Luciano Pavarotti, la belle décadence

Je vais peut-être vous étonner, mais mon premier contact avec la musique fut l’opéra, que de chemin parcouru depuis, diront les plus  sarcastiques. Mon père était un trompettiste classique, option fanfare. Il détestait à peu près cordialement tout ce qui venait du jazz et de la variété. Sa grande passion était l’opéra et il n’hésitait pas à pousser le volume pour en écouter.  Alors des airs d’opéra, j’en ai entendus, tant et si bien que cette musique ne m’est pas étrangère. Verdi, Puccini, Bizet, furent en quelque sorte mes visiteurs du soir. Pas que je les détestais, mais j’appréciais leur départ. Plus tard, je me suis dit que je les avais peut-être traités de manière un peu cavalière. Alors j’y suis revenu, modestement, occasionnellement, en fin de compte rien de bien neuf, je les connaissais déjà. Dans la musique, j’aime l’art extrême sous toutes ses formes, cela peut ressembler à la guitare saturée de Jimi Hendrix ou la voix de Monsieur Pavarotti.

Sans en avoir l’air Luciano Pavarotti est peut être le chanteur le plus décadent de toute l’histoire de la musique moderne. Une carrière presque entièrement dévouée à l’art lyrique, presque. Doué d’une voix de ténor qui frise le surnaturel, il a un parcours bien typique pendant un grand nombre d’années. Il interprète les grands airs de Verdi, Puccini, Donizetti, Bizet et se produits dans les salles les plus prestigieuses. A une époque où l’opéra est plutôt une musique bourgeoise, réservée et appréciée par une petite élite, il triomphe tant que son nom déborde peu à peu du cercle des initiés. Son maître, Giuseppe di Stefano est une grande star de l’opéra, mais son nom demeure relativement peu connu. Il a un art qui égale celui de Pavarotti, mais sa personnalité est sans doute plus austère. Le grand mérite de Pavarotti, le second art, est de porter en lui son enthousiasme et la forte envie de partager sa musique avec tout le monde. Il crée d’abord en 1980 un concours de chant où il se produit avec les meilleurs. C’est beaucoup d’honneurs de la part d’un chanteur d’opéra, bien de ses compères prennent les admirateurs de haut. Une dizaine d’années plus tard son interprétation de « Nessum Dorma » de Puccini devient l’hymne officiel de la Coupe du Monde de Football qui a lieu en Italie. Il s’agit aussi de la première réunion dite de « Trois Ténors » avec Placido Domingo et José Carréras. Evidemment, l’événement rassemble le maximum de spectateurs. Nul doute que des gens qui n’avaient jamais écouté un air d’opéra attentivement tombent sous le charme. A partir de là, sa carrière prend une dimension internationale, tous continents confondus. Sous son seul nom, il rassemble des foules qui drainent 150000 spectateurs. C’est le Woodstock de l’opéra, il n’hésite pas a se produire en plein air, faisant fi de bien de prétentieux qui ne veulent pas de telle ou telle salle à cause de l’accoustique. Ce qui restera sans doute sons plus grand mérite, son immense mérite, sera de considérer la musique dite variété comme un art majeur. Il affectionne sans fausse modestie, de participer à de nombreuses rencontres musicales ouvertes à tous les styles. On le retrouvera avec des noms qui ne sont pas vraiment des inconnus dans certains horizons musicaux: Eric Clapton, Bono, Elton John, Lou Reed, Céline Dion, Joe Cocker, Sting, James Brown, Queen, Bon Jovi. Tous ont l’air ravis, sans doute pas autant que lui, de mélanger les styles et de certifier que la musique est universelle.
Couvert d’honneurs, de records, 162 rappels, meilleur vendeur catégorie classique. Il se dévoue aux causes humanitaires sous Pavarotti And Friends, mais reste avant tout une sorte de vulgarisateur de l’opéra, le rendant accessible à celui qui veut bien l’écouter.
Il meurt en 2006, âgé de 70 ans et laisse un vide, en partie comblé par cette sorte de divine décadence dont il fut le ténor eau propre comme au figuré.

En duo avec James Brown, deux extrêmes

Avec Elton John, deux étoiles de même clarté

Quuen, Brian May, ma foi, le public ne quitte pas la salle

Un répertoire plus classique, un extrait de La Tosca de Puccini, impressionnant, que ces mots d’amour sortent des tripes. Remarquez le compteur, il affiche plus d’un million de vues. Faudrait-il croire que l’opéra renaît de ses cendres?