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La fameux film de Tod Browning « Freaks » (La Monstrueuse Parade – 1932) dont j’ai déjà parlé dans un poste, faisait en partie appel à des acteurs que l’on qualifiait de monstres ou du moins des personnes avec des particularités physiques ou difformités assez peu courantes. Le plus grand mérite de Browning est d’avoir humanisé ces acteurs et de leur faire jouer un rôle dans son film tout en faisant confiance en leur talent. D’après ce que l’on sait, le tournage entre les acteurs normaux et les autres n’a pratiquement posé aucun problème, tout le monde a formé une équipe soudée. On peut imager que Browning, en recrutant son personnel, à prévenu tout le monde sur ce qui les attendait. Pour une part, cela a permis à ces acteurs un peu spéciaux de s’assurer quelques revenus après le tournage. Le film est quand même une belle référence dans l’histoire du cinéma et par rebond dans la filmographie d’un interprète, même s’il fut assez descendu en flèche à sa sortie. Néanmoins, il provoqua quand même une vague non négligeable vers une prise de conscience certaine pour les défavorisés . Nous allons nous intéresser d’un peu plus près à ces « monstres », ce qu’ils devinrent par la suite, et qui ne furent pas moins que des précurseurs de la défense d’une cause humainement intéressante.
Harry Earles (1902-1985) – Daisy Earles (1907-1980)
Parmi les « monstres », il est celui qui a le rôle de vedette, même si les acteurs normaux sont de loin plus connus pour certains. L’intrigue tourne autour de sa personnalité et de ce qu’il fait. Il n’a pas de particularité physique rebutante, il est juste lilliputien, il mesure à peine un mètre. Il est Allemand, né en 1900 dans une famille de 7 enfants dont quatre sont atteints de la même maladie, le nanisme. A la différence des nains, les lilliputiens ont un corps parfaitement proportionné de la tête aux pieds. Sa soeur Daisy tourne également dans le film, elle est sa fiancée dans l’histoire. En fait, dans « Feaks » il n’en est pas à sa première apparition au ciné, il a déjà tourné avec Browning en 1925 dans « Le Club des trois » évidemment film muet. La complicité entre les deux est réelle, car c’est Earles qui fit connaître à Browning la nouvelle qui inspira son célèbre film. Avec ses trois soeurs et lui-même, ils devinrent assez célèbres en se produisant dans les films sous le nom de « La Maison des Poupées » et apparurent ensemble ou séparément dans des films célèbres comme « Le Magicien d’Oz » ou encore « Sous Le Plus Grand Chapiteau Du Monde ». Ils étaient aussi capables de chanter et danser. Au milieu des années 1950, ayant gagné passablement d’argent, ils se retirèrent en se firent construire une maison avec du mobilier en rapport avec leur taille. Ils moururent à des âges avancés entre 70 et 90 ans.
Daisy et Violet Hilton (1908-1969)
Pas de disgrâce physique, même plutôt jolies, pour les soeurs Hilton, si ce n’est qu’elles sont siamoises et attachées par le dos. Elles ne partagent pas d’organes vitaux. Elles naissent à Brighton en Angleterre en 1908. Leur mère étant célibataire, elles sont sont adoptées par la patronne de cette dernière. Elle leur apprend à chanter à danser, à jouer d’un instrument dès leur plus jeune âge et les produit ensuite à travers l’Europe et aux USA. En vérité, même si elles connaissent un franc succès, elles sont exploitées et reçoivent peu d’argent. A la mort de leur « protectrice », sa fille et son mari continuent de les exhiber et elles deviennent encore plus célèbres. Grâce à un avocat, elles parviennent à s’émanciper et peuvent profiter entièrement de l’argent qu’elles gagnent. Malheureusement leur âge d’or est un peu passé, le cinéma supplantant les spectacles de music-hall. Tant bien que mal, elles survécurent et tentèrent de tourner un film basé sur leur vie qui fut un échec. Elles se marièrent, un peu pour la gloriole avec des homosexuels, mariages qui furent assez éphémères. Elles passèrent leurs dernières années en travaillant dans un magasin à Charlotte en Caroline du Nord. Elles furent trouvées mortes à leur domicile en 1969, victimes de la grippe. Selon les conclusions du légiste, Violet serait morte deux jours après Daisy. On peut imaginer le dramatique de cette situation. Elles ne sont toutefois pas retombées complètement dans l’oubli, une comédie musicale s’inspire de leur histoire, ainsi que divers spectacles. La ville de Brighton possède un bus des transports publics baptisé en leur honneur et une plaque commémorative sera apposée sur leur maison natale.
Roscoe Ates (1895 -1962)
Il n’est pas véritablement un des monstres du film où il joue le mari d’une des soeurs Hilton. Affublé d’un bégaiement tenace durant son enfance mais qu’il arrivera à maîtriser ensuite. Il le reprend ici pour donner un aspect comique dans le film comme cette réplique qu’il adresse en une longue tirade à la Hilton qui n’est pas sa femme : « C’est toi qui boit et c’est ma femme qui la gueule de bois! ». Entre le cinéma et la télévision, il fait de très nombreuses apparitions.
Johnny Eck (1911-1991)
C’est l’homme sans jambes du film qui se déplace avec les mains. En fait, il possédait des jambes, mais incomplètes et atrophiées. Sa capacité mentale n’est pas atteinte. Il avait un frère jumeau normalement constitué qui lui servira un peu de protecteur. Il ne manqua jamais de s’illustrer dans divers domaines comme la peinture, la sculpture, et fut même un musicien accompli et dirigea un orchestre. Il poussa même son envie de vivre comme les autres en se faisant construire une voiture de course. Même si son corps est diminué, son visage fait de lui presque un séducteur, chose dont il ne semblait pas se priver tous en ayant une forte dose d’humour. Comme on peut le penser, c’est surtout à travers le spectacle du cirque et de cabaret qu’il gagna, même assez largement sa vie. Bien sûr, son apparition dans le film de Browning lui donne cette petite touche d’immortalité. Il apparût dans trois films de Tarzan des années 1930.
Frances Belle O’Connor (1914-1982)
C’est la femme sans bras. Même si elle n’en possède pas, avec l’aide de ses pieds, elle mange, boit, fume et pratique même le tricot et la couture, ceci de manière très gracieuse. Artiste de cabaret, son apparition dans « Freaks » est probablement la seule qu’elle fit à l’cran. Elle mourut en Californie assez anonymement.
Schlitzie (1901-1971)
De tous les acteurs qui paraissent dans le film, c’est un de ceux qui parait le plus comme étant un monstre. et ne mesurant que 1,22 m. Difforme physiquement, surtout une tête assez disproportionnée, habillé en robe, bien qu’il s’agisse d’une personne du sexe mâle, vraisemblablement né Simon Metz. On lui prêtait un âge mental de trois ans, mais il était capable de faire des choses qui correspondaient à son âge mental. Il avait la réputation d’être très sociable, adorait imiter, chanter, et danser. De tous les acteurs du film, il est encore aujourd’hui, celui qui a le plus quelque chose qui ressemble à une sorte de culte. Personnage de fête foraine et de cirque, il rencontre un réel succès, tout en apparaissant dans quelques autres films. Adopté par un dresseur de chimpanzés qui devint son protecteur légal, il se retrouva dans un asile psychiatrique à la mort de celui-ci en 1965. Il fut récupéra par un ancien compagnon de route qui le remit dans le circuit du spectacle jusqu’é sa mort en 1971. Dans les année 1990, d’anciens fans font une collecte pour mettre une pierre tombale à l’endroit où il est enterré. La série « American Horror Story » lui rend hommage en recréant un personnage semblable.
Elvira Snow (1901-1976) & & Jenny Lee Snow (1912-1934)
Dans le film, elle jouent un rôle de soeurs jumelles, mais ne le sont pas réellement. Elles sont bien soeurs, mais avec plus de 10 ans de différence. Elles sont atteintes de microcéphalie, une maladie qui empêche le corps et surtout la tête de se développer normalement. Les facultés intellectuelles sont souvent limitées, mais ce n’est pas toujours le cas, L’espérance de vie peut aussi être raccourcie. Pour les soeurs Snow, on pourrait dire que c’est le cas une fois sur deux, car l’ainée mourut à 75 ans tandis que sa cadette dépassa à peine les 20 ans. Elles furent assez célèbres en se produisant en spectacle, et vers 1930 gagnaient 75 dollars la semaine, une somme presque énorme pour l’époque.
Josephine Joseph (1891-1966)
La personne qui apparaît sous ce nom dans le film a toujours entretenu un certain mystère sur la réalité de sa personne, elle serait une hermaphrodite. Ce qui est sûr, c’est que son visage était la moitié de celui d’un homme et l’autre moitié celui d’une femme, chose qu’elle entretenait avec soin en ajustant ses profils de manière adéquate. Le reste de son corps visible semblait correspondre à cette particularité, des bras et des jambes anatomiquement différents, mais son sexe réel serait entièrement féminin. Elle est née en Autriche et se maria avec son manager américain, ce qui semble indiquer son sexe féminin prépondérant, du moins sur son passeport. Elle travaillait des les cirques exploitant sa particularité physique. Il semble que son unique apparition au cinéma réside dans ce film.
Minnie Woolsey (1880-1960)
Elle souffre d’une maladie qui allie un trouble du squelette et une tête mince qui la fait ressembler à un oiseau vu de profil, d’où on tira son surnom de fille oiseau. Chauve, ayant aussi une assez mauvaise vue. Toutefois, elle avait des facultés intellectuelles normales. Elle mourut à 80 ans, probablement renversée par une voiture, alors qu’elle se produisait encore dans les shows. Elle le fit pratiquement sans interruption tout au long de sa vie.
Prince Randian (1871-1934)
C’est l’homme tronc que l’on voit dans le film allumer tout seul sa cigarette. Il était aussi capable de se déplacer en rampant, monter ou descendre des marches, tout cela sans bras, ni jambes. Originaire probablement de la Guyane, il était marié à une Indienne et eut cinq enfants. Il parlait couramment quatre langues dont le français. Il mourut d’une crise cardiaque.
Angelo Rossito (1908-1991)
Un autre lilliputien du film. De tous ceux qui figurent dans Freaks, à part les vedettes, il est celui qui a eu une très longue carrière au cinéma. Il tourna dans plis de soixante films et de nombreuses séries télévisées, plus d’une vingtaine. On peut le voir dans Mad Max, Le Fugitif, Beretta, l’Incroyable Hulk, Kung Fu.
Olga Roederick (1871-1945)
C’est la femme à barbe qui dans le film donne naissance à une fille qui a une barbe comme maman, Jene Barnell de son vrai nom, il semble que c’est sa seule apparition à l’écran. Elle se produisit dans toutes les attarctions possible et imaginales. Elle fut mariée quatre fois, dont la première fois à 14 ans selon ses dires. Elle eut deux enfants de son premier mariage qui moururent prématurément.
Bonjour Mr Boss,
Ces photos m’inspirent plutôt un certaine tristesse . Je me demande comment ces personnes « atypiques » ont pu mener une existence sereine. Certes ils ont formé une communauté mais au delà ?
Les « accidents » de Dame Nature ont souvent suscité de tous temps la moquerie, ou au mieux la curiosité parmi les contemporains. Et des esprits intéressés se sont empressés d’exploiter ce filon inattendu (si j’ose m’exprimer ainsi). Et les exemples ne manquent pas. Hélas !!!!
Il y a aussi les cas d’enfants, capturés inopinément au cours de chasses ou d’explorations, qui furent élevés par des animaux, le plus souvent des mammifères, ours ou loups et autres bêtes, qui leurs offrirent bien malgré eux, une protection au sein de leurs groupes.
La littérature a repris ce thème au travers de deux « héros ». Le premier, l’écrivain britannique Rudyard Kipling, bien connu pour son roman « Le livre de la Jungle » raconte l’histoire de Mowgli, un jeune garçon élevé par les animaux de la jungle.
Le second, Edgar Rice Burroughs, imagine l’enfance d’un jeune enfant, orphelin d’une riche famille anglaise, les Greystoke, qui survit parmi la communauté des singes d’Afrique qui le recueille.
En Europe, au Moyen-Age, les exemples n’ont certainement pas manqué, d’autant que famines et guerres ont décimé les populations.
Dans un autre domaine, la science s’est penchée sur les cas de créatures aperçues par les habitants localement. C’est une discipline souvent critiquée par les « cartésiens ». Un savant d’origine belge, le Dr Heuvelmans, a crée ainsi la « Cryptozoologie », qui recense et étudie les animaux déclarés « inclassables » ou « improbables » du point de vue de la science officielle. Ainsi, en 1977, un auteur, Peter Costello, avait écrit un livre intitulé » le monstre du Loch Ness et autre bêtes mystérieuses » qui revenait sur l’existence non officielle d’animaux « cachés » sur la planète. Parmi lesquels le fameux « Bigfoot » en Amérique du Nord ou le « Yéti » de l’Himalaya. Souvent, la rumeur les qualifiait d' »impostures », avec des comédiens déguisés pour une opération commerciale !!!
Bref, notre belle Planète Bleue nous réserve encore bien des surprises.
Bon WE pascal. Peter.
Re-bonsoir Mr Boss,
En réfléchissant sur votre article, je repense au film avec Burt Lancaster dans le rôle-titre : « L’Ile du Docteur Moreau » que j’ai vu à la TV fin années 1970/début années 1980. Le scénario est tiré d’un roman de Wells où il est question d’expériences « génétiques » menées par le Dr Moreau pour créer des êtres hybrides alliant force animale et intelligence humaine. Mais, au final, le créateur périt de la main de ses créatures. Vous l’avez certainement vu, je pense ou lu le livre de ce maitre de la Science-fiction… « plausible ».
Bon WE. Peter.
Hello Peter,
Oui en effet j’ai vu le film, il y a longtemps, mais dans a version 1932 avec Charles Laughton.et un certain Bela Lugosi, c’est le genre de cinéma que j’adorais quand j’étais plus jeune. On rejoint un peu les créatures monstrueuses à la Frankenstein. Je me suis toujours intéressé aux gens différents par un de ces vilains caprices de la nature. Difficiles de se mettre é leur place, mais ils sembleraient qu’ils vivent une vie à peu près normale, excepté les moqueries qu’il peuvent parfois susciter. Ils s’attirent même une certaine curiosité tout à fait dénue d’animosité.
J’en connais un personnellement, c’est un bonhomme d’une capacité intellectuelle normale, mais dont le corps est plutôt difforme et le visage franchement laid. J’ai des relations tout à fait normales avec lui. Depuis le temps que je le connais, quand je parle avec lui, je ne vois même plus son état réel, pour moi c’est un copain avec qui je peux aller boire un verre et discuter de tout. Lui-même n’est pas en reste quand il faut faire de l’humour, même par rapport à sa personne. Il s’est bâti une philosophie que bien des personnes qui se plaignent de trois fois rien peuvent lui envier.
Dans la parenté éloignée du côté ma femme, il y a aussi une de ces personnes. Je ne veux pas m’étendre sur le sujet, mais je peux vous dire qu’elle sait très bien exploiter son état. Elle a plus d’argent que vous et moi, malgré son handicap. Evidemment elle doit renoncer à mener une vie normale, mais cela n’a pas l’air de la gêner beaucoup. Elle pète le feu !.
A quelque part, je pense qu’il en va comme de toutes les catégories de personnes, normales ou non, certaines arrivent très bien à de hisser à un niveau supérieur, d’autres non.
Bon week-end pascal
Hello Peter!
Et ben ça y est, je t’ai trouvé! Pas facile dans cet aréopage de femmes délicieuses en porte jarretelles et bas nylon…
Dans le genre que tu évoques , je pense au film très pédagogique de F. Truffaut
» l’Enfant sauvage »
Amicalement
Ramina
Hello Ramina,
Ca fait plaisir de te voir ici.
Eh oui, le Boss sait s’entourer de charmantes demoiselles quelque peu… dénudées ! Rires. « Peter Pan fait son cinéma » : excellent jeu de mots, non ?
Et donc voilà ,comme tu le vois, ma seconde passion après les arts graphique à la sauce Peter.
Très juste. l’excellent film de Truffaut, « Victor, l’enfant sauvage » fut tourné en 1970. François Tuffaut y joue le docteur Itard, qui recueillit en 1800 cet enfant retrouvé dans une forêt de l’Aveyron et qui s’attacha à lui donner des rudiments d’éducation, avec l’aide de Madame Guérin, sa gouvernante. Ce médecin travailla à Paris dans un institut pour enfants malentendants et il consigna cette expérience pédagogique dans un mémoire. Ce jeune garçon semblait avoir vécu seul dans cette forêt sans contact avec les hommes. Enfant naturel abandonné ou fugitif ? Nul ne le sut. Ce film en NetB a été diffusé vers fin années 1970/début années 1980. C’est l’un des seuls que je connaisse qui traite des enfants recueillis après une existence en pleine nature.
Amicalement. Peter Pan
salut Peter
Oh yes, sory, amigo.
je me suis un peu impatienté au sujet de la mise en ligne de mon commentaire … Il y a un temps normal de latence … je devrais y être habitué.
Je me souviens de ce film de Truffaut que j’étais allé voir au cinéma à Rennes où j’habitais à l’époque. J’étais adhérent d’un ciné club qui s’appelait » La Chambre noire ».
Ce sîte est très complet et énormément documenté.
Amusant d’y trouver une référence à cette revue sulfureuse de l’époque, « Paris Hollywood » qu’on achetait un peu gêné, sous le manteau, car il était interdit à l’affichage. On posait sa pièce sur la tablette et on filait illico, presto, rapido, le rouge au front,
la revue roulée dans la poche, sans oser regarder la marchande de journaux du kiosque. Curieuses mise pages de photos sépia de dames en porte jarretelles et bas nylon, (à couture SVP!) au sexe flouté …
Quelle émoi, « et moi, et moi! » comme disait Dutronc !
Amicalement
Ramina
Hello Ramina,
Les émois sur papier glacé !!! Quelle époque !!
En effet, qui n’a pas affronté un jour le regard indifférent ou ironique de la patronne du bureau de tabac ? Monsieur nous arbore un sourire complice mais Madame nous ferait presque « les gros yeux » !!! J’ai vécu cet instant aussi.
Il y a une bonne quinzaine d’années, on trouvait en kiosque le magazine « Legs Show » qui présentait de belles sirènes en bas nylons. Mais il a disparu , je crois.
Dommage…
Bon WE. Peter.