, je suis tombé sur le cul. Si la musique a parfois un petit air oriental, c’est avant tout de la pop très efficace, musicalement et vocalement bien foutue, un régal et un super guitariste. Alors voici Rasa et le titre « Awash ».

 

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En passant

Bas nylons et sauce à la française

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En général, on considère que le rock and roll a mis de nombreuses années pour émerger en France, environ 4 ou 5 ans, en prenant comme référence le premier succès du rock, « Rock Around The Clock » par Bill Haley et ses Comets. Sue le plan strictement français, on cite à partir de 1958, Danny Boy, Danyel Gérard, Gabriel Dalar, Claude Piron (Danny Boy) et Richard Anthony comme étant les premiers à enregistrer ce style de musique en France. On accorde toutefois une petite longueur d’avance dans la renommée à Henri Salvador, qui enregistra en 1956 son fameux disque parodique avec la complicité de Boris Vian, sous le nom de Henri Cording. C’est le cas le plus connu. Pourtant il ne fut pas le seul à enregistrer à la même époque, ce que l’on pouvait considérer comme du rock chanté en français. Nombreux furent ceux qui le firent, et pas des moindres au niveau de la célébrité. Malgré tout ces titres restent assez anecdotiques dans leur discographie. On est toujours un peu dans la parodie et l’on ne décolle pas beaucoup du swing et du style à Bill Haley. Il faut rappeler que vers le début 1956, il est un des rares pionniers du rock à être un peu connu en France et avoir eu des disques publiés dans le pays. De plus, il figure dans la bande sonore du film « Graine De Violence », projeté sur les écrans français. Je vous laisse partir à la découvertes de quelques titres que j’ai exhumés, qui furent enregistrés entre 1956 et 1959 et qui concernent ces obscurités plus ou moins grandes. C’est un choix, il y en a d’autres.

Henri Cording (Salvador) / Rock And Roll Mops.

Jacques Hélian / Toutes Les heures Sonnent. Rappelons que Jacques Hélian, comme chef d’orchestre, fut une des grosses vedettes d’après-guerre. Ici, il s’agit d’une adaptation française de « Rock Around The Clock », par une chanteuse de son orchestre.

Rock Failer / Requins Drôles. C’est en réalité le musicien de jazz Jacky Vermont

Mac-Kac / T’es Pas Tombé Sur La Tête. C’est une adaptation de « See You Later Alligator » de Bobby Charles via Bill Haley. Mac-Kac c’est Jean-Baptiste Reilles, un batteur de jazz.

 Eddie Constantine / Rock Rock. A côté de sa carrière d’acteur, Eddie Constantine enregistre quelques disques avec un certain succès. Cet enregistrement-ci est très collé au style de Bill Haley. Un anachronisme au niveau des paroles pour 1956 : « une étincelle qui nous vient tout droit de Broadway ». Le rock and roll a mis bien longtemps avant d’être à l’affiche des réputées comédies  musicales bien propres de l’endroit. Mais comme le nom était connu en France, on l’utilisa un peu comme une fake news d’aujourd’hui. En 1955 en Amérique, on considérait plutôt cette musique comme étant celle du jeunes voyous. On se souvient de cet animateur de télévision qui brisait les disques de rock and roll en direct, affirmant qu’il ne serait jamais diffusé sur la chaîne.

Colette Renard – L’Age Atomique. Adaptation de « Rock Around The Island » des Lancers. Colette Renard entre deux chansons à sous-entendus.

Luis Mariano – Me Petite Chérie ( adaptation de « Chantilly Lace » de Big Bopper. Assez étonnant de la part d’un chanteur de charme, mais sa voix n’est pas très rock.

Georges Guetary – Viens Danser Le Rock. Un autre chanteur de charme.

Dick Rasurell Et Ses Berlurons / Roll Steack Frites. Dans cet ensemble il y a  Earl Cadillac et Henry Rostaing. Le titre aurait dû faire fureur en Belgique.

Chou Rave Hageur / Peb Rock. Accompagné par les Hot Dogs.

Moustache – Le Rock De Paris. Un personnage bien connu dans le jazz.

Rockin Harry & Bros / Faut Pas M’énerver. Un Belge qui emprunte bien à Bill Haley.

Ricahrd Anthony – Peggy Sue. Premier disque de Richard Anthony qui reprend un des phares de Buddy Holly, mais du rock pas très bruyant.

Gabriel Dalar / Croque Crane Creux. Adaptation de « Purple People Eater » de Sheb Wooley. Il était de nationalité suisse.

 

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