J’ouvre une nouvelle fois mes colonnes aux récits de Jean. Pour mon plus grand plaisir et très certainement le vôtre, il nous fait part des souvenirs liés à sa fréquentation de l’école quand il était un élève studieux, mais pas que ça, c’est à dire dans les années 60. J’ai vécu à peu près les mêmes choses avec d’autres personnes, car nous sommes de la même génération. Pas besoin de soulever le pupitre pour se distraire avec des choses interdites pendant les leçons. Notre « crime » était le plus parfait, nous déshabillions du regard les profs, les copines de classe, en attardant notre regard sur leurs jambes en nylon, derniers remparts à l’invasion du collant. Quelques unes n’étaient sans doute pas tout à fait dupes, mais que pouvaient-elles faire pour nous l’interdire? Eh oui le bas nylon était encore un roi, un roi qui alimentait de sa toute puissance nos émois d’adolescents.
Je laisse la parole à Jean qui a rassemblé d’autres souvenirs pour ce second récit, sans en changer une virgule. Je le remercie une nouvelle fois tout en rappelant que cette rubrique est ouverte à tous. Pourquoi garder ses souvenirs pour soi?
Alors parlons d’abord de l’entrée en sixième. A l’époque, l’on vivait ce passage comme un vrai changement de statut, car l’on avait désormais à faire à plusieurs personnes, parées du titre encore prestigieux (plus pour très longtemps, hélas…) de « professeur », dont certains nous faisaient l’honneur de nous vouvoyer. Et la vie était bien sûr dominée par le professeur principal, celui –celle dans mon cas- de français. Madame C, je m’en souviens certes, car j’étais son « chouchou », mais elle m’inspirait bien plutôt le respect dû aux personnes cultivées et de bonnes manières qu’un quelconque désir, bien que de nouveau, sa petite taille ne laissât rien ignorer de son entrecuisse dès qu’elle oubliait de se surveiller. Et puis la trêve, la trêve du désir que j’ai déjà évoquée, durait encore…
Cette trêve fut rompue par Mlle P, qui n’arriva qu’en seconde moitié d’année, comme professeur d’anglais remplaçante. Mlle P portait bien son initiale, car elle avait effectivement un peu le genre d’une p… : rousse, bien en chair, et toujours habillée de jupes courtes. Il faut dire que nos salles de classe étaient pour la plupart encore équipées de bureaux « ouverts », sans feuille de contreplaqué pour cacher les jambes : encore une invention géniale de cette époque, à l’égal de l’ouverture vers l’avant des portes des « deuches »…Mlle P croisait les jambes sans paraître se soucier exagérément de l’effet qu’elle produisait, persuadée sans doute que les gonades restaient encore inactives chez des gamins de onze ans. Bien sûr, nos réflexions à son sujet furent vite échangées en cour de récréation, et les « j’ai tout vu » et les clins d’œil salaces fusèrent… Mais j’ai encore du mal à me souvenir l’effet exact qu’elle provoquait sur moi, le torrent à venir n’était encore qu’un mince filet d’eau.
De fait, la véritable révélation n’eut lieu que l’année suivante, et plutôt progressivement, car dans mon souvenir, les troubles culpabilisants d’une sexualité angoissante se situent au printemps –comme il se doit d’ailleurs-, donc vers la fin de l’année scolaire. En ces temps délicieux, le printemps signifiait que les femmes prenaient encore plus le soin de se montrer désirables, en s’habillant de manière plus légère et de couleurs plus claires, et personne n’y voyait de mal. Dans le même temps, leurs jambes restaient couvertes faut d’un bronzage suffisant, bronzage qui devenait la norme dans une « société de consommation » déjà bien en marche ; couvertes, mais pas jusqu’en haut bien sûr…
Madame G était notre professeur d’histoire et géographie ; je ne saurais en fait la décrire précisément, elle était de taille moyenne, de cheveux plutôt clairs mais pas vraiment blonds, et pas réellement fine de traits ; contrairement à d’autres professeurs d’histoire que j’ai eu par la suite, sa façon de s’exprimer ne trahissait pas un très haut niveau culturel, elle avait probablement intégré l’Education Nationale par la petite porte. Mais elle avait l’âge – une petite quarantaine sans doute- où la féminité s’épanouit complètement, où elle paraît un joyau lointain et inaccessible ; ce genre de féminité qui suscite même chez l’homme adulte et socialement à l’aise timidité et maladresse, et qui n’est pas tempérée par un passé récent de vie étudiante et de la familiarité qui lui est inhérente, ou par l’avancée de l’âge vers le statut de maman, qui progressivement valorise chez la femme – ou du moins le valorisait à cette époque – une image plutôt protectrice et modérée que désirable, même chez celle dont le maintien physique restait impeccable.
Et puis elle avait cette élégance naturelle des femmes de la petite bourgeoisie de cette époque, l’époque d’avant les bobos, les tuniques, les jeans et les collants noirs ; sa tenue, sans être recherchée, était toujours de bon goût, et ses jupes, sans être provocantes, car la mini-jupe – et le corollaire désastreux qui s’en est suivi, l’apparition du collant -, n’était pas encore passé par là, arrivaient systématiquement au dessus du genou : encore le génie de l’époque, que l’on n’apprécie à sa juste valeur, tout comme la santé, que lorsqu’on l’a perdu !
De cette année là date certes mon goût pour l’histoire romaine, qu’elle nous enseigna pendant de longues semaines, mais surtout bien sûr ma fascination pour les croisements inopinés de jambe, la bande de chair d’une blancheur immaculée par contraste avec le bas de couleur fumée la plupart du temps, le crissement des bas l’un contre l’autre dont Maître François Truffaut a si bien rendu compte dans « l’homme qui aimait les femmes ». De nature un peu nerveuse (je me souviens que c’est l’un de mes camarades qui me l’avait fait remarquer, car cette fascination, il faut le dire était largement partagée par beaucoup d’autres), elle pratiquait ce croisement-décroisement à intervalles réguliers, ce qui entretenait chez nous l’espoir et nous plongeait dans le plaisir diffus de l’attente ; et puis, à l’instant sublime, cette décharge d’adrénaline, ces battements de cœur et cette légère suée qui étaient devenus – et sont longtemps restés – pour moi une véritable drogue…
Savait –elle ou se doutait-elle de l’effet qu’elle provoquait sur nous ? A cette question, et c’est tant mieux, il est impossible de répondre ; sans doute ne voulait-elle pas, comme toutes les femmes de l’époque, jouer la provocation ; bien sûr, il lui arrivait de tirer sur sa jupe ; mais pouvait-elle ignorer qu’elle laissait régulièrement admirer le haut de ses cuisses ? Il est permis d’en douter. Contrairement à Mlle P, elle n’avait nullement le personnage d’une aguicheuse, et son indifférence n’était pas non plus surjouée. Et c’est peut-être là que réside l’origine de la fascination qu’elle provoquait : quelles pensées couraient vraiment derrière ce visage imperturbable ? A l’époque il est vrai, on ne parlait pas de ces choses là, pourtant, c’est à cette même époque qu’une présentatrice de la télé fut remerciée pour avoir un peu trop montré ses jambes…
Je la perdis l’année suivante ; les troubles de la sexualité n’avaient pas encore commencé à affecter mes excellentes performances scolaires, j’espère que l’on me pardonnera de le dire modestement. Le déferlement de Mai 68 n’était pas encore passé par là, le collant restait encore minoritaire, et ma fascination plus forte que jamais. Je ne l’avais plus comme professeur, mais elle continuait à enseigner à d’autres classes. A cette époque, l’on devait s’aligner pour monter en salle de classe, et le professeur montait en dernier ; parfois, ma classe montait derrière la sienne, et je me plaçais dans le rang de façon à avoir une petite chance de voir sous sa jupe lorsqu’elle montait un demi-étage plus haut ; d’autres fois, je me plaçais au pied d’un escalier plus large après le déjeuner, car j’avais repéré qu’elle redescendait d’un autre cours à cette heure là; je feignais de réviser mes cours et essayais de saisir l’instant où elle passerait juste au dessus de moi ; j’aurais pris tous les risques pour en voir plus, mais au bout de trois ou quatre fois, je vis son regard soupçonneux posé sur moi et compris qu’elle avait deviné mon manège ; bien entendu, j’en restai là, d’autant plus que je tenais à garder mon image sans tache de premier de la classe.
Ici encore, ce genre d’épisode a été parfaitement rendu dans un film avec Carole Bouquet, « les hauts murs », ou les gamins d’un pensionnat se cachent sous un escalier en colimaçon à claire-voie pour contempler la femme du directeur de l’établissement quand elle le descend ; en quelques secondes, ils se masturbent et atteignent l’orgasme. (Boss, aviez vous connaissance de cette scène, j’espère que vous apprécierez).
Je la retrouvai deux ans plus tard, hélas pour une seule séance par semaine de géographie, car l’histoire était prise en charge par un autre professeur. A cet âge, quatorze ans en moyenne, nous n’en étions plus à nous demander ce qui arrivait, mais comment diable nous pourrions nous soulager de la tyrannie de nos hormones. Ses croisements de jambes étaient toujours là, mais cette salle était un peu plus sombre et demandait de redoubler d’attention pour saisir ces instants de grâce, cet éclair de chair blanche. Je me souviens de certain camarade, dont je notai les yeux exorbités alors qu’il la regardait fixement, et ce n’était nullement par passion pour la géographie physique et industrielle du Brésil…
Et puis, j’ai changé non de lycée, mais de bâtiment et je l’ai un peu perdu de vue; contrairement à d’autres professeurs, elle s’est faite très discrète au moment du déferlement de 68 ; j’ai bien cherché d’autres proies à mes fantasmes, mais j’essayais désormais de conquérir les jeunes filles, si possibles plus âgées que moi de quelques années. Je ne réussis pas complètement ces conquêtes au cours de ces années là, et ne me souviens que de très peu d’occasions où j’aie pu au moins toucher des jarretelles avant d’aller un peu plus haut ; ce fut notamment au cours d’un slow sur une piste assez sombre d’une discothèque parisienne, mais ma conquête rabaissa sa jupe précipitamment… Je retrouvai ensuite la belle quelques mois plus tard chez elle, en Belgique, mais entre temps hélas, le collant avait gagné une nouvelle bataille….
Pour clore ces années du lycée, qui se terminent avec la défaite presque totale du bas vis-à-vis du collant, je me souviens d’un dernier flash, un flash d’adieu en quelque sorte comme celui d’un acteur qui tire sa révérence : c’était en Juin 1970, et je peinais sur l’épreuve de mathématiques du bac, dans un lycée chic du triangle Auteuil – Neuilly –Passy. Parmi les surveillants se trouvait une belle femme, sans doute une administrative du lycée, la quarantaine ici encore, admirablement prise dans une robe bleue ; au moment de rendre les copies, et à la suite de je ne sais quel incident, elle sa robe remonta légèrement, révélant la lisière de ses bas fumés; mon cœur bondit dans la poitrine, et il est heureux que ceci ait eu lieu en fin d’épreuve, car sinon, mes capacités déjà limitées à maîtriser les équations en eussent été anéanties en cours d’épreuve…
Cet épisode hélas ne changea rien à la montée inexorable de la prétendue « libération » de la femme qui a conduit à la triste situation d’aujourd’hui, malgré le combat exemplaire de quelques uns –et plus important encore, de quelques unes ! – pour sauvegarder l’art de vivre de ces belles années, où les fautes de goût n’étaient pas la règle mais l’exception, sauf peut-être dans un domaine, celui de l’architecture, fautes qui ont néanmoins entraîné pour des décennies l’enlaidissement de tant de quartiers de Paris. Mon souhait le plus cher serait que ce modeste récit suscite quelques récits semblables, quelques réactions au moins de nos amies qui fréquentent ce site, que le retour de l’un des symboles majeurs de ce qui a été notre civilisation ne soit plus une utopie…
Note: Je ne connais pas le film avec Carole Bouquet, mais je vais chercher.
La fameuse montée des escaliers me rappelle que j’ai vécu une pareille situation. Nous montions dans les classes du premier étage par ordre d’ancienneté, les plus âgés devant, la suite derrière. A mi-hauteur l’escalier faisait demi-tour. C’est dire que nous avions une vue quasi imprenable (une vision de chien comme on la nomme) sur nos prédécesseurs un ou deux mètres plus haut. Il y avait une fille qui m’intéressait particulièrement, de trois ou quatre ans plus âgée que moi et qui portait régulièrement jupes et bas. Je m’arrangeais toujours pour être côté intérieur, afin d’avoir le meilleur angle de vue. Je n’ai jamais vu de jarretelles, mais des lisières de bas, une belle collection. Pour ma part, j’ai abondamment raconté ces souvenirs scolaires dans d’autres posts. prière de s’y référer.
Et maintenant à qui le tour?