En passant

Exploration en terre musicale inconnue (45)

Au temps du vinyle, la production phonographique française est assez minimaliste par rapport à un pays comme les USA. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Malgré tout, une immense partie de cette production restera dans l’ombre, par manque de soutien de la presse spécialisée, par manque de diffusion radiophonique, par manque promotion. Je me souviens d’avoir vu chez les disquaires des représentants de maison de disques faire la promotion de nouveautés du catalogue. Ils n’avaient rien de différent des autres représentants, sauf qu’ils vendaient ou faisaient la promotion des disques au lieu de brosses ou d’assurances. Il y avait ce qui était en demande, les fameux succès du moment, et des trucs moins connus ou inconnus qu’il fallait essayer de refiler au disquaire en vantant la marchandise, charge à lui d’en souligner les mérites auprès d’une clientèle dont il connaissait les goûts.
Malgré cela une très grande partie de cette production est restée inconnue, ne s’est pas ou mal vendue, c’est en général ces disques qui font le bonheur des encyclopédistes, même certains sont devenus de très estimables pièces de collection. Allons faire un tour dans ces publications dont la plupart vous sont inconnues, autant les chansons que les artistes, à moins que vous n’ayez été un chasseur de disques averti pour quelques uns d’entre eux. Toutes les publication dont je parle ici ont bien été éditées en France et sont uniquement des 45 tours.

1962 – Little Willie John / Uh Uh Baby. Chanteur de soul et r’n’b assez connu dans la lignée de James Brown, qui était un peu son protecteur. Il connut une carrière mouvementée, car il poignarda un homme lors de ses fiançailles et se retrouva en tôle où il mourut en 1968. Son style en fait un des bons chanteurs du genre. Il existe 3 EP’s de lui publiés en France, assez rares et plutôt recherchés.

1968 – Alexis Korner / Mary Open The Door. La plus ancienne légende du blues anglais et sûrement la seule née à Paris. De toute sa carrière c’est le seul single qu’il existe de lui en pressage français, sauf évidemment ce qu’il a enregistré avec son groupe C.C.S. C’est un disque qui oscille entre le rare et le pas trop courant.

1968 – The Lords / Gloryland. Si les Lords ont laissé une impression en France, c’est surtout pour les collectionneurs de leur pays d’origine l’Allemagne, où ils furent une des groupes phare des sixties. Après l’échec et la mévente  du EP de 1965, on tente le coup avec cette deuxième publication en single. Chanson connue, un hit en Allemagne et un bide en France. Assez rare malgré tout.

1967 – The Music Explosion / A Little Bit Of Soul. Un hit aux USA pour le groupe. Publié en EP en France, assez peu vendu, il fait partie des collectors qui suscitent quelque intérêt. Plutôt rare, j’en ai trouvé une copie récemment chez un papi brocanteur qui me l’a cédé pour une poignée de cacahuètes. Il a déjà sa place assurée au paradis.

1966 -Jean Bokelo /  Camarade Ya Ndoki. Si vous voulez vous faire un peu de fric et que vous tombez sur des enregistrements de provenance africaine plutôt anciens que l’on vous cède pour une bouchée de pain, achetez et revendez ! Il est bien rare que cela ne vaille pas quelque chose à la revente auprès des amateurs, de quelques euros pour celui-ci à des jolis petits paquets de billets pour d’autres. En règle générale, ils sont rares et souvent recherchés. C’est quand même un peu la préhistoire de la musique moderne, les ethnologues ne s’y trompent pas.

1962 – Vince Taylor / Jet Black Machine. Si les publications Barclay sont relativement faciles à dénicher, il en va autrement pour le fameux EP sur Odeon et celui-ci publié chez Palette, sans doute un peu moins recherché. On est toujours dans les histoires de bagnoles, mais celle-ci est noire et va vite, mais c’est toujours Vince Taylor.

1960 – The Swan Silvertones / Sinner Man. Je me suis tous dis que la musique religieuse noire était nettement moins chiante que son pendant blanc. En voici un exemple avec ce rare disque de gospel par ce groupe concurrent du Golden Gate Quartet, mais nettement moins connu. Un de leurs chansons inspira « Bridge Over Troubled Water » à Paul Simon de Simon & Garfunkel.

1969 – Alan Trajan / Speak To Me, Clarissa. Un chanteur d’origine écossaise à la carrière peu visible, mais qui est plutôt apprécié des collectionneurs. Cet unique single français est un beau collector, mais moins recherché que son album anglais dont est extrait ce titre.

1964 – Inez Foxx / Hurt By Love. Avec son frère Charlie jamais très loin, ils forment un duo de r&b qui acquit une assez belle réputation. Ici créditée en solo, mais son frère compose et chante aussi dans l’enregistrement. Cette chanson est devenue un de leurs classiques, repris la même année par les Downliners Sect en Angleterre, c’est le titre qui ouvre leur premier album. Seul rare EP édité en France, il existe avec deux pochettes différentes, la plus cotée et la plus recherchée est celle ou la chanteuse figure en photo sur la pochette.

1963 – Marvin Gaye / You’re A Wonderful One. On ne peut pas reprocher à EMI de ne pas avoir essayé d’imposer les artistes Tamla Motown en France. Après avoir pris le relais de Barclay, ils publièrent de nombreux EP’s emballés dans de magnifiques pochettes qui sont pour la plupart de très beaux collectors aujourd’hui. Malheureusement ce style eût un peu de peine à s’imposer en France à une ou deux exception près, les Supremes ou Little Stevie Wonder. Ce n’est qu’à partir de 1966 que la tendance s’inversa et depuis là, les publications françaises de Tamla Motown sont un peu moins confidentielles, certaines même très courantes. Cette première publication française de Marvin Gaye, l’un des artistes phare du label est une très belle rareté.

1973 – Left End / Bad Talkin Lady. Groupe US à tendance hard rock qui publia une dizaine de singles dans les seventies, dont celui-ci est le seul publié en France. Ils sont assez populaires et se produisent encore aujourd’hui. C’est un petit collector, encore faut-il connaître le groupe.

1959 – Charles Mingus / West Coast Ghost. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de gens qui connaissent l’existence de ce rare EP sur disques Versailles, en fin de compte la première publication française du genre pour Charles Mingus. Un grand bonhomme, un contrebassiste qui joue dans les étoiles, un des adeptes du free jazz, mais aussi un antiraciste militant. Personnellement, quand je pense à écouter du jazz  son nom vient souvent en premier. Je préfère aller bouffer dans un trois étoiles que dans un Mc Machin.

 

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