En passant

Exploration musicale en terre inconnue (11)

Au temps du vinyle, la production phonographique française est assez minimaliste par rapport à un pays comme les USA. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Malgré tout, une immense partie de cette production restera dans l’ombre, par manque de soutien de la presse spécialisée, par manque de diffusion radiophonique, par manque promotion. Je me souviens d’avoir vu chez les disquaires des représentants de maison de disques faire la promotion de nouveautés du catalogue. Ils n’avaient rien de différent des autres représentants, sauf qu’ils vendaient ou faisaient la promotion des disques au lieu de brosses ou d’assurances. Il y avait ce qui était en demande, les fameux succès du moment, et des trucs moins connus ou inconnus qu’il fallait essayer de refiler au disquaire en vantant la marchandise, charge à lui d’en souligner les mérites auprès d’une clientèle dont il connaissait les goûts.
Malgré cela une très grande partie de cette production est restée inconnue, ne s’est pas ou mal vendue, c’est en général ces disques qui font le bonheur des encyclopédistes, même certains sont devenus de très estimables pièces de collection. Allons faire un tour dans ces publications dont la plupart vous sont inconnues, autant les chansons que les artistes, à moins que vous n’ayez été un chasseur de disques averti pour quelques uns d’entre eux. Toutes les publication dont je parle ici ont bien été éditées en France et sont uniquement des 45 tours.

1960 – Jimmy Fontana / Romantica. L’Italie se gargarisait pas mal avec les chansons issues du Festival de San Remo. La chanson qui remportant le grand prix se voyait ensuite retenue pour représenter le pays au Grand Prix Eurovision. Il pouvait arriver à ces chansons d’être connues aussi en France, assez rarement il est vrai. Mais celle qui gagna le prix en 1960 « Romantica » chantée par Tony Dallara, devint presque un phénomène en France, reprise par de nombreux interprètes, dont la version de Dalida se tailla la part du lion. A côté de cela, la version originale publiée chez nous fut passablement occultée par les reprises. Quelques petits labels profitaient de cette vague pour publier le titre d’une manière ou d’une autre. Ce fut le cas pour l’obscur label Hollywood / Holiday qui avait un droit sur une reprise italienne faite par un certain Jimmy Fontana. Il deviendra par la suite un chanteur et animateur très connu, mais là, il est encore un prétendant. A part ça, sa reprise est assez originale, d’une chanson un peu larmoyante, il en fait un truc jazzy et rythmé, un peu comme aurait pu le faire un Frank Sinatra. Ce disque passa bien inaperçu.

1966 – Paul Butterfield Blues Band / Shake Your Moneymaker. Paul Butterfield fut un peu un équivalent américain de John Mayall, il compta dans son groupe de nombreux musiciens de talent comme Mike Bloomfield. Plusieurs albums bien torchés témoignent de son art. En France, un trés rare EP fut publié par Vogue, un petit régal.

1964 – Gloriy Lynne – I Wish You Love. Si vous ne connaissez pas ce disque, sachez que derrière ce titre se cache une adaptation anglaise de « Que Reste-t-il De Nos Amours. de Charles Trenet. Publié par London sous licence américaine, ce fut un bide complet en France, il est vrai qu’en 1964 Trenet était nettement moins coté en bourse que la vague yéyé.

1952 – Jo Stafford / You Belong To Me. Je crois que c’est la plus ancienne vieillerie que je vous présente ici. Jo Stafford est une star américaine des années d’après guerre, qui subit même quelques foudres en pleine du Maccarthysme. Peu connue en France, il existe d’elle un 45 tours simple datant de 1952, autant dire à une époque où très peu de gens possédaient un électrophone capable de lire les vinyles. Elle interprète une chanson très connue aux USA, qui sera un hit une dizaine d’années plus tard pour le groupe The Duprees, disque aussi rare que celui-ci. Vous aurez une belle idée sur quoi ancêtres pouvaient pincer les fesses de madame en 1952, je me demande si je ne dois pas quelque chose à cette chanson.

1961 – Bobby Rydell / Cherie. Bobby Rydell est assez peu connu en France, mais il fut une idole pour les teenagers US. De nombreuses publications de lui existent en France, relativement peu courantes. On pensait sans doute qu’il avait le potentiel pour percer chez nous, d’où le nombre. Le titre proposé ici avait le potentiel d’un hit, tellement il est dans le ton de l’époque.

The Silkie – The Times They Are Changing. Après avoir connu un certain succès avec « You’ve Got To Hide Your Love Away », reprise des Beatles, dans laquelle les Fab Four collaborèrent musicalement aussi  à la production, la suite fut plus hésitante. Le titre fut aussi bien accueilli en France et publié sur un EP. Le suivant passa complètement à côté et est plutôt rare. Il contient une bonne version du fameux titre de Bob Dylan.

1965 – Kathy Kirby – I Belong. Un EP de la chanteuse anglaise Kathy Kirby, un mini clone de Marilyn Monroe dotée d’une assez belle voix et assez populaire dans son pays, était paru en France en 1964. Il n’y en aurait sans doute jamais eu un second, si la chanteuse n’avait pas participé au Grand Prix Eurovision 1965 et se classa à la deuxième place derrière le « Poupée De Cire Poupée De Son » de France Gall. Je m’étonne encore aujourd’hui du classement à cette deuxième place, car la chanson est assez peu aguicheuse, dix fois moins que celle de France Gall. Même les Anglais boudèrent, car elle ne monta pas plus haut que la 36ème place dans les charts britanniques. Petite pièce de collection dont la rareté ne fait pas monter excessivement les prix.

1972 – Daniel Boone / Skydiver. Le compositeur du titre précédent, sous son vrai nom Peter Lee Stirling, c’est lui. A part sa collaboration pour Kathy Kirby, il avait fait beaucoup plus intéressant avec « I Think Of You » pour les Merseybeats. Au début des années 1970, il s’établit comme chanteur avec un nom d’artiste en hommage à Davy Crockett  et décroche un tube international avec « Beatiful Sunday », record de ventes au Japon pour un artiste étranger avec plus de 2 millions de copies. Comme souvent, ce genre de succès est difficile à renouveler, même en France où il se vendit beaucoup plus modestement, voici une de ces suites restée dans l’anonymat.

1967 – Scott McKenzie / Look In Your Eyes. Avant de devenir une sorte de roi des hippies avec « San Francisco », Scott McKenzie avait déjà enregistré chez Capitol en 1965. Le succès venu, EMI alla repêcher deux titres Capitol pour les publier en France. Bien que cela ne soit pas si mal, les fans préférèrent visiter un tas de fois San Francisco.

1966 – Barry McGuire – Don’t You Ever Wonder Where It’s At. J’ai eu un contact assez marrant sur la Toile avec ce chanteur. Je l’ai averti qu’on avait publié un article sur lui dans un journal français et que je pouvais lui envoyer une copie s’il le désirait. Il m’a répondu d’une manière assez amusante en se demandant qui pouvait encore se souvenir de lui en France. Mais bon il était partant et il m’a filé son adresse. C’était une manière de le remercier, car j’ai adoré pas mal de ses disques et pas seulement son fameux hymne du protest song « Eve Of Destruction ». Par exemple celui-ci publié sur son second rare et dernier EP français. Ce n’est pas loin de Bob Dylan.

1969 – Savoy Brown / Tollin’ Bells. Quand les albums prirent le pas sur les 45 tours, le compagnies continuèrent d’éditer les 45 tours principalement pour la promotion et les jukeboxes. Quand ces publications concernent des artistes qui enregistrent de belles choses, ils deviennent de petites perles, parfois plus cotées que les albums. C’est le cas pour Savoy Brown qui fut une pièce maîtresse du blues anglais à la John Mayall, comme cette très belle reprise de ce titre de Lowell Fulsom qui dure près de 7 minutes. Une durée de EP pour le prix d’un single.

1966 – Joe Dassin / Katy Cruel. De mon seul point de vue, Joe Dassin était un chanteur de variétés plutôt casse pompes. Mais on trouve dans sa discographie, surtout au début, quelques titres qui méritent le détour. Comme ce traditionnel figurant sur ce single passé très inaperçu. En plus, il possède plutôt bien l’anglais, chose assez normale pour un Américain de naissance.

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