En passant

Bas nylons et disciples de Dracula

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Bram Stocker et son Dracula n’a en fait rien inventé, sinon donné un nom particulier à un personnage qui n’est pas seulement une légende, mais qui existe réellement. Stocker a eu l’idée avec d’autres auteurs de lui coller une mythologie qui nous connaissons bien, celui qui ne se reflète pas dans les miroirs, l’immortalité, les canines trouées qui sucent le sang, la peur de l’ail, du jour, des crucifix, et le fameux pieu qu’il faut planter dans le coeur pour le tuer définitivement. Dracula n’est pas le premier ni le seul, mais le plus célèbre. Le vampire dans la vie de tous les jours est sensiblement différent, c’est souvent un titre qu’on lui colle pour ne pas employer des termes plus scientifiques relevant de la psychiatrie, un vampire tout le monde comprend et imagine ce qu’il veut comme personnage peu recommandable. Au travers les âges, dans les campagnes et les endroits isolés, il faisait partie de la légende, on y croyait réellement par superstition et ignorance, on parle aussi de loup-garou.
Nombre de récits et d’affaires criminelles témoignent de ces faits, dont certaines sont célèbres. Le vampire de Dusseldorf, magnifié au cinéma par Fritz Lang et « M Le Maudit », est un des plus célèbres, de son vrai nom Peter Kürten. Il officie dans une particularité du vampirisme, il tue et souvent assouvit ses pulsations sexuelles avec ses victimes et peut boire leur sang. On n’est plus tout à fait dans la mythologie, s’il a peur ce n’est pas de l’ail ou des crucifix, mais surtout de la police. Une autre de ces pratiques voit surgir les nécrophages. Ils lient les pratiques sexuelles à la profanation d’un cadavre, vont même jusqu’à les déterrer, parfois ils agissent sur une personne inconsciente. Au début du 20 ème siècle, dans le village de Ropraz en Suisse, une série de profanations de tombes et mutilations de cadavres défrayèrent la chronique. L’écrivain Jacques Chessez en tira Le Vampire de Ropraz, qui s’inspire très librement  de cette histoire en faisant quelques entorses à la réalité des faits. Comme vous le voyez, la qualification de vampire est attribuée selon un certain bon vouloir, le fait principal restant que c’est toujours lié à des comportement morbides, mais on peut aussi désigner par vampire une personne obsédée par autre chose, l’argent par exemple.
A peu près à la même époque, en 1901, une histoire semblable se répandit à travers la France, le vampire de Muy. L’auteur en est bien connu, il s’appelle Victor Ardisson, parfois appelé aussi Honoré par confusion avec le prénom de son beau-père. Il reste en quelque sorte un des plus célèbres cas de nécrophilie, du moins un des plus documentés. Le protagoniste est un personnage dont on peut dire que toutes les fées ne se sont pas penchées sur son berceau, mais voyons.


Né le 5 septembre 1872 au Muy dans le Var, d’un père inconnu et d’une mère violente, Elisabeth-Apollonie Pore, qui le bat. Victor prend le nom de son beau-père, Honoré Ardisson, lequel « vivait d’expédients et de rapines ». Victor Ardisson commet une centaine d’actes de nécrophilie. Entrepreneur de pompes funèbres et fossoyeur, le « Vampire du Muy » viole de nombreux cadavres, surtout des femmes jeunes, qu’il mutile et décapite dans certains cas. Durant un certain temps, il conserve notamment sur sa table de chevet la tête momifiée d’une adolescente de 13 ans, qu’il embrasse régulièrement, la considérant comme « sa fiancée »
Il faut préciser qu’il souffrait de dérèglements, psychiques évidemment, mais aussi de particularités dont on peut dire qu’elles on contribué à l’assouvissement de ses pulsions, l’absence d’odorat et de goût. J’imagine, et si vous me le dites je vous crois sur parole, ouvrir des cercueils doit dégager des relents qui sont très loin de ceux du Chanel No 5. Il finit par se faire attraper et on l’interna pour folie, car en fait il n’avait tué personne et le code d’alors ne prévoit rien pour les relaxions sexuelles avec un mort, seule la profanation est condamnable. Lors de se son internement, il réussit quand même à s’évader en 1902 déjà, et en 1912. Il fut repris à chaque fois et mourut finalement en 1944.
On a bien entendu chercher à cerner plus précisément sa personnalité. Un psychiatre, Alexis Epaulard, eut plusieurs entretiens avec lui et put établir un profil assez précis. Je n’entre pas trop dans les détails sordides.
Le principal constat qu’il fait, c’est qu’il souffre de débilité mentale, sans qu’elle soit totale, c’est un simplet dans beaucoup de domaines.
Il a eu des rapports sexuels apparemment normaux avec des filles de rencontre et des prostituées, il eut même un maîtresse quand il fut soldat en Corse. Il n’a jamais pratiqué la pédérastie, sur des êtres vivants s’entend, ni la sodomie, ni la bestialité. Il dit qu’il n’a jamais songé à cela. Par contre il semble avoir été très attiré par les poitrines, il commençait très souvent par sucer les seins, même sur les mortes.
Bien qu’il ne pratique sa déviance qu’avec le sexe féminin, il attachait peu d’importance à l’âge, de très jeunes filles aux vieillardes. Quand il allait déterrer des cadavres, c’était peu de temps après un inhumation, ainsi les risques que l’on remarque une profanation étaient réduits. Il ne s’intéressait jamais deux fois de suite à la même défunte. Même si le nombre de ses victimes est inconnu, on l’estime possible à une centaine.
A contrario, il avait un caractère plutôt gai, le rire facile, ne se fâchait jamais, ni ne se plaignait. Il semblait faire ses atrocités comme une chose presque normale, en prétendant qu’il ne faisait aucun mal, dans sa certitude une morte est une morte, elle ne ressent rien. Il a une franchise à toute épreuve, ne nie jamais ce qui lui est reproché, pour autant qu’il s’en souvienne. Sa mémoire semble assez défaillante, surtout pour les choses remontant assez loin dans le temps, ou alors quand il est trop fatigué. Il ne supporte pas les longues conversations. Il aimait être devenu un centre d’intérêt. Physiquement, sans être un Apollon, il n’est pas disgracieux, il a le visage de monsieur tout le monde. Plutôt de petite taille, il est assez costaud et assez dur à la tâche.

Nous allons bien sûr refaire à travers divers journaux d’époque, le parcours de ce personnage sordidement célèbre. Rappel : dans certains articles il est prénommé Honoré, c’est une confusion avec son beau-père.

 

 

Source Gallica, BNP, DP