Kir…ie Eleison
Le bonne société a aussi ses travers, certains aiment picoler, d’autres sont infidèles, ou encore snobs ou orgueilleux, à chacun sa spécialité. Le désavantage pour eux, c’est que cela se remarque plus facilement et qu’on ne se gêne pas pour les commentaires. Il arrive même que l’histoire serve de relais pour les retourner dans leur tombe. Heureusement, il arrive aussi que ces travers servent de tremplin à un bon mot et nous allons en explorer quelques uns.
Felix Kir (1876 – 1968) fut un de ces ecclésiastiques, un chanoine, qui à l’instar de l’abbé Pierre, se tailla un nom dans l’histoire. Il est connu pour ses faits de résistance, avoir été élu député-maire de Dijon. Mais on retient surtout son nom qui a le mérite d’être prononcé tous les jours dans les bistrots quand on commande un blanc-cassis, un kir. Il n’est sans doute pas l’inventeur du breuvage, mais il fit tant pour le populariser qu’on lui donna son nom. Il avait aussi la réputation d’être le meilleur adepte de son apéritif. Personnage truculent, il avait la répartie facile et ne s’en laissait pas compter.
A un député communiste qui lui reprochait sa foi et qui le rembarrait sur son adoration pour quelqu’un qu’il n’avait jamais vu, il lui répondit : « Et mon cul, tu l’as pas vu, et pourtant il existe ! »
A un autre penseur qui lui disait qu’il n’allait jamais à l’église car elle était pleine d’hypocrites : « Ne vous inquiétiez pas pour ça. Venez donc, nous nous serrerons ! ».
Apercevant une jeune femme au décolleté généreux et à la jupe très courte, prenant de l’eau bénite pour se signer : « Ce n’est pas la peine de vous déshabiller, si c’est seulement pour tremper le bout des doigts! »
Il parcourait les vignobles dans le canton du Valais en Suisse. Il ne se fit pas prier pour boire un verre chez un vigneron qui avait un vin qui s’appelait « paien ». Il déclara : « Ce païen ne m’effraie pas, je vais lui donner une sépulture ecclésiastique. »
– En tous cas, on vous interdit de la baptiser, répondirent les vignerons (allusion employée par certains viticulteurs quand un vin n’est pas gardé dans son état d’origine).
Quand il décéda en 1968, un de ses collègues prononça une phrase de circonstance :
– Maintenant il est élu de l’Eternité.
– Oui, répondit un autre. Il y est même très heureux, avec ses deux amis saint Estèphe et saint Emilion. Ils ne se quittent plus.
Un académicien mal Loti
L’écrivain Pierre Loti (1850 – 1923) était connu pour traîner avec lui une réputation d’homosexuel. Il était question de le faire entrer à l’Académie. Bien entendu ces messieurs discutent le bout du gras pour savoir s’il est admissible dans cette noble confrérie. Un de ses « sponsors », Ernest Renan, fut pris à partie par un confrère :
– Ignorez-vous, monsieur Renan, que cet écrivain passe pour avoir des moeurs bizarres ?
– Quelles moeurs, mon ami ?
– Mais enfin, monsieur Renan, tout le monde sait qu’il est pédéraste.
– On le dit pédéraste ? Mais, mon cher, nous verrons bien.
Un personnage haut en couleuvres
Henry Monnier, parfois Henri Monnier (1799 – 1877) fut une célébrité de son temps. Caricaturiste, illustrateur, dramaturge et acteur. Il est le créateur du personnage de Joseph Prudhomme. Mais il fut aussi réputé pour ses plaisanteries et paroles parfois d’un goût fort douteux. J’ai fait connaissance avec ce personnage indirectement, presque de manière aussi douteuse, je vais vous raconter comment. Avec une bande de copains, on était montés à Paris à la fin des années 70. Un soir, nous sommes partis boire des verres à Pigalle. Plutôt que de ramener une Tour Eiffel en souvenir, on a décidé de se payer une prostituée, il y avait le choix. L’idée ne m’enchantait pas outre mesure, mais pour faire comme tout le monde… Celle que j’ai choisie m’a emmené dans un studio qui se trouvait justement à la rue Henry Monnier, voilà comment j’ai retenu le nom du personnage. Ce fut d’ailleurs la seule fois de ma vie que j’ai eu recours à ce genre de service, je n’allais pas apprendre l’histoire de France de cette manière. Mais voyons quelques « fines » plaisanteries du personnage.
Il entra dans des toilettes publiques et accosta la dame pipi en lui montrant des papiers qui avaient l’air tout à fait officiels et remplis de cachets tout autant officiels. C’était de vrais faux, car il avait travaillé un temps au ministère de la justice comme simple employé. Il se mit à crier :
– Au nom de la loi, ouvrez toutes les portes !
La dame essaye de la calmer et de le faire patienter. Il se met alors à hurler :
– Au nom de la loi, ouvrez ou je fais tout enfoncer !
Les portes finissent par s’entrouvrir, il regarde avec jubilation les visages affolés. Il dit alors :
– C’est bien vous pouvez continuer.
A l’époque des célèbres vespasiennes, il rentre dans l’une d’elles à la réputation très douteuse. Il gratifie alors les personnes présentes d’un sonore : « M’sieurs, dames… »
Citations
Je ne connais pas d’endroit où il se passe plus de choses que dans le monde
La mer : une telle quantité d’eau frise le ridicule.
Que la nature est prévoyante ! Elle fait pousser les pommes en Normandie sachant que les indigènes de cette province ne boivent que du cidre.
La stratégie consiste à continuer à tirer pour faire croire à l’ennemi qu’on a encore des munitions.
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Mieux que treize à table
La gourmandise est un défaut qui peut aussi bien frapper le petit peuple que la grande bourgeoisie, bien que cette dernière y mette sans doute plus de formes. Il y aussi un aspect que l’on mentionne moins souvent, le nombre de convives. Cinquante ou cent convives, lors d’une cérémonie ou d’un mariage doit être assez courant, mais ce n’est pas un record, on en est même loin. Lors de L’exposition universelle de 1900, le président Loubet décida de convier à un banquet tout les maires de France. Entre les maires, les ministres, les pique-assiettes, ils étaient près de 23000. De quoi soigner son égo, il pouvait déclarer fièrement : « Ce sont mes invités et mes amis ! » On peut imaginer qu’il ne serra pas la main à tout le monde, en consacrant 10 secondes à chaque invité, il aurait mis près de 3 jours pour faire le tour.
Sans entrer dans les détails voici ce qu’il fallut pour pour l’organisation en commençant par le matériel…
- 10 km de nappes molletonnées,
- 7 km de molletons,
- 7 km de nappes,
- 125 000 assiettes avec reproduction en fac-simile de la tapisserie « Armes de la République » exposée,
- 55 000 fourchettes,
- 55 000 cuillères,
- 60 000 couteaux,
- 126 000 verres
Parmi les victuailles - 2 000 kg de saumon
- 1 430 faisans
- 2 500 poulardes
- 1 200 litres de mayonnaise
- 10 000 pêches
- 1 000 kg de raisin
- 3 000 litres de café
Le menu - Hors-d’œuvre
- Darnes de saumon glacées parisienne
- Filet de bœuf en Bellevue
- Pains de canetons de Rouen
- Poulardes de Bresse rôties
- Ballotines de faisans Saint-Hubert
- Salade Potel
- Glaces Succès – Condés
- Dessert
Mais il y a au moins eu un invité qui eut un bon mot pour la circonstance, ici l’écrivain Alfred Capus .
– C’est fâcheux, mais j’ai remarqué qu’à chaque fois que nous sommes plus de vingt mille à table, il y en a un qui meurt dans l’année.
Une dame distraite qui distrait

Elisabeth-Charlotte de Bavière dite La Palatine (1652-1722) avec son fils Philippe futur régent et sa fille future duchesse de Lorraine:
Tableau de Mignard
Pour ceux qui ne le savent pas, une dame d’atours est une personne de la cour proche des couples royaux et qui a la charge de la garde-robe et de la bijouterie de la personne dont elle a la charge. Remarquez que l’on emploie encore aujourd’hui le mot atours dans le même sens, une personne qui a des avantages vestimentaires ou physiques bien visibles. En gros, elle prend soin en ayant sous la main tout ce qu’il faut pour rendre belle sa maîtresse, et Dieu sait en ce temps-là si les dames de la cour avaient du matériel à disposition. N’était pas dame d’atours qui veut, elles étaient recrutées parmi la noblesse. L’une d’entre elles, Henriette Gordon (parfois francisé en Gourdon) acquit une singulière réputation. De noblesse écossaise, née vers 1630, elle arriva à Paris et devient dame d’atours d’Henriette d’Angleterre, le première femme du frère de Louis XIV, Monsieur. Elle continua dans le même rôle quand le frère maria en seconde noce la princesse Palatine après le décès d’Henriette. Mais elle tomba sur un os, la nouvelle épouse ne l’aimait pas. Dans un sens de l’ordre tout germanique, elle trouvait que sa dame d’atours avait la tête passablement dans les nuages, même quand il faisait beau. Son avis était aussi partagé par d’autres personne de la cour, Madame de Sévigné par exemple. Le problème avec La Palatine, c’est que dans son fleuve de chroniques et de lettres, elle ne manqua pas de lui envoyer quelques piques, pas tellement directement adressées à elle, mais à coup sûr à ses correspondants. Il n’en faut pas plus pour se bâtir une belle réputation. Heureusement ces écrits nous permettent encore de nous rappeler les distractions plutôt marrantes de cette dame, et même un peu son côté fofolle, plus de 300 ans après. En voici un aperçu…
C’était une personne fort étrange ; elle rêvait toujours. Un jour, étant dans son lit et voulant cacheter une lettre, elle s’appliqua la cire toute bouillante sur une jambe et se brûla cruellement.
Quand elle jouait étant couchée, elle jetait les dés par terre et crachait dans son lit.
Un jour, elle cracha dans la bouche de ma première femme de chambre qui bâillait ; je crois que celle-ci l’aurait battue, si je ne l’avais empêchée, tant elle était en colère.
Le soir, quand elle me donnait ma coiffe pour aller à la cour, elle tirait ses gants, me les jetait à la figure, et se mettait ma coiffe sur la tête.
Elle avait l’habitude, toutes les fois qu’elle parlait avec un homme, de jouer avec les boutons de sa veste. Un jour, elle avait à parler à un capitaine des gardes de feu Monsieur, le chevalier de Beuvron ; comme il était d’une grande taille, elle ne pouvait atteindre que les boutons de son haut-de-chausse ; elle se mit à les lui défaire. Il sauta en arrière tout effrayé en s’écriant : « Madame, que me voulez-vous ? » Cela occasionna de grands éclats de rire dans le salon de Saint-Cloud. »
Elle faillit avoir une rivale. La Palatine raconte une anecdote du même genre à propos d’une de ses tantes, la princesse Elisabeth. Elle voulait aller à un bal masqué. Elle se trompa et prit un pot de chambre pour un masque.
– Comment se fait-il que ce masque n’ait pas d’yeux et qu’il sente si mauvais ?
Le célèbre romancier américain John Steinbeck (1902 – 1968) fumait la cigarette. De retour d’un voyage au Mexique, il rentrait au pays avec sa femme et son fils. Il avait profité pour ramener des cartouches de cigarettes, car elles coûtaient moins cher là-bas. Les douanes américaines toléraient 200 cigarettes par personne adulte en importation. Le préposé constata que Steinbeck ramenait avec lui 600 cigarettes, donc s’ils étaient bien trois personnes, son fils de dix-huit mois n’y avait pas droit. Le douanier en désignant le bébé demanda :
– Est-ce que ce garçon n’est pas un peu jeune pour fumer la cigarette ?
– Je dis pas le contraire, mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour le déshabituer du cigare !
La Danse De Clèves
Que dansait Marguerite de Habsbourg-Bourgogne
La musique, même si elle est médiévale, est liée à la danse. On écoutait bien sûr la musique en tant que telle, mais on dansait aussi beaucoup. C’est assez normal, car on peut penser qu’à la cour on s’emm… royalement ! J’ai choisi un clip qui illustre justement une de ces danses, « La Danse De Clèves ». Léguée par un compositeur anonyme du 15éme siècle, elle fit partie du livret de danse de Marguerite de Habsbourg-Bourgogne, archiduchesse d’Autriche (1480 – 1530). Il est à noter que la plupart de ces danses sont d’un tempo assez lent, on est encore loin du rock and roll. Elles étaient plus un prétexte à faire des courbettes et des révérences entre gens de bonne compagnie. Mais cela a un certain charme, désuet diront certains, mais ce n’est pas pire que de voir des gens bourrés danser n’importe quoi sur un pont de danse.
Source gallica.bnf.fr / BnF / DP / Wikipédia.