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Les tremblements de terre font presque partie de l’actualité quotidienne. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y en a tous les jours, mais très peu atteignent une intensité qui fait que l’on puisse les ressentir. Cependant, les sismographes répartis un peu partout sur la planète ne les loupent pas. A l’heure où j’écris ces lignes, il y a eu pour les dernières 24 heures, pas moins de 6 séismes enregistrés, dont le plus fort fut d’une magnitude de 5,3 au large des îles Aléoutiennes entre l’Alaska et l’Asie. Nous sommes sur un sol à l’évidence peu stable, encore que la surface terrestre par rapport à la mer est à peu près du quart. En mer, les mouvements sont moins ressentis et peuvent même passer complètement inaperçus. Le grand danger reste le tsunami. Comment cela arrive-t-il? C’est assez facile à comprendre. Au fond de la mer, l’eau repose sur un fond solide et se débrouille en surface pour être, hormis la courbure terrestre, à l’horizontale. Quand vous videz l’eau d’une bassine, vous inclinez la bassine mais l’eau reste toujours à l’horizontale. Un séisme sous-marin peut provoquer une rupture dans la continuité du sol au fond de la mer, se soulever ou s’affaisser. L’eau va bien évidemment suivre le mouvement qui se reportera jusqu’en surface, elle tentera alors de retrouver sa position horizontale. Si le mouvement au fond est peu important, cela se passera pratiquement sans accroc, quelques petites agitations en surface comme une vague due au vent. Mais imaginons que le fond se soulève de 30 mètres, cela va faire un peu comme un jet d’eau et le sommet commencera à rouler des vagues. Ce sont ces vagues qui deviennent dangereuses si elles abordent une zone habitée. Mais nous savons que tous les tremblements de terre maritimes ne provoquent pas forcément des tsunamis. Il peut aussi y avoir d’autres causes, par exemple l’effondrement d’un pan de montagne dans la mer, une éruption volcanique, mais si elles peuvent donner le même phénomène, la cause est autre.
Relevé des secousses enregistrées pour 24 heures au moment où je rédige l’article
Une chose que nous n’avons pas encore vue, c’est la cause du tremblement de terre. Encore là, nous connaissons très bien les causes. Dans la majeure partie des cas, c’est la poussée des plaques continentales qui en sont la cause. Nous savons presque avec certitude qu’à l’origine, il n’y avait qu’un seul et même continent (l’Amérique et l’Afrique semblent assez bien pouvoir s’emboîter) dont les plaques ont un beau jour décidé d’aller voir ailleurs, car elles « flottent » à la surface terrestre. Les plaques s’approchent ou s’éloignent, ce qui provoque tensions ou relâchements, c’est cela qui provoque les mouvements responsables des tremblements de terre. La plaque Africaine avec celle de l’Asie ont tendance à buter contre celle de l’Europe. Elles provoquèrent dans un lointain passé la formation des Alpes. C’est justement vers la Méditerranée et les pays limitrophes que l’on recense les plus violentes secousses en Europe. Il y a bien d’autres endroits dans le monde, la Californie par exemple, mais nous intéresserons dans cette article au sud de l’Europe. Notons en passant que ces « frontières continentales » sont souvent des endroits d’intense activité volcanique et leurs failles permettent au magma de remonter à la surface. Le sud de l’Italie est bien connu pour ses volcans, Vésuve, Etna, Stromboli.
Je ne sais pas si vous avez vécu « en direct » un tremblement de terre, mais il m’est arrivé deux fois d’assister à cela. Ce n’était que de petites ou moyennes secousses, mais c’était déjà assez impressionnant pour imaginer ce que peuvent être des phénomènes plus violent et qui durent longtemps. La première fois vers la fin des années 70, j’étais au lit en train de lire, il était 1h40. J’ai d’abord entendu comme le début d’un coup de tonnerre. Quand il vient de loin, vous entendez un roulement ou un son qui va en s’amplifiant avant d’atteindre son maximum. C’était ainsi, juste le début. Un fraction de seconde après j’ai ressenti une secousse comme si on avait donné un violent coup de pied à mon lit et il y a eu un gros craquement dans la maison. C’est tout, mais comme c’était la nuit et que le silence était total, j’ai plus été impressionné par le bruit que la secousse. La seconde fois, j’étais chez quelqu’un au troisième étage d’une tour. Comme il était 18 heures et qu’il y avait du bruit, j’ai juste ressenti la secousse, une bonne branlée de 5,4 sur l’échelle de Richter d’après le commentaire des journaux le lendemain. Ce fut assez bref, mais les personnes présentes se sont précipitées vers la porte. J’ai toujours la vision d’un aquarium dont l’eau s’est agitée dans tous les sens et a mis au moins deux minutes pour se calmer. La pire chose avec un tremblement de terre, vous ne pouvez pas avoir un sentiment de sécurité. Avec un cyclone, une éruption, une inondation, vous avez un sol sous les pieds, vous pouvez éventuellement vous accrocher à quelque chose, mais là rien. La prévision d’un tremblement de terre est encore très aléatoire, contrairement aux autres phénomènes que l’on peut assez bien prévoir. Les animaux semblent particulièrement ressentir, parfois des heures avant, qu’un séisme va arriver.
Notre ami et visiteur Peter Pan, m’a justement mis la puce à l’oreille dans un commentaire sur un tremblement de terre majeur qui se produisit en 1887. Il concerna l’Italie et la France, mais il fut ressenti dans une bonne partie de l’ouest de l’Europe. Il se classe d’office comme étant une catastrophe de premier plan. Je crois en avoir fait brièvement allusion dans un précédent post, mais je suis parti à la recherche de documents journalistiques pour revenir plus en détail sur cette histoire. Pour ce faire, j’ai parcouru les journaux de l’époque, seule source intéressante à mes yeux. Même s’ils sont subjectifs, ils apportent au moins une certitude, la perception que l’on avait de l’événement au moment où il se produit. Avec le recul, c’est parfois riche d’enseignements.
Nous sommes le 23 février 1887, il est 5 h 41 le matin. La terre se met à trembler autour d’un épicentre situé au large de Imperia et Diano Marina en Ligurie à une soixantaine de kilomètres à l’est de Menton. La secousse est estimée à une magnitude de 6,5 c’est donc un fort tremblement de terre. Il sera ressenti avec des effets atténués à des centaines de kilomètres de là. Dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres, les dégâts sont considérables et le nombres de victimes élevé. On recense plus de 600 morts et plus de 500 blessés côté italien, et 8 morts et une cinquantaine de blessés côté français. Il est facile d’imaginer que la plupart des victimes le furent à cause de la solidité et la vétusté des bâtiments dans lesquels elles se trouvaient et qui s’écroulèrent. Les techniques de construction, spécialement pour les maisons individuelles, étaient un peu laissées à l’appréciation de chacun. L’heure matinale joue aussi un rôle, peu de gens sont dehors et nous sommes en février, il fait nuit. Les secours devaient aussi se borner à quelques moyens rudimentaires peu performants, sans compter les mouvements de panique courants dans ce genre de situation. Par chance, le raz-de-marée qui s’en suivit se limita à des vagues d’une hauteur d’un mètre. Il y eut au moins une réplique assez importante vers 8 heures. Mais partons dans les revues de l’événement.
Commençons par une étude scientifique et des témoignages de personnes très au fait des tremblements de terre, ce qui nous démontre que les séismes étaient déjà très étudiés au 19ème siècle avec une somme de connaissances bien présente. Elle est suivie d’un résumé des observations qui furent faites et des renseignements récoltés dans divers endroits qui mesurèrent et ressentirent la secousse sur les sismographes de l’époque. La ville la plus éloignée du l’épicentre est Zürich, à 400 kilomètres à vol d’oiseau. Il est intéressant de noter la vitesse de propagation des ondes sismiques. C’est un peu comme une vague qui avance sur la mer, sauf que c’est sur ou sous terre, visiblement on était déjà au fait de leur existence. On sait aussi que dans certains cas, des lueurs peuvent aussi illuminer le ciel avant ou au moment où le phénomène se produit, c’est encore très mystérieux et ce n’est pas systématique. Comme nous le voyons les ondes avancent très vite, un peu plus de 2 minutes pour parcourir 400 kilomètres, ce qui est bien plus vite que la vitesse du son, 6 à 7 fois plus vite d’après un bref calcul. Les articles sont cliquables pour une meilleure lecture.
Parmi les journaux commençons par La Croix, d’après le nom on se doute bien qu’il s’agit d’un journal religieux. Il donne un éclairage particulier sur l’événement. La tragédie tombe en plein période du carnaval de Nice, alors on en profite pour rappeler que les joies terrestres sont futiles.
Voyons maintenant à travers à travers La Dépêche, journal de Toulouse, qui donne des informations pour plusieurs villes en quelques mots. Pour autant que ces informations soient exactes, nous voyons que les dégâts sont assez différents d’un endroit à un autre. Les heures données sont assez fantaisistes, mais rappelons qu’à cette époque l’heure n’était pas unifiée en France, chaque ville avait sa propre heure qui consistait surtout à dire qu’il était midi quand le Soleil était au zénith. De plus, on pourrait croire qu’il y a eu une multitude de séismes alors que c’est le même à la base.
Dans Le Figaro, on met en avant l’article d’un témoin direct, il raconte ce qu’il voit et ressent.
Voyons maintenant un journal local en Suisse. Il résume brièvement ce qui se passa en France, mais fait mention du ressenti des secousses, à une distance d’environ 360 kilomètres à vol d’oiseau. Bien qu’elle ne ressemble en rien à l’intensité observée en Italie et en France, le choc est suffisant pour arrêter quelques pendules.
Une vidéo qui résume la catastrophe, un séisme en direct, lumières sismiques
Source, Gallica, BNP, DP. Wikipédia