En passant

Paris, par-ci, par-là (8)

Presque chaque maison de Paris a sa petite histoire à raconter, encore faut-il la faire parler ce qui n’est pas toujours facile. En suivant la rive droite de la Seine et son cours, après le pont de Bir-Hakeim commence l’avenue du Président Kennedy. Arrêtons nous au no 30. Une banale maison que rien ne semble distinguer des autres, elle a pourtant un lien ténu avec l’histoire du cinéma français. C’est là que mourut en 1983 un acteur qui a contribué à sa grandeur. Il n’est pas apparu que dans des chefs-d’oeuvre, mais il y en a au moins deux La Grande illusion, La Règle du jeu, tous deux de Jean Renoir. En 1939 le nuages s’amoncellent. Il doit fuir la France car il est Juif. Avec sa femme il va d’abord au Portugal, puis au Mexique, au Canada, ils parviennent enfin à entrer aux USA. Heureusement, du côté d’Hollywood, on se souvient de lui, notamment à travers les deux films de Renoir qui ont impressionné les Ricains. Comme le cinéma américain a quelquefois besoin d’acteurs qui parlent le français, ou l’anglais avec un accent, il apparaît dans une vingtaine films américains comme le fameux Casablanca avec Humphrey Bogart. Sans avoir de premiers rôles, il tourne avec des grandes vedettes et sa silhouette devient familière dans le monde d’Hollywood. Mieux encore, après la guerre et son retour en France, il est constamment rappelé dans les studios hollywoodiens par des réalisateurs qui ont pignon sur rue. Il aura même un certaine Marylin Monroe comme partenaire.
En France, il tourne régulièrement des seconds rôles au cinéma et à la télévision, au rythme de deux à trois films par année, et parfois plus jusqu’à l’âge de 80 ans. Il trouve aussi le temps d’écrire un livre de souvenirs publié en 1976, Mes années folles, belle visite dans les coulisses du cinéma français et américain avec la rencontre d’un tas de beau monde.
Même s’il fut marié trois fois, il mourut en solitaire au 30 avenue Kennedy. On découvrit son cadavre le 18 novembre 1983, mais l’autopsie révéla qu’il mourut deux ou trois jours avant. Il s’appelait Marcel Dalio.

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Le second voyage nous plonge un peu dans la même ambiance. Mais cette fois, il y a en quelque sorte une préméditation de ma part. Lors d’un séjour parisien qui remonte très loin, 45 ans à vue de nez, je séjournais dans un hôtel situé dans le 14ème arrondissement. Je crois qu’il n’existe plus, mais pour le rejoindre j’empruntais la rue des Plantes à l’angle de la rue d’Alesia. Il y avait sur la droite une ouverture entre deux maisons, appelée impasse du Moulin-Vert. Quand je passais le soir, je jetais un oeil dans cette ruelle mal éclairée et qui m’avait l’air d’un vrai coupe-gorge. Jamais je n’aurais osé y pénétrer. Je ne sais pas pour quelle raison, mais le nom m’était resté en mémoire. J’aurais sans doute fini par l’oublier, si je n’avais lu à quelque part qu’un acteur à la carrière en dents-de-scie y résidait dans une maison située tout au bout de l’impasse au no 25. C’est là que Patrick Dewaere mit fin à ses jours le 16 juillet 1982.

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Pour l’étape suivante, allons encore une fois à la rencontre de l’invisible, remplacer ce que l’on voit par ce qu’on ne voit plus. Dans la rue de Seine actuelle les nos 14 à 18 sont des bâtiments bien visibles et différents. Il faut savoir que jusqu’en 1825, année de sa démolition, cet espace était occupé par un hôtel particulier, celui de Louis-Alexandre de La Rochefoucauld. Il fut un de ces nobles progressistes qui se rallia à la Révolution, participa à l’élaboration de la Déclaration des droits de l’homme et milita aussi pour l’abolition de l’esclavage. Il fut néanmoins tué en 1792 à Gisors en Normandie, victime d’une chasse aux aristocrates.
De 1764 à 1767, sous le règne de Louis XV, ce qui est en gros le département de la Lozère actuel, vécut des heures angoissantes. Selon les sources, entre 80 et 120 personnes subirent des attaques souvent mortelles. La légende, mais ce n’est certainement pas tout à fait une légende, attribuèrent ces attaques à un animal ressemblant à un loup de fortes dimensions. Ce sont ceux qui l’aperçurent qui le décrivent ainsi. Cet épisode est entré dans l’histoire de France sous l’appellation de la bête du Gévaudan. Même aujourd’hui on ignore encore ce qui s’est réellement passé, une des certitudes c’est qu’il y a eu de nombreuses victimes. Autre certitude, ce sont toujours des personnes qui furent attaquées, jamais des animaux. Les victimes furent pour la plupart démembrées, les têtes souvent arrachées. Parmi les hypothèses, il y aurait eu plusieurs loups devenus anthropophages, les cas sont rares mais cela existe. Il y a eu bien d’autres théories, il y a de quoi remplir un livre.
Pendant trois ans on organisa des battues, tendit des pièces, même le roi promit une récompense à celui qui tuera la bête. Rien n’y fit. Un nommé Jean Chastel tua un animal que l’on admit comme étant la bête du Gévaudan en juin 1967, en tout cas les attaques cessèrent depuis ce moment là. On voulut montrer la dépouille au roi et l’on fit le voyage. Les camions frigorifiques n’existant pas, on peut imaginer l’état de la bestiole à l’arrivée après plusieurs jours de voyage. Le roi s’étant abstenu de la voir, probablement ayant le nez sensible, on finit par l’enterrer. Il semblerait bien que c’est Monsieur de La Rochefoucauld qui s’en chargea, dans le jardin de son hôtel particulier. Peut-être une légende de plus dans la fameuse histoire, mais si par hasard vous passez dans la rue et que vous voyez son fantôme, il y a de fortes chances que cela soit juste.

Sources . Wikipédia, B.N.F, Street view, DP

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