En passant

Bas nylon et un rocher avant le rock

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Toujours au moyen de la photographie, remontons le temps de plus d’une centaine d’années, vers 1905. Je ne sais pas si vous avez un endroit qui incarne pour vous la futilité d’un monde dans lequel nous ne faisons que passer, mais je crois que j’en tiens un, Monaco. Endroit que je devine charmant, mais où je ne suis jamais allé. Quand je l’affirme, c’est uniquement un jugement visuel. Comme j’aime à la dire : c’est un rocher qui baigne dans une mer aux reflets d’argent. Il n’en reste pas moins que c’est un paysage que l’on pourrait penser posé sur un écrin. Excepté une urbanisation intensive, ce tout petit pays a quand même su garder un charme qui lui est propre. Pour certains c’est juste une illusion, un rêve qui se perd comme les nuages à l’horizon. Pour d’autres, c’est un peu comme ce millionnaire qui sort sa boussole de sa poche, et constate que l’aiguille indique la direction de Monaco. Depuis plus d’un siècle et demi, les dollars se dépensent là avec plus de plaisir que dans n’importe quel autre endroit du monde. Ce fut le trait de génie. Sur des terres incapables de nourrir, ne serait-ce que le souverain en place, on planta une espèce de blé qui a la particularité de ne mûrir que dans les banques. C’est l’endroit « bling bling » par excellence. On y montre ses belles bagnoles, même ses fesses, on y joue les généreux avec cette fausse générosité qui est l’apanage des vrais riches. On donne mais il faut que cela se remarque. En participant à un repas de charité, on récolte une somme d’argent qui est à peine plus que ce que les invités ont payé pour s’asseoir à la table. S’ils avaient directement donné la somme sans venir, le résultat aurait été presque identique, ah oui mais on ne les aurait pas vu frimer, c’est là tout le problème. Et puis, il y a toujours cette attirance vers les têtes couronnées, serrer la main d’une princesse ou lui parler, ce n’est pas comme serrer celle de sa concierge en lui demandant si elle a reçu du courrier. C’est le seul état au monde où le souverain ne peut pas pencher la tête de côté de peur qu’elle ne dépasse la frontière, je vous dis. Du côté de la famille princière, c’est assez cool, le bon prince Albert est plutôt un mec qui paraît assez simple, sûr que si je le croisais et que je le salue, il en ferait de même. Il aime les Scorpions, le groupe de hard rock pas la bestiole, c’est tout dire. Il a bien entendu ses détracteurs, mais celui  qui n’en a pas doit vivre sur une île déserte. Est-on plus heureux si l’on vit à Monaco ?
C’est la question que l’on pourrait poser à tous les personnages que l’on voit sur les photographies que je vous propose. Ils ne sont plus de ce monde, les photos datant du début du 20ème siècle pour la plupart et quelques unes du premier quart. C’est aussi un des charmes de Monaco, l’endroit a été tellement photographié qu’il n’est pas difficile d’en trouver d’anciennes que l’on a jamais vues. Entre silhouettes immobiles sur la photographie, paysages et lieux privés, Monaco rappelle toujours qu’il existe. Et même 120 ans après, cela n’a guère changé, sauf que les photos sont maintenant digitales.