En passant

Bas nylons et blues à Paris

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Paris Blues – La grande ville que je connais le mieux, c’est bien sûr Paris. Cela me change de ma campagne où j’entends les vaches meugler avec quelquefois le bruit des sabots d’un cheval qui passe dans le rue. J’entends aussi le clocher du village qui sonne les heures dans le calme de la nuit. La sonnette de la porte annonce le voisin qui vient m’apporter des légumes de son jardin, où carrément de la choucroute qu’il fabrique lui-même. Il a 90 ans, c’est un vieux copain de longue date. Par le passé, nous avons travaillé dans la même boîte, lui comme mécanicien, et moi dans la logistique. C’est assez fou quand on a habité longtemps dans un même endroit, le nombre de personnes que l’on connaît. Il est vrai que je suis d’un caractère assez liant, j’ai l’humour assez facile, et je crois que les gens m’apprécient pour cela. Le tutoiement est la règle générale, je dis tu à des presque centenaires, certains sont les parents de mes copains d’école, c’est vous dire que nous n’avons pas de barrières dans nos relations. De temps en temps, on boit un coup ensemble et l’on s’entraide assez volontiers quand c’est nécessaire.
Autant dire que quand je vais à Paris, les choses sont assez différentes. Il n’y a plus de copains, excepté ceux que j’ai dans le domaine de la musique ou artistique. On se rencontre, mais je me réserve toujours des moments où ils ne sont pas présents. C’est là que je vais flâner en solitaire dans Paris, ce qui n’empêche pas de faire une fois ou l’autre des rencontres intéressantes. Comme ce vieillard qui avait fait la guerre 14-18, ce musicien de rue qui chantait de fort belle manière des chansons du Paris populaire. Nous avons été boire un verre et nous avons parlé de tout et de rien. Il habitait dans un squat où il y avait 47 nationalités différences, et tout allait comme sur des roulettes, peace and love! Et puis le commissaire Cabrol, je l’appelle comme ça, car si ce n’était lui, c’était son frère jumeau. Je suis presque certain qu’ils ne faisaient qu’un, il avait les mêmes tics, le même regard, fumait les mêmes clopes, se faisait appeler Jacques (Debary) comme par hasard. Je ne lui ai pas posé la question, il avait peut-être choisi d’être ce soir-là un simple client de bistrot. Cela n’aurait d’ailleurs pas changé quoi que ce soit à la belle soirée que nous avons passé ensemble à refaire le monde et à boire pas mal de coups. Et cette dame très âgée mais encore très alerte, qui engagea la conversation avec moi. Elle me paya d’ailleurs un verre et tout en discutant, elle m’apprit que sa mère avait été couturière dans l’intendance de Napoléon III. Vous voyez chère madame, quarante-quatre ans plus tard, je me souviens encore de vous, je pense que là-haut vous êtes en train de sourire. Autres rencontres, pur hasards, Bashung que je croise dans la rue, José Arthur, voisin de table dans un bistrot des Champs, Philippe Bruneau, coincé dans un embouteillage, trois disparus. Il y a aussi les histoires drôles. Avec un pote nous étions dans le métro, au temps où il y avait encore première et seconde classe. On avait posé nos fesses en première classe avec les billets adéquats, pas par snobisme, mais pour éviter les grands entassements. Arrive une dame, le genre de vieille mégère qui n’a pas la lumière à tous les étages. Elle s’assied à côté et commence à nous haranguer « Quelle honte de voir ça, et en plus ça voyage en première classe! ». C’était son avis que nous n’étions pas obligés de partager, Certes, nous avions des cheveux plutôt longs et étions habillés d’une manière plutôt moderne, mais à part ça, rien de spécial. La rigolade arriva avec un contrôle de billets. Eh bien, la dame voyageait en première avec un billet de seconde et se fit coller. On s’est pas foutu de sa poire, nous et les autres qui étaient dans le compartiment et qui avaient assisté à son show. En 1988, c’était le centenaire de la Tour Eiffel. Un dimanche matin, histoire de faire une balade, je suis allé voir qu’elle air elle avait. Je ne suis pas monté, mais resté au pied vers une des caisses pour acheter les billets. Je regardais machinalement les gens qui descendaient l’escalier pour sortir. Tout à coup, je vois un mec finissant de descendre les marches en me disant qu’il ressemblait à Paul, juste après j’en vois un autre qui ressemblait à Pierre, un troisième qui ressemblait à Jean, une épidémie sans doute. En fait, c’était les pompiers du village qui étaient venus à Paris visiter les Samu. Ils avaient profité pour visiter la Tour en attendant d’aller bouffer. On ne s’était pas donné rendez-vous, mais c’est tout comme. Devinez ce que nous avons fait ? Savez-vous que Paris est minuscule ? En voici quelques preuves. Un copain, tout à fait par hasard faisait aussi le voyage à Paris, je le découvre sur le quai le matin du départ. Pendant le voyage, nous avons squatté le wagon restaurant et ensuite bye bye, nos chemins divergeaient. Pas si vite, en l’espace de quatre jours, nous nous sommes croisés trois fois, et pas au même endroit. Restaurant l’Européen en face de la gare de Lyon, je mange. A la table à côté, une demoiselle mange aussi et nous finissons par échanger quelques mots, quelques banalités. Elle est du coin et est venue ici car elle trouve que l’on mange bien, ce que je confirme. Six mois plus tard, un autre séjour, un autre endroit. Une demoiselle me regarde, je la regarde, mais oui c’est la demoiselle du bistrot. Un voyage en taxi, conversation avec le chauffeur. Il me demande d’où je viens et je cite la région que j’arrondis à la ville voisine. Il me demande si j’habite dans la ville elle-même. Alors je précise l’endroit où j’habite vraiment, genre Fouilly-les-Oies. A sa réaction, je devine qu’il connaît ce bled perdu à des centaines de kilomètres de Paris.. Je lui en demande un peu plus et il me répond: « Quand j’étais jeune, j’allais avec ma femme ramasser des champignons sur la montagne XXX ! ». Elle est en effet proche de mon village. Sa femme était la tante de l’électricien du village. Et puis Paris, c’est aussi l’occasion de faire une bonne bouffe, bien que la gastronomie française ne manque pas de plomb dans l’aile. Dans un hôtel où j’étais descendu, il y avait un restaurant pas mal du tout. Une des spécialités proposées était les oeufs aux truffes, une recette mise au point, parait-il, par Bocuse lui-même. En bien, c’était excellent, nettement mieux que des oeufs au jambon, j’en ai mangé à trois reprises. Mais sans aller dans la gastronomie, il y a plein de ces petits restaurants, en général tenus pas des Arabes, qui ne paient pas de mine. L’accueil y est chaleureux et les prix très bas, et puis pour peu que l’on y revienne, on vous offre le café ou un dessert. Je me suis rempli la panse sans jamais dépenser plus de 10 euros, boissons comprises, et sans manger de la m…!
Mais l’atout majeur de Paris reste les flâneries sans but précis, éviter les endroits touristiques, parcourir les petites rues sombres, contempler les vieilles maison à l’aspect un peu sordide. Imaginer tout ce qu’il a pu se passer à l’intérieur, entre les rires et les larmes. Bien des noms rappellent un moment de l’histoire, avec un peu d’imagination, vous verrez des fantômes, des ombres, vous entendrez le bruit des pas, même si la rue est déserte. Partons faire un de ces voyages à travers de vieilles photos, vous comprendrez sans doute ce que j’ai voulu dire. Des moulins à Montmartre? Mais oui c’est possible et ce n’est pas le Moulin Rouge, il y en a eu d’autres.
Voici une première série de photos du Paris historique prises dans la seconde moitié du 19ème siècle. Elles sont dans la taille originale. Vous pouvez cliquer pour une meilleure vue et la descriptif rattaché à l’image.

Source Gallica, BNF, DP.