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Je suis toujours époustouflé de tout ce que l’on peut trouver comme renseignements sur la Toile. On peut presque dire que tout ce qui s’est passé ces 150 dernières années, même des faits anodins, peut en partie être reconstitué. Les journaux numérisés sont une suite inépuisable de renseignements A cela viennent s’ajouter des sites dédiés à la mise en ligne d’archives pour un sujet ou un autre. Il n’y a pas besoin de beaucoup de matériel, un ordinateur, des moteurs de recherche, savoir ou aller. Voici quelques pistes, je n’indique que les sites gratuits.
– Les archives de journaux en ligne, il y en a des milliers.
– Le site Find A Grave. Un cimetière virtuel. C’est une idée américaine et parfois ils en ont de bonnes. C’est centré sur les USA, mais on peut trouver quelques autres lieux. Là-bas, l’organisation des cimetières est assez différente. Le principal avantage, c’est d’avoir de la place. Dans la majorité des cimetières on peut trouver des tombes très vieilles, les secteurs ne sont pas désaffectés au bout de quelques dizaines d’années, malgré tout il peut y avoir des exceptions dans les très grandes villes. Il y a principalement deux tendances sur ce site, des Américains qui recherchent leurs racines européennes, des Européens ou autres qui recherchent des ancêtres émigrés en Amérique et leur descendance. Pour faire les recherches, on peut compter sur la participation de milliers de bénévoles inscrits sur le site, qui vont faire l’inventaire des cimetières et prennent des photos de toutes les tombes qu’ils trouvent. On peut également contacter l’un ou l’autre pour une recherche particulière, rechercher une tombe que l’on suppose être à tel endroit, c’est le cas par exemple quand un cimetière n’est pas entièrement exploré. Des millions de noms et de tombes figurent sur le site. On peut aussi aller dans la rubrique célébrités qui recense un peu tout ce qu’il y a comme personnes connues, vedettes, politiciens, inventeurs, et j’en passe. On peut encore déposer des fleurs virtuelles sur une tombe ou l’autre. On peut mesurer la popularité d’un défunt. Pour des recherches approfondies ou collaborer, commenter, il suffit de s’inscrire et c’est gratuit.
Family Search. C’est le site des mormons qui ont pour but de recenser tous les êtres vivants qui ont un jour vécu sur notre bonne vieille Terre. C’est bien sûr incomplet, mais on peut y trouver pas mal de renseignements et avec un peu de chance vous y trouverez quelques ancêtres, une partie de ma famille y figure. C’est aussi participatif.
Je vous présente en deux articles différents, deux faits que j’ai pu vérifier par moi-même, et qui m’ont conduit à une sorte d’enquête sur la Toile. L’un concerne la presse quotidienne, l’autre consiste à faire « parler » une vidéo et il vous montrera qu’elles peuvent être très parlantes. Le premier permet de se faire une idée sur la vitesse de l’information autrefois, et aussi découvrir passablement de choses en y mettant le temps. Le voici…
On a tous un événement ou l’autre qui reste gravé dans notre mémoire, ils se gravent d’autant mieux lorsqu’ils concernent un événement tragique ou inhabituel. Il m’arrive de fouiller les archives de la presse pour en retrouver un, je veux surtout savoir ce qu’il m’en reste en mémoire par rapport à ce qui s’est réellement produit. Je recherche avant tout dans la presse locale, car ce sont des événement que j’ai vécu « en direct ».
Nous somme en février 1962 et il s’agit d’un incendie. Avec mes parents, nous nous promenions en ville quand nous avons vu une maison en feu dans une rue voisine. Il y eut un mort, ironiquement une personne qui veillait un mort. Voilà ce que je cherchais à confronter avec mes souvenirs. Mais en fouillant les archives, je suis tombé sur une ancêtre de cette personne décédée presque 70 ans auparavant. Visiblement, cette famille habitait dans la maison incendiée depuis belle lurette. La personne en question est décédée à Oakland, près de San Francisco aux USA en 1894. Elle était mariée avec un Américain. Comment se sont-ils rencontrés en Europe ? Mystère. Cependant, je penche pour un religieux, genre pasteur. Il était assez courant que des prêcheurs toutes tendances viennent prendre des ordres et des finances en Europe pour la propagande en Amérique. D’un autre côté, cela semblait assez en vogue dans la famille de la défunte, pasteur, missionnaires. L’âge du décès de la femme d’après l’avis mortuaire mentionne « dans sa 29ème année », mais ne donne pas la date du décès. Par contre un entrefilet paru dans The San Francisco Call donne une date, le 24 octobre 1894, mentionne brièvement le décès. Il précise mieux son âge, 28 ans et trois mois. ce qui fait qu’elle serait née en 1866. Toujours en fouillant, j’ai découvert qu’un fils nommé Thomas est né le 8 mars 1886. Il a eu une fille née en 1931 et décédée en 1993. Lui-même est devenu assez âgé puisqu’il est mort en 1973, ce qui fait environ 87 ans. Le point commun à tous ces décès, c’est qu’ils ont eu lieu à Oakland et les corps sont enterrés probablement dans le même cimetière, qui est aussi celui ou repose Elisabeth Short, plus connue sous le nom de Dahlia Noir.
La tombe d’Elisabeth Short, le Dahlia Noir
Abordons maintenant le point qui m’intéressait, à savoir combien de temps avait mis la nouvelle pour arriver dans la famille, d’où la publication de l’avis mortuaire dans la presse locale. Cette date est le 11 décembre 1894, il donc fallu environ 45 jours / environ 5 semaines pour que le nouvelle parvienne au destinataire. Par quelle moyen a-t-elle été transmise ? Je crois qu’un simple courrier sous forme de lettre a mis son temps pour arriver à destination, mais elle est arrivée à bon port. Il reste toutefois le cas d’une personne qui aurait voyagé et transmis oralement la nouvelle à la famille, mais cette hypothèse ne me semble pas trop envisageable, je ne la sens pas comme on dit. Possible, mais peu probable au vu des moyens de l’époque. Il y a quand même un côté pathétique dans cette histoire, faire un tel voyage pour mourir « d’une pénible maladie » jeune dans un pays où l’on est arrivé suite à une rencontre à des milliers de kilomètres de là. Et aussi d’un con qui a déterré cette histoire, parce qu’il a vu un incendie.
A quoi pouvait ressembler Oakland vers cette époque ? En fouillant dans les archives américaines des universités, c’est aussi un moyen de trouver des informations, un livre publié en 1897 apporte quelques éclaircissements. La traduction du nom de la ville signifie « pays des chênes », elle donne une idée des origines de son nom. C’est une ville en pleine expansion. En 1860 il y a 1500 habitants, 10000 en 1870, 34000 en 1880, 48000 en 1890, 66000 en 1900, 150000 en 910, 430000 aujourd’hui. Je pense que vous connaissez plus ou moins la situation de la ville, elle se trouve en regard à l’est de San Francisco, séparée par un bras de mer. Les deux villes sont reliées aujourd’hui par le Bay Bridge, un pont routier de 7 kilomètres. Le livre que j’ai consulté désigne la ville comme celle des églises, des écoles et des collèges. Jadis, on pouvait la considérer comme une ville d’immigrés à très forte densité blanche, nul doute que les résidents appartiennent à une petite bourgeoisie en devenir. Les photos que j’ai récoltées montrent qu’elle a déjà un peu l’aspect de la ville typique américaine, avec la plupart des rues alignées perpendiculairement, bâtiments plutôt en hauteur. On est loin de la ville avec rue unique, le saloon, et le bureau du shérif. Pourtant nous ne sommes pas si éloignés de cette époque héroïque. Lors du terrible tremblement de terre en 1906, la ville ne fut pas épargnée. Les photos suivantes vous donneront une idée plus précise. Elles sont toutes d’avant 1900, sauf indication contraire.
La suivante date d’un peu après 1900, prise à vol d’oiseau sûrement depuis une maison plus haute. Celle en-dessous montre le même endroit aujourd’hui.
Je vous propose un petit film, il fait quand même 12 minutes. tourné à San Francisco en 1900. En fait la date est inexacte, cela a été filmé par Mills Brothers en 1906, A Trip Down Market Street, 4 jours avant le célèbre tremblement de terre. La caméra a été posée sur un tramway tiré par une câble, un moyen de faire un travelling tout simplement. Le film est riche d’enseignements, d’abord il donne un réel aperçu de la vie dans une ville américaine début du 20ème siècle. On remarquera surtout que c’est un joyeux bordel, les véhicules déjà nombreux vous coupent la route, les piétons sont bien imprudents, les dames et les messieurs élégants. Et surtout on ne voit pas d’obèses, contrairement à aujourd’hui où presque un sur deux l’est. C’est à regarder dans les détail, vous y remarquerez sans doute quelques curiosités comme ce bonhomme que l’on aperçoit plusieurs fois (depuis le milieu du film, veste gris foncé et chapeau noir, à un moment on le voit accroché derrière une voiture et tout à la fin entrant dans la gare), qui a l’air de suivre le tramway. Dans les commentaires, on trouve un visiteur qui affirme que le jeune marchand de journaux qui court devant le tramway (vers 6’50) est son grand-père. Au même moment à droite, derrière la voiture,, le bonhomme dont je vous ai parlé ci-dessus. Le bâtiment que l’on voit au fond est la gare du ferry qui existe toujours. Pour les mélomanes, la première musique entendue est la « Gnossienne no 3 » d’ Erik Satie, un précurseur de la musique planante. Elle colle parfaitement avec film.
Hier et aujourd’hui
A suivre