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J’ai toujours adoré les trains. Je trouve que c’est un moyen de transport pratique, confortable et qui a « de la gueule », surtout quand ils étaient tirés par des locomotives à vapeur, tant pis pour la pollution. Quand j’étais jeune, c’est à dire il y a pas mal de temps, posséder un train électrique était le must en matière de jouets. Mais à côté, le train grandeur nature était aussi un sujet d’intérêt. Coup de pot, j’habitais dans un village où il y avait une gare assez importante, puisqu’elle était le lieu d’acheminement des marchandise et arrivée ou départ des voyageurs. Cette gare servait de connexion ferroviaire pour une dizaine de villages. Autre coup de chance, le père d’un de mes meilleurs copains était un employé de la gare pour l’intendance, alors on pouvait faire un peu ce que l’on voulait, monter dans les wagons de marchandises à l’arrêt et même quelquefois monter dans les petites locomotives qui manoeuvraient les wagons. Le père du copains était un vieux râleur, mais il ne nous a jamais rien dit, sans doute un peu flatté qu’on le considère comme un personnage « important » dans la vie de la gare. J’en garde de très bons souvenirs.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle, une sorte de fièvre s’empara des pays occidentaux, on voulait des trains partout. Evidemment à l’époque où les voitures et les camions étaient encore des moyens de transport assez archaïques, le train offrait de nombreuses possibilités. En France, c’est tout juste si l’on ne promit pas de bâtir une gare devant chaque maison. De nombreuses lignes furent construites dès que l’on en décelait la moindre utilité. Une bonne partie ne survécurent pas plus que quelques dizaines d’années. D’autres existent toujours, et encore d’autres sont à moitié hors service, servant le plus souvent de trains touristiques. Construire le chemin de fer, c’était aussi le moyen de procurer du travail à pas mal de monde. Selon la difficulté de la ligne, le besoin en hommes pouvait être énorme. Il faut bien constater que certaines constructions furent de petits chefs-d’ouvre de technique et de réalisation. Un spécialiste m’a dit que près de chez moi, il existe le plus long tunnel ferroviaire du monde a avoir été percé à l’ancienne méthode, c’est à dire à l’explosif. C’est sans doute vrai, car il est antérieur à l’invention de la dynamite et relativement long.
Nous allons pour le plaisir et surtout pour les images, nous promener sur une de ces anciennes lignes située dans le département de l’Isère, qui n’est plus exploitée aujourd’hui.
En 1880 est prise la décision de relier par voie ferrée le bassin minier de La Mure à l’agglomération grenobloise, son principal client. Le plateau de la Matheysine, situé à 900 mètres d’altitude et la vallée de l’Isère, 600 mètres plus bas, ce qui rend difficile l’établissement d’un itinéraire. La rampe de Laffrey étant exclue, le tracé devait emprunter la vallée du Drac, très accidentée sur ce secteur.
Ces conditions géographiques particulièrement difficiles ont fait choisir la voie étroite (1 mètre), permettant un gabarit moindre pour les ouvrages d’art et des rayons de courbes plus petits. La ligne serait donc en correspondance avec la ligne à écartement normal la plus proche, celle de la ligne de Grenoble à Gap, qui suit le Drac depuis Grenoble jusqu’à Saint-Georges-de-Commiers.
La déclaration d’utilité publique date du 27 mars 1881 (pour la ligne principale et l’embranchement de La Motte-d’Aveillans à Notre-Dame-de-Vaulx). La construction effectuée sous la direction des Ponts et Chaussées, dure six ans et coûte douze millions de francs-or.
La nouvelle ligne, longue de trente kilomètres, comporte cent quarante deux ouvrages d’art, dont six grands viaducs et 18 tunnels dont les longueurs cumulées dépassent quatre kilomètres. Bien que le dénivelé total soit de 600 mètres, la ligne ne comporte aucune rampe supérieure à 28,5 ‰.
L’établissement de la plateforme sous la côte de Crozet (balcon du Drac), est l’objet d’une opération unique : depuis la rive opposée du Drac, on bombarda au canon la falaise jusqu’à y dessiner une entaille suffisante pour que les ouvriers puissent y prendre pied et commencer les travaux.
La ligne est inaugurée le 24 juillet 1888, ouverte le , exploitée par la compagnie de Fives-Lille en traction vapeur, puis à partir de 1892 par le service des Ponts et Chaussées de l’Isère. En 1978, une société privée reprend à son compte l’exploitation du trafic voyageurs de la ligne à des fins touristiques. Le trafic du charbon continue jusqu’en 1988.
La ligne de la Mure, de Saint-Georges-de-Commiers à La Mure
La ligne a son origine en gare de Saint-Georges-de-Commiers, à l’altitude de 316 mètres, commune avec la gare SNCF sur la ligne Grenoble – Gap5. Les voies du SG-LM sont parallèles à la voie (unique) SNCF, sans raccordement ni quai de transfert.
La ligne est orientée en direction du nord, et effectue immédiatement une rotation de 180 degrés en tunnel, afin d’atteindre les collines du Commiers, qu’elle gravit par de larges boucles. La voie domine bientôt la vallée du Drac, dans laquelle le barrage de Notre-Dame-de-Commiers retient un lac secondaire. La ligne est encore et pour peu de temps, dans un paysage boisé. Après avoir contourné le plateau de Monteynard, la voie, soudainement accrochée à flanc de falaise à la sortie d’un tunnel, domine le lac de Monteynard-Avignonet de plus de cent cinquante mètres, presque à la verticale.
La ligne bifurque alors vers l’Est et entre dans le vallon de La Motte. Après avoir surplombé le « château aux trois cent soixante-cinq fenêtres », elle atteint la gare de La Motte les Bains.
Après avoir traversé le viaduc du Vaulx, la voie fait deux boucles complètes pour atteindre en dénivelé, les deux viaducs parallèles de Loulla Ils sont séparés par un trajet de 1,5 kilomètre, pour quarante mètres de différence d’altitude.
Entre le viaduc du Vaulx (alt. 710 m) et la gare de La Motte-d’Aveillans (alt. 875 m), distante seulement d’un kilomètre à vol d’oiseau, le tracé se développe sur plus de six kilomètres.
La liaison entre La Motte-d’Aveillans et la plaine de Susville se fait par un tunnel de plus d’un kilomètre de long (tunnel de la Festinière, altitude 925 m).
De Susville à La Mure, la voie longe les anciennes installations et les cités ouvrières liées à la mine, revenant à l’altitude de 882 mètres à son terminus.
La longueur du tracé est de trente kilomètres exactement, pour une distance à vol d’oiseau de seize kilomètres entre les deux gares terminus.
Les images sont dans le format original, cliquer pour agrandir.
Source, Gallica, BNP, Wikipedia, DP