Au temps du vinyle, la production phonographique française est assez minimaliste par rapport à un pays comme les USA. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Malgré tout, une immense partie de cette production restera dans l’ombre, par manque de soutien de la presse spécialisée, par manque de diffusion radiophonique, par manque promotion. Je me souviens d’avoir vu chez les disquaires des représentants de maison de disques faire la promotion de nouveautés du catalogue. Ils n’avaient rien de différent des autres représentants, sauf qu’ils vendaient ou faisaient la promotion des disques au lieu de brosses ou d’assurances. Il y avait ce qui était en demande, les fameux succès du moment, et des trucs moins connus ou inconnus qu’il fallait essayer de refiler au disquaire en vantant la marchandise, charge à lui d’en souligner les mérites auprès d’une clientèle dont il connaissait les goûts.
Malgré cela une très grande partie de cette production est restée inconnue, ne s’est pas ou mal vendue, c’est en général ces disques qui font le bonheur des encyclopédistes, même certains sont devenus de très estimables pièces de collection. Allons faire un tour dans ces publications dont la plupart vous sont inconnues, autant les chansons que les artistes, à moins que vous n’ayez été un chasseur de disques averti pour quelques uns d’entre eux. Toutes les publication dont je parle ici ont bien été éditées en France et sont uniquement des 45 tours.
1960 – Sam Cooke – The Bells of St. Mary’s. Sam Cooke connait un premier succès en 1958 suivi de bien d’autres. La France fit totalement l’impasse sur les débuts de sa carrière. Ce n’est qu’en 1960 qu’un premier EP est publié pas très loin du style gospel, une de ses spécialités. Cette publication qui n’intéressa presque personne est assez rare. Par la suite le public français connaîtra surtout Sam Cooke via les adaptations de ses succès postérieurs.
1963 – The Crystals / He’s A Rebel. Phil Spector est certainement un des producteurs dont la discographie est la plus recherchée à travers tous les artistes qu’il a produits. La France ne fait pas exception, d’autant plus qu’une partie des publications de son label Philles furent éditées en EP, chose qui intéresse passablement certains collectionneurs. Ils peuvent sortir des sommes assez rondelettes pour une copie originale. Avant de publier leur hit « Da Doo Ron Ron », London annonça la couleur en publiant « He’s A Rebel », le premier d’une série de 4 EP’s. Ils sont tous assez rares, mais le premier et le quatrième me semblent l’être plus encore. Jacques Revaux compositeur bien connu par la suite enregistra une adaptation de ce titre « J’attendais »
1963 – The Beach Boys / Surfin’ Safari. Il s’agit de la première publication française consacrée aux Beach Boys. Bien que le surf en tant que musique soit devenu rapidement populaire aux USA, la France résista passablement à son charme. La discographie française des Beach Boys resta assez confidentielle, les choses s’accélérèrent après la publication de « Barbara Ann » deux ans plus tard. Ce premier EP constitue une vrai rareté dans la discographie française.
1960 – Freddie Cannon / Talhassie Lassie. Freddie Cannon reste assez peu connu en France. C’est le cas contraire aux USA où il connut passablement de hits. Top Rank publie en France cet EP qui contient un de ses plus fameux titres, celui-ci. Il fut repris en 1965 par Larry Greco « J’y Laisserai Ma Peau ».
1963 – Kenny Chandler / Heart. Chanteur américain pratiquement inconnu en France, musique pour teenager en peine de coeur, cet EP publié par Vogue resta dans les oubliettes. C’est le type de chanson qui peut devenir un succès, mais n’en devient pas forcément un. Je suis sûr qu’une reprise faite par une pointure d’aujourd’hui, avec quelques passages dans les médias, cartonnerait.
1967 – The Collectors / Looking At The Baby. Groupe canadien aux influences psychédéliques et plutôt brillant dans les vocaux, cela me rappelle Left Banke pour ceux qui connaissent. Un unique et très obscur single fut publié par Riviera. Le groupe deviendra beaucoup plus connu un peu plus tard sous le nom de Chilliwack.
1970 – Jake Holmes / How Are You. Ce chanteur ne dira sans doute pas grand chose à beaucoup de gens. S’il est célèbre, ce n’est pas tellement grâce à cet obscur 45 tours publié en France, mais pour avoir créé la version originale de « Dazed And Confused » plus connu par Led Zeppelin après avoir été exploité par les Yardbirds.
1964 – Tommy Quickly / Tip Of My Tongue. Ce disque est très recherché, mais en fin de compte le chanteur n’y est que pour une petite minime. Cette chanson fait partie du lot que les Beatles composèrent mais qu’ils n’enregistrèrent pas eux-mêmes, du moins de manière officielle. Admettons qu’ils ne se sont pas non plus séparés de leur meilleure chanson. Mais cela suffit pour en faire un collector.
1968 – The Volumes / Ain’t That Lovin’ You. Groupe de funk soul noir, dont c’est la seule publication française. Pour les amateurs du genre c’est très certainement un bon truc. Mais à l’époque de sa publication, le public et les radios françaises devaient être occupées ailleurs.
1963 – Little Peggy March / I Will Follow Him. Commençons par une question. Quel chef d’orchestre français fut deux fois no 1 au USA, une fois comme compositeur, une fois comme interprète? Cette histoire commence presque comme un gag. Deux chefs d’orchestre, Paul Mauriat et Franck Pourcel décident d’écrire une chanson en commun qu’ils signent sous les pseudonymes de J.W. Stole et Del Roma et qu’ils intitulent « Chariot. Pourcel l’enregistre comme instrumental en 1961. Un peu plus tard Petula Clark l’enregistre toujours sous le même titre, mais en version vocale sur des paroles de Jacques Plante. C’est un immense succès dans les pays francophones. Aux USA, un imprésario découvre dans une soirée, une jeune chanteuse qui n’a pas quinze ans. Petite de taille, elle ne mesure moins de 1,50m, mais sa voix montre qu’elle a du coffre. Pour son premier disque, on lui fait enregistrer une version anglaise de la fameuse chanson. C’est un hit immédiat qui se hisse à la première place du hit parade américain. La chanson devient aussi un hit international et encore aujourd’hui elle se chante et est connue partout. En France, comme le disque fait assez double emploi avec le succès de la version française encore tout frais, elle n’a pas d’impact. Pour répondre à la question du début, c’est Paul Mauriat bien évidemment, il sera encore numéro en 1968, cette fois-ci comme interprète, avec sa version orchestrale de « L’Amour Est Bleu ».
1969 – Archibald / Shadows Of Your Love. Archibald alias Archie Legget est un bassiste anglais assez peu connu qui collabora avec d’autres musiciens. Sous ce pseudo, il fut un des premiers artistes à enregistrer sur le légendaire label Saravah, fondé par Pierre Barouh qui en avait marre de la soupe musicale que l’on nous servait même pas chaude. Comme pas mal de disques de ce label, on peut le classer dans la musique progressive à la française. C’est un bon collector assez recherché.
1966 – Renée Claude / De Mémoire. Une chanteuse canadienne très peu connue en France, malgré quelques tentatives pour l’imposer chez nous. Son répertoire, entre Barbara et Anne Vanderlove, bien que de bonne qualité, n’avait non plus pas de quoi révolutionner la chanson francophone, surtout qu’elle n’était qu’interprète.
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