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Rue Faubourg du Temple no 129, quartier de Belleville, une inscription « Cour de la grâce de Dieu », qui ne vous dira sans doute rien, mais l’endroit fut jadis autrement célèbre. Au 18ème siècle l’endroit s’appelait Au Pistolet et était connu comme un lieu de plaisir. Parmi les clients, il y en a un qui est entré dans l’histoire, pas vraiment avec son vrai nom, mais sous celui de Cartouche. Même s’il est ce que l’on peut appeler un bandit, l’esprit frondeur parisien en fera une sorte de héros. C’est dans le cabaret qu’il est arrêté le 14 octobre 1721 et sera roué en place de Grève le 25 novembre de la même année. L’endroit devint presque un lieu de pèlerinage et la plupart des Parisiens veulent au moins une fois voir les lieux. On s’y amuse, on y danse et c’est un peu tout le quartier qui suit. Le temps passe, il apporte aussi ses nouvelles modes, notamment une danse qui se nomme le chahut. Sa particularité fait que les danseuses lèvent haut la jambe, révélant un peu ce qui se caches sous leurs robes, spectacle alors considéré presque comme de la débauche. Les Anglais fortunés qui viennent visiter Paris ne sont pas les derniers à apprécier le spectacle. Pour eux, même s’ils parlent un peu ou pas mal le français, le mot chahut reste un mot très exotique. A défaut, ils comparent la danse à la démarche d’une bestiole bien connue, le canard qui fait coin-coin en français et cancan avec l’accent anglais. Pour souligner les origines du mot, les Anglais ajoutent french suivi de cancan et vous devinez la suite. Le french cancan est un peu né dans un pistolet avant d’être dansé dans les lieux les plus snobs de Paris dans la seconde moitié du 19ème. L’inscription qui figure encore sur le porche est le titre d’une pièce à succès La grâce de Dieu que le propriétaire des lieux voulut immortaliser, mais qui n’a rien à voir avec le fameux cabaret dont il ne reste rien.
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Restons dans le quartier et allons au 72 rue de Belleville. C’est peut-être l’endroit que quelques Parisiens arrivent arrivent à situer et dire quel fait s’y rattache. Les légendes ont parfois la vie dure et apparemment c’est le cas ici. Une plaque apposée au dessus de l’entré mentionne que la plus célèbre des chanteuses françaises du 20ème siècle et internationalement connue est née sur les marches devant la maison. Il s’agit bien sûr d’Edith Piaf. La seule certitude est que ses parents artistes de cirque, du moins sa mère, le père étant très volage, ont habité la maison. Selon le certificat de naissance, la môme Piaf est née le 15 décembre 1915 à l’hôpital Tenon situé un peu plus loin. Il est tout autant certain que son enfance fut très misérable, sa mère ne l’aimait pas et c’est la grand-mère maternelle qui s’occupa surtout d’elle. Cette branche de la famille est d’ailleurs d’ascendance arabe, marocaine plus précisément. La légende fut soigneusement entretenue, il est vrai que cette femme née dans la misère pour devenir une star, s’accommodait mieux de ce départ dans le dénuement total. Cela n’enlève rien à sa gloire, elle restera probablement la chanteuse française la plus immortelle.
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Continuons de flâner dans le même rue et arrêtons nous vers le no 213. Vous remarquerez un petit jardin dans lequel trône une étrange construction. A moins d’être féru en histoire locale, il vous échappera sans doute les raisons de sa présence en ces lieux. Il faut remonter l’histoire de Paris jusqu’au 13ème siècle. Quand on pense à un endroit qui surplombe Paris, c’est bien entendu Montmartre qui vient à l’esprit. Cette colline n’est pourtant pas la seule, il en existe une autre tout aussi haute, celle de Belleville. La composition de son sol est un peu différent, il s’agit surtout de sable et de glaise. Paris n’est pas en Angleterre, mais les petites averses et la pluie prennent un malin plaisir à arroser la capitale de temps en temps. Sur la colline de Belleville, cette eau ruisselle et descend la pente car le sol est pratiquement imperméable. L’approvisionnement en eau a toujours été un souci parisien, il y a certes la Seine, mais selon l’endroit où l’on habite c’est un peu loin pour aller remplir son seau. De plus, si le monsieur que l’on aperçoit 200 mètres en amont a fait pipi dedans, l’eau fraîche n’est pas garantie. L’eau qui descend de la colline a un avantage indéniable, elle est pure car c’est de l’eau de pluie. A partir de ce fameux 13ème siècle on décide de capter cette eau avant qu’elle ne soit souillée et l’on construit petit à petit un réseau d’aqueducs souterrains qui alimenteront finalement les fontaines de Paris et le quartier des Halles. Des moines, d’abord pour leur usage personnel, puis les rois de France, entreprennent leur construction. Il faut bien s’imaginer que le Paris de cette époque occupe surtout un petit territoire de quelques centaines de mètres autour de l’île de la Cité. Ce drôle de monument visible ici et construit à la fin du XVI siècle, se nomme Regard de La Lanterne, il est une des tours utilisées pour pénétrer dans l’aqueduc. Depuis 150 ans, il n’a plus de fonction technique, mais l’eau y coule toujours. Occasionnellement on peut y pénétrer lors de visites guidées, mais le jardin est accessible à tous.
Sources : Wikipédia, B.N.F, Street view, DP





