Paris des rues et des chansons

Il y a les livre que l’on nous offre et ceux que l’on se paye. La beauté n’est pas incompatible avec les deux, bien que dans la deuxième possibilité on est toujours satisfait. C’est le cas de celui-ci. Il est assez prisé des amateurs de photographies et c’est un collector dans son édition originale de 1960. Il parle de Paris, de ses rues, de ses lieux, qui portent bien souvent le nom d’une chanson. C’est bien sûr l’oeuvre d’un photographe, René Maltête. Il ne fait pas de la photographie pour guides touristiques, mais cherche l’insolite. Les endroits visités montrent  une photographie à contre sens du nom de la rue ou en accord parfait avec son nom, mais dévié avec humour. On ne s’étonnera pas trop de voir la rue du Départ avec un corbillard suivi de quelques personnes. Mais on y trouve aussi les saisons , les hasards de la rue,  une suite humoristique. De l’humour, il y en a, il est toujours présent. La rue est d’ailleurs une grande source d’inspiration pour l’humour. Même aujourd’hui, il est toujours présent, il suffit de le guetter. Les silhouettes sont différentes, les décors aussi, l’humour à saisir au vol n’est plus tout à fait le même, mais toujours aussi drôle. Ici, les chansons sont présentes en toile de fond, mais plus que les chansons elles-mêmes, ce sont les chanteurs, les chansonniers, les écrivains qui alimentent le texte du livre. Comme ils sont la reproduction de manuscrits, on peut y voir le style de chacun. Une pléiade d’auteurs se sont fendus de quelques lignes pour commenter les photos. On y retrouve les noms de Vian, Gainsbourg, Ferrat, Ferré, Brassens, Aznavour, Mouloudji, Trenet, Chevalier, Mac Orlan, Fallet, et d’autres encore. La préface est de Jacques Prévert et les illustrations de Buffet, Siné, Peynet.
Partir un moment à le recherche du Paris d’il y a 50 ans, celui qui savait rêver en flânant, celui qui a laissé des traces que l’on retrouve ici. Les enfants figés sur les photographies ont-ils accomplis tous les rêves qu’ils cachaient à l’objectif du photographe?

Paris des Rues et des Chansons – René Maltête – Editions Pont Royal/Laffont  (1960) – Réédition Pierre Bordas 1995

Deux extraits

Un collant accroc au polar


Oui, Carol Higgins Clark est bien la fille de. Vous ne vouliez quand même pas qu’elle fasse un livre de recettes de cuisine, non? Peut-être pas aussi douée dans l’intrigue que maman, elle nous charme quand même avec une histoire cousue de nylon « L’Accroc ».
Imaginez le pire des cauchemars, un bricoleur invente le collant indestructible. Déjà là, il faut être un peu fou, quelle idée! Songez que votre chère et tendre, qui ne porte que trop rarement des bas à votre goût, achète ce maudit collant et hop! Les prochaines années, vous verrez toujours les mêmes jambes avec le même collant. De quoi susciter des vocations tardives de travesti. Heureusement tout ça n’est qu’une histoire imaginée par une femme qui n’a sans doute pas froid aux jambes.
Miami Beach, un coin rupin des States. Entre deux ouragans se tiennent quelques congrès. Ceux qui nous intéressent particulièrement ici sont celui des entrepreneurs de pompes funèbres et celui des professionnels de la bonneterie. Au milieu de tout ça, un inventeur de collant indestructible et un détective  qui passe par là avec une paire de talons hauts, normal c’est une femme. On y suit ces aimables personnes, plus quelques autres qui le sont tout autant, sinon moins. Comme toute bonne histoire qui se passe là-bas, on y bouffe du homard à l’américaine, on y boit du café au jus de chaussette et on y parle l’anglais avec un accent nasillard en mâchant du chouine gome. Quelques tentatives de meurtre, une maison de retraite menacée par les requins, pas ceux que l’on trouve à quelques encablures de la plage, mais plutôt dans la finance. Des mannequins, des rencontres et tout et tout. Que deviennent les collants dans tout ça? Un polar qui a la couleur du ciel quand il se fâche, noir!

2 livres pour 250 grammes

Freddy Buache – Buñuel – – 1990 – L’Age d’Homme

Ignorer Buñuel et son cinéma, c’est un peu comme manger un steak sans songer qu’il peut s’accompagner de frites. Si je suis passionné de cinéma, pas la daube que veut nous servir Hollywood aujourd’hui, c’est en découvrant des réalisateurs comme lui que je me suis mis à l’aimer vraiment. Le cinéma américain a eu son heure d’or, je pense à Chaplin et quelques autres, mais je lui ai toujours trouvé un air convenu. Imaginez ces héros qui traversent le désert, qui crèvent de soif depuis trois jours, mais qui sont toujours bien rasés, quel suspense. La richesse des diverses cultures de l’Europe a toujours permis un mélange détonnant et étonnant. Le cinéma est la parfait miroir de cette diversité. L’Allemagne de Lang, de Murnau, de Wiene est peut-être la plus prestigieuse. La France de Renoir, de Carné, de Duvivier peut presque lui damner le pion. L’Italie viendra plus tard, le fascisme est né tôt là-bas, mais De Sica et sa suite s’y mettront de belle manière. L’Espagne des années 30 n’a pas grand chose à nous offrir si ce n’est Buñuel, mais il est de taille, de la taille de La France et des Surréalistes qui l’accueillent. Il y sera consacré, il partira, il reviendra. Son cinéma qu’il soit d’ici ou d’ailleurs ne sera jamais très conventionnel. Les criminels y sont des saints, les curés des monstres, les femmes sont obscurs objets du désir. Par certains côtés il sera un cinéaste fétichiste, les chaussures, les bas, les corsets seront de la parade, devenant objets visibles du désir.
Freddy Buache, retraité conservateur de la Cinémathèque suisse analyse le personnage à travers son oeuvre de belle manière, soulignant au passage tout ce que nous n’avons pas vu ou pas compris dans ses films, son cinéma est parfois un labyrinthe de pensée. Merci à lui.

Georges Simenon – La Chanbre Bleue – 1963 – Le Livre de Poche

Du Simenon sans Maigret et pourquoi pas. On allie tellement l’écrivain à son héros que l’on oublie parfois qu’il existe un autre auteur, un peu plus coquin. C’est notre fidèle visiteur, Valmont, merci à lui, qui m’a mis sur la piste sur cette petite perle née dans une huitre aux aventures meurtrières. Contrairement à Columbo, on ne connaît pas l’assassin dès le début, même plus, on ne sait pas s’il y a eu meurtre ou pas. On s’en doute, car il y a tout l’appareil policier et judiciaire qui apparaît et disparaît au fil du récit. Mais que se passe-t-il dans cette petite bourgade perdue dans un coin de France? C’est le lecteur, bonne poire, qui va peut-être trouver  matière à son meurtre imaginaire en découvrant l’histoire du personnage principal. Mais en sont-ils capables, en réalité ou en imagination pour le lecteur? Tout commence dans une chambre bleue et…