Découvrons une autre de ces femmes qui papillonna autour de Louis XIV, une histoire que je revisite un peu à ma manière, mais les faits historiques sont exacts, quoique l’histoire il faut parfois la lire un peu entre les lignes.

Louis XIV avait misé sur la femme de son fils ainé, Anne-Marie de Bavière, pour un peu requinquer la cour royale. Il fut déçu et le destin s’acharna sur elle avant qu’elle puisse accéder au trône. Malgré tout, il lui aurait fallu patienter encore 25 ans face à son increvable beau-père, et pour autant que son mari l’accompagne jusque-là.
Un des soucis du roi était bien entendu sa succession. Sa belle-fille morte, son fils est toujours bien vivant et peut encore se remarier. Il est le seul descendant en droite ligne encore vivant et issu de son mariage avec la reine. Pourtant il choisit d’épouser secrètement Françoise Émilie de Joly de Choin en 1695, qui ne peut alors prétendre au titre de reine. D’ailleurs personne ne la voyait sur le trône. Louis XIV ne se fait quand même pas trop de bile, il est en pleine forme et il a un peu plus de 50 ans en 1690. Au pire et dans l’urgence, il pourrait par un décret rendre éligible un des enfants qu’il a eu avec l’une de ses maîtresses. Il le fera, mais seulement un peu avant sa mort. Il doit sans doute envisager que ce qu’il ne peut avoir avec son fils, il peut l’avoir avec son petit-fils. Côté mâle et en tête d’affiche il y a Louis de France, duc de Bourgogne né en 1682 qui peut faire un parti très présentable. Reste à lui trouver une femme digne de son rang. Comme c’est l’habitude, on épluche les petites annonces matrimoniales royales, autrement dit les partis possibles. La raison d’état tient toujours une place prépondérante dans le choix, on cherche à ratisser le plus large possible. L’éventail est assez large, mais le marché est conclu dès que deux parties pensent avoir fait la bonne affaire, le mariage en est en quelque sorte la garantie.il faut quand même et toujours se méfier des belles promesses et des scènes de ménage.
Dans le cas présent, on ne va pas chercher trop loin tant au niveau géographique que familial. Le choix se porte sur Marie-Adélaïde de Savoie, dont la mère est la fille de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, née de son mariage avec Henriette d’Angleterre sa première épouse. Ce n’est pas vraiment une aventurière venue des antipodes. Elle est née en 1685. Le choix plait assez au grand-père, car s’il pense descendance, il pense aussi en politicien et pour des raisons trop longues à expliquer ici, le mariage lui assure une certaine pérennité sur la plan européen entre amis et ennemis. De plus, la maison de Savoie est résolument francophone, de coeur et de moeurs, on a même plus ou moins imposé le français comme langue officielle spécialement au niveau administratif. Il faut aussi avoir en mémoire que la Savoie d’alors est assez différente de celle d’aujourd’hui, elle s’étend jusqu’à la mer vers Nice, la ville de Turin en fait partie, donc ce n’est pas juste dix maisons et une église.

Le mariage étant décidé, on tombe immédiatement dans un certain folklore propre à la situation des futurs époux. Ils sont jeunes, même très jeunes. En fixant la date du mariage le 7 décembre 1697, on obtient 15 ans pour lui et 12 ans pour elle. Cette date n’est pas un hasard, mais encore une fantaisie toute royale. Aucun des rois de France ne vous dira le contraire, il est placé là par Dieu et personne d’autre. Mais une des lois de la toute puissante église interdit à n’importe quelle fille, qu’elle soit noble ou pas, de se marier avant l’âge de 12 ans. Marie-Adélaïde étant née le 6 décembre 1685, donc le 7 décembre 1687 elle aura pleinement 12 ans, le tour est joué et le mariage a lieu.
Mais avant de passer à la nuit de noces, digne d’un scénario hollywoodien, voyons de plus près cette mariée.
Parmi les futures reines qui ne régneront pas, c’est sans doute une des plus intéressantes, une vraie meneuse de revue royale. Certains historiens la qualifient d’enfant prodigue, c’est sans doute un poil exagéré, mais il est incontestable que pour son âge elle n’a pas les deux pieds dans le même sabot. Le premier contact avec le Roi Soleil allé à sa rencontre, un mois avant la mariage, se passe tellement bien qu’il en a la perruque de travers et en oublie le protocole. Il est subjugué par ce qui est pour lui une gamine, qui saute comme un cabri : « Youpi je vais être reine ! », qui rayonne de joie de vivre, qui a juste la bonne dose de déférence envers lui sans flagornerie, ni être intimidée. Il est rapidement conquis et il éprouvera pour elle ce qui ressemble à une sorte d’amour filial élargi, il lui permettra bien des choses qu’il n’a jamais tolérées chez ses enfants, par exemple prendre en compte leur avis pour une décision ne relevant que du pouvoir royal. Sûr que quand il est remonté dans son carrosse, si elle lui avait mis un coussin péteur sur son siège, il l’aurait raconté à toute la cour en rigolant.

Sans être une beauté fatale, elle a un physique avantageux, mais là encore on peut se fier au jugement de Louis XIV, sorte d’expert en la matière. Lors de la première rencontre, qui sert en quelque sorte de test, il ne lui trouve pratiquement que des avantages, un bémol toutefois, elle a des dents très mal alignées. Il remarque qu’elle est plutôt petite, mais elle n’a que 12 ans, elle fait mal la révérence. Il conclut qu’il serait fâché qu’elle fut plus belle. En regardant les portraits, elle semble avoir un corps assez canon, une taille de guêpe assurément, et pour le visage gardons-nous de juger la beauté des femmes de jadis avec les critères d’aujourd’hui. Son futur mari qui était aussi présent ne s’étala pas sur le sujet, au sens figuré, mais il semble en avoir été plus que conquis. Imaginez l’effet, si vous commandiez aujourd’hui votre mari ou votre femme chez Amazon, quelle angoisse au moment où le livreur de DHL somme à votre porte. quel soulagement si la livraison est à votre goût. On peut épiloguer pendant longtemps sur le réciprocité des sentiments dans les souples coyaux, mais dans le cas présent, avec les réserves d’usage, ce fut plutôt une réussite.
Il reste un gros mois avant la date du mariage, on peut alors l’initier aux usages de la cour. C’est madame de Maintenon qui en aura la tâche. Si le roi fut conquis, elle le fut presque autant. Une assez belle complicité s’installera entre elles, complicité qui durera tout au long de son parcours. L’épouse du roi devra néanmoins mettre quelque peu un couvercle sur le bénitier de sa grenouille. Par contre, elle y gagnera un peu une seconde jeunesse, comme son mari. Pour permettre une certaine familiarité, la femme du roi se fait appeler « ma Tante » ce qui est assez contraires aux usages, mais avec cette future reine sur papier, pas mal de choses vont prendre une nouvelle tournure. On peut déjà deviner que la princesse a surtout reçu une éducation qui l’aide à s’imposer, plutôt que de se complaire dans les traditions propres à la noblesse. C’est un peu une révolutionnaire dans son genre. La Palatine qui le regarde d’un plus mauvais oeil, elle reculera d’un rang dans l’ordre de préséance de la cour, la qualifie de « gamine mal élevée ».
Le mariage a bien lieu à la date prévue, mais c’est une pièce de théâtre sans Molière où les époux font de la figuration. Dans la chambre nuptiale où il y a un peu moins de monde qu’au carnaval de Nice, on passe une chemise à la mariée, tandis que dans la chambre voisine on fait de même avec la marié. Il rejoint alors sa femme dans le lit tandis que la foule évacue la chambre sauf quelques personnes. Petite causerie d’un quart d’heure, sans doute on espère qu’il fera beau la semaine prochaine. Coup de sifflet de l’arbitre et tout le monde regagne ses appartements, les mariés y compris. Il faillit y avoir un scandale car le marié osa embrasser sa femme, chose permise par son père, mais réprouvée par le roi qui a sans doute eu un trou de mémoire momentané à propos de sa jeunesse. Mais auparavant on avait quand même, à défaut d’un feu d’artifesse, tiré un feu d’artifice et passé à table où l’on probablement mangé autre chose que des saucisses grillées. Pour les curieux signalons toute de même que le mariage fut consommé deux ans après, fin 1699. On imagine les tourments du jeune mari, qui n’avait le droit de voir sa femme qu’épisodiquement, et toujours en compagnie. Que la vie du futur roi est compliquée quand il faut s’exprimer seulement avec des révérences. Il a sans doute patienté en provoquant quelques « cartes de France », savoureuse expression employée jadis pour désigner une éjaculation. J’imagine que le terme a été inventé par quelque noble qui s’intéressait à la topographie.
Suite des aventures dans un prochain chapitre.
Source gallica.bnf.fr / BnF / DP / Wikipédia. 3/15
Bonsoir Mr Boss,
La Savoie fait partie, comme l’Alsace, de ces provinces, ou plus justement « pays », qui ont souvent été ballottés par l’Histoire, Tour à tour occupés, pillés, reconquis au gré des alliances politiques.
La Savoie est la dernière province francophone, rattachée à la France après le référendum d’avril 1860, sous Napoléon III. L’Italie avait promis ce « cadeau » territorial à la France comme prix de sa neutralité militaire dans le conflit qui opposa les patriotes transalpins aux Autrichiens. Le comté de Nice, berceau de Verdi et Garibaldi , tomba également dans l’escarcelle impériale. Le drapeau d’origine de la Savoie comporte une croix blanche sur fond écarlate comme le drapeau helvétique. Y a t-il un lien politique originel avec la Suisse actuelle ?
Peux-tu m’en dire plus ?
Bon WE. Peter.
Hello Peter,
Le drapeau suisse à croix blanche dans un carré n’existe officiellement que depuis 1889 et est reconnu comme tel à l’intérieur du pays, mais prend souvent une forme rectangulaire sur le plan international, car c’est le seul pays qui a un drapeau carré. A l’intérieur du pays, il s’affiche toujours en carré.
Mais l’histoire de cette croix blanche sur fond rouge remonte très loin, on en retrouve des traces avant le moyen-âge. Mais il faut se rappeler que la fondation de la Suisse remonte à 1291, avec au départ trois cantons à peu près situés au centre géographique de la Suisse, donc dans la partie germanique. Au fil du temps vinrent s’ajouter d’autres cantons jusqu’en 1815 état actuel, parmi lesquels ceux qui ont une frontière terrestre avec la Savoie, Valais, Genève. Le drapeau à croix blanche semble avoir été utilisé depuis le XIV siècle en signe de ralliement.
Celui de la Savoie semble remonter au XII siècle d’après les sources plus ou moins sûres. Il n’y a donc probablement aucun lien entre les deux.
Bon dimanche