En passant

Bas nylons et un certain mauvais état d’esprit.

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A travers deux journaux datés du 8 juin 1942, l’un Le Matin et l’autre Le Petit Parisien, regardons un peu ce qui se passait en France à cette date. Vous l’avez deviné, il s’agit de presse collaborationniste. En 1942, il n’y a plus de doute, les journaux qui paraissent officiellement se sont engagés dans la collaboration. Je n’ai pas choisi cette date par hasard, il s’agit du premier jour où les Israélites ont l’obligation de porter leur triste étoile, c’est un signe. Les dés sont jetés, on est un peu plus d’un mois avant la célèbre rafle du Vel d’Hiv, en juillet 1942, qui sera en quelque sorte l’officialisation de la déportation. Les journaux collabos n’en feront pas mention dans leur colonnes. Quand on est comme moi intéressé par l’histoire, il n’y a rien de mieux que de se référer aux journaux pour se faire une idée de ce qui se raconte lors d’une période donnée. Il y a aussi les livres, mais le livre est plus caché et pas collé à l’actualité, il faut s’y intéresser pour le lire. Un journal, lui, est lu par par un grand nombre de personnes, d’autant plus s’il est à grand tirage. On peut très bien imaginer qu’en 1942, de nombreux anonymes lisent les journaux. Il y a bien des raisons de s’y intéresser, l’époque est troublée et c’est la guerre, on ne sait pas très bien ce qui se passe ailleurs, ni ce qui pourrait vous tomber sur le dos dès demain par une décision gouvernementale. On peut aussi le lire par simple envie de distraction, elle ne sont pas si nombreuses, bien qu’il existe toujours un semblant de vie sociale, cinéma, théâtre, musées, mais cela tourne un peu au ralenti, c’est l’impression que l’on peut ressentir. A première vue, quand on parcourt un de ces journaux, on remarque qu’il n’est tellement différent de ceux qui pouvaient paraître avant la guerre. Il y a des informations générales, on peut très bien y parler d’un orage de grêle qui aurait ravagé un vignoble, de lire une petite annonce d’Untel qui offre de l’embauche ou du père Léon qui veut vendre une vieille pendule. Les programmes de la radio sont présentés, la météo du jour est mentionnée, il y a toujours une loterie nationale dont on rappelle que les billets sont en vente, que Machin a battu Truc sur un ring de boxe. Cela c’est le côté plaisant, mais dans les pages se glisse une propagande, qui sous prétexte d’information veut diriger votre esprit vers des choses moins riantes. L’actualité internationale relate soit des faits insignifiants, soit des faits plus significatifs qui veulent mettre en avant les exploits du camp soutenu par cette presse, les désastres étant toujours réservés à la partie adverse. Si j’en crois ce que ces journaux collaborationnistes racontent, c’est simple, les forces de l’Axe auraient dû gagner la guerre. Elles ne semblent jamais prises en défaut, ce n’est que batailles gagnées, ou alors s’il devient évident que ce n’est plus trop le cas, on résiste héroïquement en préparant la contre-attaque qui sera bien entendu victorieuse. La politique au niveau des dirigeants, c’est un peu la même chose, il n’y a que des gens qui sont heureux et n’attendent que le moment d’aller soutenir l’action du gouvernement en profitant de le remercier de ses bienfaits. La période de l’occupation c’est bien entendu une puissante vague d’antisémitisme, les journaux ne manquent pas de glisser à charge une nouvelle qui les concerne, tout ce qui arrive est de leur faute, c’est ce que l’on essaye d’inculquer. Je ne sais pas dans la réalité de la France occupée qui, et surtout combien, ont été vraiment dupes de cet état de fait. Il y en a eu c’est sûr, mais je pense qu’une majorité n’avait pas vraiment un avis tranché, une indifférence sans vraie réflexion, me semble un meilleur argument. Dans l’article consacré à l’étoile jaune, il apparaît qu’il n’y a rien d’autre à leur reprocher, sinon d’avoir été des gens comme les autres dont on s’accommodait et dont il faudra se méfier à partir de maintenant puisqu’ils affichent une étoile, c’est une suggestion qui est presque un ordre. La propagande, c’est quelque chose d’insidieux, une tentative de domination des faibles par les forts. Si d’aventure on arrive à faire croire aux faibles qu’ils font partie des forts, on tient le monde à sa merci. Je suis toujours intrigué de savoir comment les gens arrivent à trouver une part d’idéologie dans ce qui relève de la bassesse humaine. C’est évident, nous sommes une multitude de cultures à travers le monde, les us et les coutumes peuvent varier dans de grandes proportions d’un coin à l’autre. Je reste convaincu qu’il n’y a pas de race réellement supérieure, mais je suis persuadé que dans chacune d’elle il y a des bons et des méchants. Il faut juste se faire humble et trouver la belle part. Avec un peu de culture bien orientée, c’est relativement facile. L’idée de la race s’estompe quand on arrive à ressentir ce que l’autre exprime. Quand on écoute un bon vieux blues et qu’on aime, il n’y a pas un Noir en face de soi, mais un musicien. Les Nazis mirent au ban des grands compositeurs de musique classique, on a juste privé les musicologues de concerts qui n’avaient aucune idée de supériorité de race ou d’idéal politique. Si vous fredonnez « Padam Padam » d’Edith Piaf ou chantez « Zorro Est Arrivé » d’Henri Salvador,  savez-vous que vous ce sont des mélodies de compositeurs juifs ? Si vous aimez tant mieux, tout le reste c’est de la connerie, comme en témoignent certains écrits ci-dessous…

Source Gallica, BNP, DP