Cécile de Rodt (1855 – 1929) est une voyageuse suisse qui entreprit un tour du monde en 1901. A cette époque, le monde peut sembler encore quelque chose d’un peu mystérieux d’autant plus que certains pays sont géographiquement très lointains. Ce n’est pas une aventurière, elle ne va pas se battre contre les Indiens, mais plutôt jouer à la touriste. A la suite de son voyage paraitra un livre publiée en 1904 qui contient des centaines de photos. De quoi se faire une idée de ce à quoi ressemblait le monde au début du 20ème siècle.
En route pour HawaÏ suite
James Cook
Arrivée à Hawaï. La voyageuse commence par présenter les îles. Il est vrai que pour un livre publié en Suisse en 1904, Hawaï c’est quelque chose de très lointain et assez exotique. Le nom évoque quelque chose chez les gens les plus cultivés, mais pour le paysan perdu au fond de sa campagne, c’est un nom qu’il n’a pas forcément entendu. Les journaux étant pratiquement la seule source d’information à disposition de chacun, ceux-ci ne font pas forcément de grands articles pour parler de l’île. Tout au plus on mentionne le nom quand les Etats-Unis parlent d’annexion à partir de la dernière décennie du 19ème siècle.
Qu’il me soit permis de faire une petite digression historique avant de raconter nos excursions. Les îles Hawaï ou Sandwich étaient connues des Japonais au XIIIe siècle déjà. Des Espagnols, jetés sur la côte, y atterrirent trois siècles plus tard; ils y laissèrent des traces de leur passage, car lorsque Cook aborda pour la première fois à Hawaï, il y trouva des morceaux de fer apportés très vraisemblablement par des Européens; les traditions du pays parlent, en outre, de blancs venus dans l’île sur des forêts qui marchent; quelques indigènes au teint et aux cheveux plus clairs se disent les descendants de ces anciens explorateurs. Ce n’est qu’en 1778 que Cook découvrit les îles auxquelles il donna le nom de son protecteur, l’amiral Sandwich. Après Cook, vint Vancouver sous le règne du chef Kamehameha Ier, le souverain le plus puissant de la Polynésie, qui réunit les huit îles habitées de l’archipel sous sa domination et les gouverna avec beaucoup de sagesse, de 1789 à 1819.
Vancouver le secondait de ses conseils tout en préparant l’introduction du christianisme avec un tel succès que, lorsque, l’année suivante, les premiers missionnaires protestants arrivèrent d’Amérique, ils furent reçus à bras ouverts. Aucun peuple n’a accueilli la foi chrétienne avec plus d’empressement et d’ardeur que ces indigènes des îles perdues dans l’Océan pacifique. Ils devinrent même de si fervents protestants que, plus tard, le roi qui régnait alors à Hawaï répondit aux Jésuites venus de France: «Vous adorez des idoles comme nous le faisions autrefois. Allez, nous n’en voulons plus.» Sur ce, le gouvernement français envoya des vaisseaux de guerre et obligea les Kanakes à recevoir les Jésuites (1837). Le christianisme mit fin à une coutume répandue chez tous les peuples de la Polynésie, celle du tabou, à laquelle se rattache un système de castes très rigoureux. A l’origine, le tabou était une loi religieuse; les prêtres déclaraient tabou c’est-à-dire sacré, ce qui appartenait aux dieux ou à quelque personnage important. Les personnes tabouées pouvaient à leur tour transmettre ce privilège à n’importe quel individu ou objet qui devenaient alors inviolables. Cette institution finit naturellement par dégénérer en un simple truc au moyen duquel on s’assurait la possession de choses convoitées. Entre les mains des prêtres et des souverains, le tabou devint une force redoutable qui coûta la vie à des milliers d’innocents. Kamehameha Ier en fit un fréquent usage. On raconte qu’il lança l’interdiction sur une montagne qu’il croyait pleine de diamants et que, afin de multiplier l’espèce bovine, il déclara les bœufs taboués pour cinq ans. Avec le grand Kamehameha, qui mourut sans avoir embrassé la foi chrétienne, disparurent les anciennes traditions de HawaÏ
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Cécile de Rodt voyage certes pour son plaisir, mais qu’elle ne manque pas de s’intéresser à l’histoire des peuples qu’elle découvre et un certain plaisir à parfaire sa culture. Elle est bien native d’une famille bourgeoise, elle a les moyens, mais n’a pas l’air de faire passer les futilités avant le reste. Elle préfigure une autre de ses compatriotes, Annemarie Schwarzenbach, la petite fille du général Wille qui commande l’armée suisse pendant la guerre 14-18, qui voyagea pas mal comme écrivaine et photographe réalisant de milliers de clichés. Elle sera aussi connue comme icône lesbienne et virulente antifasciste.
On remarquera dans la suite du récit que les femmes jouent un rôle important dans la vie politique du pays. Et dire que à la même époque, pour beaucoup d’Européens on pensait aller chez les sauvages.
Son fils, Kamehameha II (1819-1824), eut pour conseillère l’habile Kaahumanou, épouse favorite du vieux roi, qui, reconnaissant l’incapacité de son successeur, avait ordonné cette régence. La reine travailla activement à l’abolition du culte des idoles et de la loi du tabou. Kaahumanou conserva ses fonctions de régente lorsque, après la mort prématurée de Kamehameha II, survenue en Angleterre, et de sa femme, le prince Kanikeaouli, encore mineur, fut proclamé roi (1825-1854).
Cette femme énergique favorisa de toute manière le développement intellectuel et moral à Oahu, sans pour autant négliger les autres îles. Elle lutta avec acharnement contre les a vices contractés par son peuple au contact des blancs, dont la plupart étaient des marins déserteurs de la pire espèce. Dédaignant les jésuites qu’elle haïssait, elle appela les missionnaires protestants pour l’aider à combattre
les fléaux qui avaient envahi les belles îles à la suite de la prétendue civilisation et qui menaçaient de ruine la race kanake. Avant sa mort (1832), Kaahumanou eut la joie de voir le premier exemplaire de la Bible imprimé en langue maorie. Kinau, femme également énergique et sage, succéda à Kaahumanou; elle conserva ses fonctions de premier ministre, même après que le jeune roi, fourvoyé dans une société corrompue, se fut déclaré majeur et se fut emparé du pouvoir. Son fils Liholiho, qui lui succéda, sous le nom de Kamehameha IV, eut pour conseillère, après la mort de Kinau, survenue en 1839, Anhea, femme d’assez peu de valeur.
La première constitution rédigée en langue maorie date de 1840. L’une de ses dispositions porte que les biens et la personne de tout individu habitant les îles et vivant selon les coutumes du pays seront protégés, ainsi que toute communauté religieuse adorant Dieu. La charge de Kouhinanoui, c’est-à-dire de conseillère du roi, fut maintenue; les Chambres nommaient quatre juges qui, avec le souverain et la Kouhinanoui, formaient la Cour suprême.
Il est intéressant de constater que dans cet archipel perdu de l’Océan pacifique, les femmes sont appelées au gouvernement et considérées comme indispensables pour conseiller le roi et rendre la justice. Quel contraste- avec nos Etats européens, où la femme est systématiquement éloignée des affaires publiques, et où chaque progrès dans l’émancipation de notre sexe ne se fait qu’au prix de longues années de peines et de luttes!
A suivre
Sources : Wikipédia, B.N.F, DP



