En passant

Bas nylons et une sexagénaire

Cette année, quelques nostalgiques fêteront les 60 ans de Fantômette, une héroïne particulière qui traverse assez bien les ans, Retour sur un phénomène de la littérature adolescente d’il y a quelques années, qui est toujours édité.

Le premier est paru en 1961 « Les exploits de Fantômette », tout un programme. Dans les aventures destinées à la jeunesse, elle prit assez vite un rôle prépondérant et devint une héroïne connue de pas mal de lecteurs.
L’homme qui est derrière tout cela est Georges Chaulet. Né en 1931, décédé en 2012, il tâtonne avant de trouver le filon idéal. Refusé un premier temps par Hachette, il trouve chez Casterman la possibilité de publier « Les 4 As ». D’abord sous forme d’histoires complètes, ensuite en BD, il y en aura une quarantaine pour lesquelles il écrit le scénario. En 1960, Hachette via la Bibliothèque Rose, l’accepte enfin et l’année suivante, il débute avec sa fameuse Fantômette qui connaîtra une cinquantaine d’aventures étalées sur plus de 40 ans et un immense succès, 15 millions de livres vendus.
L’univers de Chaulet est particulier. Il est sans doute le premier a introduire un humour qui confine à une certaine absurdité dans les histoires et aussi à poser une jeune fille en héroïne surdouée. Les noms des personnages, toujours très typés, sont souvent en rapport avec leur personnalité ou leur métier. Ainsi un garagiste doit pratiquement s’appeler Boulon, un libraire Plume ou un charcutier Rillette. Le commissaire Maigrelet, allusion à qui vous savez, se remarque plus par les nuages de fumée de sa pipe que par son flair pour résoudre les énigmes. Les noms de lieux n’y échappent pas ou alors sont bien torchés, Mouchons-les-Chandelles, Fouilly, l’Anse de Tasz, Kardebeur, qui sonnent bien bretons pour une aventure dans le pays. Les aventures se déroulent plus spécialement dans la ville imaginaire de Framboisy. dont les framboises figurent sur les armoiries de la ville, comme il est dit dans une histoire. Fantômette fait tout de suite penser à fantôme, c’est bel et bien sa manière d’apparaître et de disparaître au cours de ses enquêtes. Mais le plus étonnant reste le personnage créé, habillé dans une sorte de costume à la Superman, masqué, déluré, et surtout chargé de bons sens et d’humour, et même parfois un peu irrévérencieuse avec les méchants. C’est d’ailleurs l’illustratrice de la première aventure, qui affina le style du costume de l’aventurière. L’auteur, lui, se contentant de poser une base à son apparence.
Il y a trois personnages principaux dans les aventures, toutes des filles. Françoise, l’écolière studieuse et douée, qui est en réalité Fantômette. Ficelle, une longue perche qui est tout le contraire de Françoise, écervelée, volubile, sans suite dans les idées, toujours prête à expérimenter un truc de son invention qui foire de suite. Boulotte, elle, ne pense qu’à manger et ne vit que pour tester une nouvelle recette culinaire. Parle moins que Ficelle, car elle a toujours la bouche pleine. Bien sûr les deux dernières ne font jamais la relation avec le double personnage de Françoise, elle sont bien trop bêtes pour cela. Il y a aussi quelques personnages qui apparaissent assez fréquemment. Le Furet, bandit rusé et méchant, ennemi juré de Fantômette. Ses acolytes, Bulldozer, tout en force, Alpaga, toujours tiré à quatre épingles. Autant le chef est malin, autant ils sont idiots. Cela n’empêchera pas Fantômette de les ramener en prison, lieu d’où il s’évadent régulièrement. Mlle Bigoudi est l’institutrice de la classe qu’elles fréquentent. Demoiselle, faisant penser à la vieille fille, elle fait pleuvoir les punitions sur Ficelle, mais est toujours ravie de l’érudition de Françoise. Oeil de Lynx, reporter au journal France-Flash. Il se déplace toujours avec une deux-chevaux en fin de vie, sauve plusieurs fois Fantômette ou vice-versa. C’est le type même du paparazzi, culotté, persévérant. Il partagera de nombreuses aventures avec l’héroïne.
Voilà pour le décor. Ce qu’il m’en reste aujourd’hui, eh bien de fameux souvenirs. S’il m’arrive de les relire, je m’en tiens surtout à la période des années 60, sans doute la meilleure. Je considère bien volontiers l’auteur comme un personnage érudit et cultivé. L’humour fait aussi partie de ses écrits et on en apprécie encore plus la subtilité avec un regard adulte. La vie telle qu’il l’a décrite dans les premiers volumes reflète très bien l’ambiance et la légèreté des années 60. La jeunesse d’alors avait d’autres repères que celle d’aujourd’hui. On retrouve tout cela dans les histoires. Les intrigues sont inégales, évoluent au fil du temps pour être plus en phase avec le modernisme qui avance à grands pas. Si je devais en citer une parmi la série, je dirais « Fantômette contre le géant », une belle enquête dans un endroit charmant, un vieux clos retapé par le nouveau propriétaire. Une énigme dans laquelle un géant doit apparaître pour que l’on trouve un trésor et bien sûr Fantômette qui démêlera le tout.
L’histoire évolue au fil des ans, dans la première histoire « Les Exploits de Fantômette », nous sommes encore loin des ordinateurs, on écrit encore avec une plume ou un stylo, on écoute de la musique sur un tourne-disques, la télévision est en noir et blanc. Dans les dernières aventures, on retrouve évidemment Fantômette avec un téléphone portable qui reçoit des mails. Il est clair que les énigmes des premières aventures seraient assez vite résolues avec les moyens d’aujourd’hui. Mais bon, si Napoléon avait eu des ordinateurs à Waterloo, il aurait peut-être gagné la bataille.
Par rapport au Club des Cinq et autres, l’univers de Chaulet est beaucoup plus décontracté, plus impertinent. Ses écrits servent beaucoup moins à faire des ses lecteurs des jeunes bien comme il faut. Le but principal était de les distraire et accessoirement de les faire rire et de leur dire que la vie c’est pas toujours à prendre trop au sérieux. Bien sûr, tout le poids de ces affirmations doivent être transposées 60 ans en arrière. Georges Chaulet, féministe avant l’heure, reste comme le premier auteur un peu révolutionnaire apparu dans la Bibliothèque Rose.

Evolution des couverture au fil des ans.
Georges Chaulet et avis sur Fantômette