Au temps du vinyle, la production phonographique française est assez minimaliste par rapport à un pays comme les USA. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Malgré tout, une immense partie de cette production restera dans l’ombre, par manque de soutien de la presse spécialisée, par manque de diffusion radiophonique, par manque promotion. Je me souviens d’avoir vu chez les disquaires des représentants de maison de disques faire la promotion de nouveautés du catalogue. Ils n’avaient rien de différent des autres représentants, sauf qu’ils vendaient ou faisaient la promotion des disques au lieu de brosses ou d’assurances. Il y avait ce qui était en demande, les fameux succès du moment, et des trucs moins connus ou inconnus qu’il fallait essayer de refiler au disquaire en vantant la marchandise, charge à lui d’en souligner les mérites auprès d’une clientèle dont il connaissait les goûts.
Malgré cela une très grande partie de cette production est restée inconnue, ne s’est pas ou mal vendue, c’est en général ces disques qui font le bonheur des encyclopédistes, même certains sont devenus de très estimables pièces de collection. Allons faire un tour dans ces publications dont la plupart vous sont inconnues, autant les chansons que les artistes, à moins que vous n’ayez été un chasseur de disques averti pour quelques uns d’entre eux. Toutes les publication dont je parle ici ont bien été éditées en France et sont uniquement des 45 tours.
1970 – Clover – Shotgun. On trouvait assez facilement l’album français dans les bacs de soldeurs. Sans doute publié en France car ils enregistraient pour le label Fantasy, le même que Creedence Clearwater Revival, très populaires à l’époque. Un single en fut extrait avec cette reprise de « Shotgun » de Jr Walker dans une version moins intéressante que celle de Vanilla Fudge, deux ans avant. Il est sans doute bien moins visible. C’est de la pop américaine tendance sudiste.
1971 – David Crosby / Orleans Beaugency. Un des nombreux singles qui étaient tirés d’albums pour on ne sait trop quelle raison, sinon celle de promotion. La plupart sont bien plus rares que les albums. Ici le fameux David Crosby s’attaque à un traditionnel français. Etonnant et beau, il la chante encore dans ses concerts.
1973 – Monty De Lyle / Birdwatcher. Un acteur déjà âgé et peu connu se voit offrir l’occasion d’enregistrer un disque pour le fameux label Harvest entouré d’une équipe de jeunes. Une curiosité peu connue.
1956 – Tennessee Ernie Ford / Sixteen Tons ’65. Il connut dix ans avant un beau succès avec cette chanson qui parle de mineurs. En 1965, il remet ça avec une version dépoussiérée qui ne fut pas un coup de grisou.
1961 – Jorgen Ingman / Apache. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les Shadows n’eurent aucun succès aux USA. Leur immortelle création fut no 2 aux USA, mais via la version du guitaristes danois Jorgen Ingman, pourtant nettement moins intéressante. Pour en trouver une copie dans son édition française, c’est du 1000 contre 1 en face de celle des Shadows. Notons aussi qu’avec sa femme, il remporta avec « Dansevise » le Grand Prix Eurovision en 1963.
1966 – Brenda Lee Jones / You’re The Love Of My Life. Un de ces fabuleux disques peu connus de ce que l’on appelle maintenant le Northern Soul. Pour ce titre, c’est toute la magie des disques interprétés par des Noirs. Ce petit single publié par Vogue passa bien inaperçu, mais pas assez pour que Noël Deschamps n’en fasse pas une adaptation « A Prendre Ou A Laisser ».
1960 – Ella Johnson / What A Day. C’est plutôt une chanteuse de jazz, mais Barclay qui distribuait Mercury à l’époque, publia un EP sous étiquette racoleuse de rock and roll, ça en a quand même un peu le goût. Le titre datent de 1956, mais comme il semble que la France prend enfin conscience que le rock est une musique d’avenir, le moment est bien choisi. Seule publication française qui existe en deux pochettes que l’on a pas souvent l’occasion d’admirer.
1963 – Peggy Lee / I’m A Woman . En 1963, Peggy Lee a déjà quelques kilomètres de carrière au compteur tout en s’étant imposée comme une des plus grandes chanteuses du 20ème siècle. Elle reste néanmoins une étonnante interprète qui ne néglige pas les nouvelles modes, allant même jusqu’à reprendre les Beatles, Ray Charles, ou Otis Redding. Sur ce EP de 1963 qui ne s’est pas vendu à la tonne, se trouve ce titre très plaisant bien dans son style.
1958 – Georgia Gibbs – The Hula-Hoop Song. Il arrive assez souvent qu’une mode ou un objet soit associé à une chanson. En 1958, un truc improbable devient un phénomène, le hula-hoop. Cela consiste en un gros anneau en matière légère qu’il faut faire tourner en remuant les hanches et le ventre. Ils se vendent par millions. Cela valait bien un chanson que l’on confia à Georgia Gibbs, une chanteuse au succès sur le déclin . Edité en France en single, il s’en vendit certainement moins que sa source d’inspiration. L’objet en lui-même a assez bien survécu, on le voit dans les cirques et aussi chez les personnes qui veulent entretenir la ligne, de même que certains disques postérieurs le mettent encore en vedette. A l’époque c’est Annie Cordy qui créa une version française.
1959 – Larry Williams / Hootchy-Koo. Si vous désirez vous procurer une chanson de Larry Williams en pressage français, il vous sera plus facile d’acheter une des trois reprises officielles que firent les Beatles de ses titres. Bien que connaissant un succès assez conséquent aux USA, aucune de ses chanson phares ne furent publiées à l’époque en France. Un seul EP, et pas très représentatif de ses succès, fut édité. Et en trouver une copie relève presque de l’obscénité.
1963 – Michèle et ses Wouaps / Dam Dam. J’adore ce disque. Pour moi, il représente la parfaite incarnation du disque yéyé français. Les paroles sont la summum de ces histoires d’amour à deux balles qui dégoulinaient sur les sillons des disques. Vocalement et instrumentalement c’est plutôt bien, la guitare est splendide et très représentative du son des années 1960. Je ne regretterai jamais les deux ou trois balles que m’avait coûté ce disque trouvé aux puces il y a bien longtemps. Cette rare et unique publication fait partie d’une série éditée par les disques Président en liaison avec Radio Monte-Carlo, qui donnait sa chance à quelques artistes probablement du coin.
1971 – Stackwaddy / Roadrunner. De la musique de freaks, ce légendaire groupe de progressive anglaise est l’auteur de deux albums très recherchés. La France a eu droit à seulement un single, moins recherché que les albums, mais sans doute tout aussi rare.
1959 – The Tempos / See You In September. Les Happenings refirent un succès de ce titre en 1966, mais l’original fut créé par les Tempos en 1959, un groupe blanc de doo-wop basé à Pittsburgh dont c’est le seul titre vraiment connu. Un single fut néanmoins publié en France la même année. Jamais vu cette bestiole.
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