En passant

Bas nylons et une charmante maison

Rendez-vous avec la mort – Une si charmante maison

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Windsor en 1914

L’état du Connecticut à l’époque des faits qui nous intéressent, est une sorte de petit paradis à population presque totalement blanche. La religion catholique est dominante et il y a en 1900 environ 1 million d’habitants dont 98000 pour la capitale, Hartford. Les gens sont plutôt aisés car les affaires y sont assez faciles, New York est proche et les lieux servent un peu de déversoir pour les citadins qui veulent un endroit plus tranquille.

Une des très rares photos d’elle jeune, du moins qui affirme que c’est elle, J’ai quelques doutes.

La personne qui nous intéresse est Amy Gilligan, elle est née en 1868 à Milton dans le même état. C’est une famille nombreuse et pauvre, elle est la huitième dans l’ordre d’arrivée. Wikipédia affirme qu’elle et née en 1873 et s’est mariée à 23 ans, ce qui est faux, elle avait 28 ans lors de ses noces et est bien née en 1868. Le généalogie de la famille la place comme huitième enfant d’une famille de 11, elle ne peut être née en 1873. Donc en 1897, elle se marie avec James Archer, de presque 20 ans son aîné, et devient ainsi Amy Archer, Une fille naît en décembre de la même année. Elle devient une infirmière, métier qu’elle a probablement appris sur le tas. A l’époque, une personne qui soigne ou s’occupe de malades est quasi automatiquement infirmière, il faut oublier le côté médical. En fait, le couple fonctionne comme concierges, mais on leur demande de s’occuper d’un malade à Newington. Il meurt en 1904, les Archer sont autorisés à rester lorsque la famille du défunt décide de transformer la maison en un home. Ils gèrent comme intendants la maison qui devient la Sister Amy’s Nursing Home for the Elderly, c’est là qu’elle devient Soeur Amy, ce qui lui confère un petit air officiel d’infirmière. A l’époque. les soeurs religieuses ayant prononcé des voeux sont selon certains ordres, souvent employées dans les hôpitaux comme soignantes. D’après les faits connus, elle est plutôt du genre grenouille de bénitier. En 1907, les héritiers vendent la maison et ils doivent partir. Les quelques économies qu’ils possèdent leur donne l’idée de poursuivre sur la même voie et ils achètent une maison un peu plus loin à Windsor. Le piège est tendu et va se refermer.

La maison telle qu’elle paraissait à l’époque

La maison qu’ils achètent n’est pas un palace, mais elle est assez grande pour accueillir onze futurs pensionnaires dans un confort relativement agréable.
Elle gagne vite en réputation, d’autant plus que ce genre de possibilités est assez rare à l’époque. On meurt à l’hôpital ou à la maison. On y accepte tout le monde, personnes en bonne santé, malades, infirmes. à condition qu’une place soit libre. Il faut bien entendu avoir un peu d’argent, mais les tarifs sont raisonnables, on peut payer à la semaine, au mois, à l’année, il existe même un forfait pour une résidence à vie, du moins ce qu’il en reste pour ceux qui le souscrivent. Et c’est apparemment cette dernière solution qui s’avèrera la plus dangereuse. Et puis, les pensionnaires ne tarissent pas d’éloges sur le dévouement de Soeur Amy. C’est inévitable, de temps en temps il y a un décès, c’est à ranger au compte de la fatalité. De 1907 à 1910, il y a une douzaine de décès, c’est à dire un tous les trois mois, pas de quoi s’alarmer.
En 1910, le 11 février, son premier mari meurt. Il semble être mort de sa belle mort, une maladie des reins. La propriétaire doit faire face seule.
A mesure que le temps passe, la fréquence des décès prend une courbe Ascendante, sans que cela n’alerte personne. Certes, il y a plus de décès qu’avant, la médecine n’est pas encore aussi performante qu’aujourd’hui, et puis la banale grippe de saison peut-être féroce, on le vérifiera dans un proche avenir. Par dessus tout, ce sont avant tout des personnes âgées, il y a même une centenaire parmi eux, ainsi va la vie. La réputation du home est toujours au top, on s’occupe si bien de vous, Soeur Archer est si dévouée, si pieuse, on en ferait presque une sainte. La demande est toujours là, la propriétaire promet que dès qu’une place sera libérée, elle sera réservée. Personne ne semble faire le rapprochement, ou du moins n’en parle pas, après chaque demande, comme par miracle, il y a une place qui se libère.
Toutes les machines, même bien huilées, finissent par se gripper si la cadence est trop élevée. A la fin 1913, Amy Archer se remarie, et devient ainsi Amy Gilligan. Son nouveau mari est lui aussi bien plus âgé qu’elle, il la devance d’une quinzaine d’années, on peut pas dire qu’elle les choisit au berceau. A la surprise générale, il meurt trois mois après, d’une méchante indigestion, preuve que l’on ne claque pas la dalle dans le home, Encore faudrait-il savoir ce que l’on y mange ou boit. Evidemment, il y a une assurance décès à la clé, au bénéfice de l’épouse.

La maison aujourd’hui

Le coup de butoir final viendra de la famille d’un pensionnaire, Franklin R. Andrews. Il y a déjà un moment qu’il est pensionnaire, c’est lui-même qui a choisi ce home pour ne pas déranger la famille qui était prête à l’accueillir chez elle. Il est plutôt du genre aisé et en pleine forme, il entame la soixantaine en 1911. Il s’occupe et donne même un coup de main en s’occupant de petits travaux. Au matin du 29 mai 1914, il est en train de jardiner lorsqu’il est pris de violentes douleurs à l’estomac et meurt dans la nuit. On diagnostique un ulcère à l’estomac, ce qui ne manque pas de surprendre sa famille, lui qui était capable de digérer des cailloux. En fouillant dans ses affaires, sa soeur découvre une reconnaissance de dette signée par Amy Gilligan. pour un prêt de 500 dollars. Questionnée à ce sujet, elle affirme qu’ils avaient l’habitude de se faire ce genre de blagues, ce n’est rien qu’une blague, il n’y a jamais eu de prêt. La soeur s’adresse à un avocat qui somme Archer de restituer la somme. Elle le fait en précisant qu’elle n’a jamais reçu cet argent. La famille tient un conseil et repense à la correspondance échangée avec le défunt. Il fait assez souvent mention qu’il y a beaucoup de décès dans le home, il se demande qui sera le prochain.

Franklin R. Andrews


La famille a des soupçons, elle décide d’avertir les autorités judiciaires pour que l’on mène une enquête. Contrairement à ce qui est espéré, personne ne bouge. Elle décide alors de se tourner vers le patron d’un journal de la capitale. Ce dernier les écoute patiemment et il décide d’envoyer un journaliste pour enquête. Il exige toutefois qu’il puisse faire son travail en toute discrétion. Son enquête patiente se révélera un modèle d’efficacité.
Elle soulève quelques points critiques :
Depuis 1911, jusqu’au moment de son enquête, il découvre que les décès atteignent bientôt la cinquantaine,
Il semble que les gens qui ont une certaine aisance financière meurent plus que les autres.
On découvre aussi que la propriétaire achète régulièrement de l’arsenic en grosses quantités. Après chaque achat, quelques jours après, il y a un décès.
Il y a aussi une corrélation, le home affichant toujours complet, entre une demande d’hébergement et un décès qui survient peu après.
Le dossier est assez solide pour être envoyé à qui de droit, et cette fois-ci ça bouge. L’enquête officielle se casse d’abord contre un mur, qui comme tout bon mur qui se respecte, reste muet. Dans la pension, d’après les pensionnaires, tout va bien. La bonne Soeur Amy a dûment chapitré ses ouailles, et puis elle a réponse à tout. L’arsenic? Il y a des rats partout, bien que l’on n’en aperçoive jamais l’ombre d’un, c’est bien la preuve que le produit est efficace, mais ils reviendront ! L’argent des défunts ? Où est-il passé?Mais ils me l’on donné pour me remercier. A coup sûr, devant un tribunal, c’est parole contre parole, et les pensionnaires toujours en vie, ne manqueront pas de dire tout le bien qu’ils pensent d’elle. Il faut des preuves et des solides! On décide alors d’exhumer les plus récents décédés pour voir ce qu’ils ont dans le ventre. L’autopsie est concluante, cinq cadavres contiennent des doses très élevées d’arsenic, ils sont morts empoisonnés. Un dernier léger doute subsiste, celui de l’achat de l’arsenic. D’après un savant calcul, la quantité achetée par la suspecte semble insuffisante pour qu’elle puisse empoisonner à grande échelle. Mais la réponse est vite trouvée, elle envoie parfois ses pensionnaires en acheter. Amy Gillian est arrêtée en mai 1916, accusée d’au moins cinq meurtres. On ne pousse pas les investigations plus loin, car il faudrait exhumer pas mal de morts. En 1915 dans le Connecticut, un meurtre suffit pour une condamnation à mort.

Le procès a lieu a lieu en 1917. Il s’agit plus d’établir la raison des meurtres que d’en établir les preuves. L’arsenic était mélangé aux boissons, on ne s’attarda pas sur la méthode. L’appât du gain est la plus évidente. La plupart des pensionnaires ne rentraient pas au home tout nus, ils avaient bien quelques économies pour les menus plaisirs et pour certains toucher de petites rentes. Ceux qui avaient pris l’option de la résidence à vie, étaient encore plus exposés. Une fois payé, moins ils vivaient, moins ils coûtaient, le solde était tout bénéfice. Il est aussi probable que l’argent pour faire tourner la baraque pouvait venir à manquer, il fallait alors boucher les trous le plus rapidement possible. Amy Archer avait l’art d’embobiner son monde, elle passait aussi pour une personne charitable, pieuse, et dévouée, comment ne pas lui venir en aide avec quelques petits prêts dont le prêteur n’avait aucun doute sur son remboursement. Son avocat tente aussi de ne lui faire porter qu’un meurtre, celui de Franklin R. Andrews, sans doute le plus évident. Malgré tout le 18 juin 1917, elle est condamnée à mort pour cinq meurtres, on stoppe le conteur, mais il y en a probablement eu bien plus. La psychiatrie est alors une science encore assez balbutiante, on sait qu’il peut se passer de drôles de choses dans une tête, mais on a un peu de peine à mettre tout cela d’une manière logique. On parle juste de folie, c’est plus simple.

La fille Archer, Mary, elle fut plutôt un témoin à décharge pour sa mère. Elle affirmait que c’était des voisins jaloux qui voulaient causer du tort à da mère. On ne sait pas ce qu’elle est devenue.

C’est justement sous l’angle de la folie qu’un second procès aura lieu en 1919, où la cas est mis en avant. Il semble aussi, vrai ou faux, que dans la famille tout le monde n’est pas mentalement en pleine forme, tous n’ont pas la lumière à tous les étages. Cela suffit pour faire basculer le premier jugement, sa peine est muée en un internement à vie dans un asile psychiatrique. Elle y passera 41 ans, et quitta ce monde le 23 avril 1961, âgée de 93 ans. On raconte aussi qu’elle fut très dévouée envers les autres pensionnaires de l’asile, mais passait aussi ses journées à jouer des marches funèbres au piano.
Les Américains ont toujours eu un faible pour les personnages qui sortent de l’ordinaire, en bien ou en mal. La « fabrique de meurtres » comme on la surnomma à l’époque est encore un lieu qui attire les curieux, l’histoire locale ne manque pas de rappeler les faits. Ils arrivèrent même jusqu’à Hollywood, car le film de Frank Capra « Arsenic et vieilles dentelles » avec Cary Grant, sorti en 1944, reprise d’une pièce de théâtre jouée à Broadway, s’inspire de ces faits.

Fiche de police probablement qui doit dater de 1916 et la plus célèbre photo d’elle, sûrement plus agée.

A mon avis, la tueuse avait quelques gênes qui sommeillaient en elle et qui la poussèrent au meurtre. Probablement qu’une situation financière angoissante fut le déclencheur de la série. Par la suite, il lui parut évident qu’elle devait continuer sur la même voie., c’était à ses yeux la seule possibilité. On peut tuer quelqu’un accidentellement, sans préméditation, suite à une circonstance imprévue de la vie. Certains meurtriers s’arrêtent à un meurtre, une personne précise, par vengeance ou devenue encombrante, on trouve assez souvent cela dans les affaires de coeur ou la jalousie. D’autres continueront sur cette voie, et généralement se trouvent de bonnes excuses pour le faire, c’est là que cela devint pathologique, et rejoint le meurtre en série. Sans être en apparence folles, ces personnes se sentent un besoin irrésistible de tuer. Dans le film de Fritz Lang « M le maudit », lors de la scène hallucinante de la confession du meurtrier devant le tribunal de la pègre, il explique pourquoi il tue, il est dans un état second lorsqu’il tue, il devient une sorte de bête. Une fois les démons apaisés, il a l’air de la personne que vous croisez dans la rue et qui n’a l’air de rien. Je ne sais pas où se situe la frontière dans le cas de la tueuse de Windsor, pur opportunisme financier ou excuse à la routine pour tuer ?
La suite des ces articles traitant des tueurs en série paraîtra le vendredi 22 avril

Source Wikipédia, presse d’époque, DP

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