Un jour de 61

Mon ami Loudstart, fidèle contributeur à mon blog, m’a envoyé une petite histoire qui va tout à fait dans le cadre de son excellent récit « Buick et bas coutures ». Encore une histoire de bagnole et de bas coutures?  Oui, mais en se rappelant que sa mère avait l’habitude de ne point trop tenir secret ce qui se cachait sous ses robes. Elle nous emmène une fois de plus dans ce merveilleux voyage fait de dentelles, de nylons et de cette foutue bagnole qui a une forte tendance à singer sa propriétaire, c’est à dire n’en faire qu’à sa tête. En voiture et merci à l’auteur.

En 1961, pendant que nous étions en vacances à Auch, une amie d’enfance de ma mère qui habitait Toulouse est venue passer un week-end à la maison. Arrivée en fin d’après-midi le samedi dans sa petite quatre chevaux, nous nous retrouvons après le déjeuner du dimanche midi.

En 1961, pendant que nous étions en vacances à Auch, une amie d’enfance de ma mère qui habitait Toulouse est venue passer un week-end à la maison. Arrivée en fin d’après-midi le samedi dans sa petite quatre chevaux, nous nous retrouvons après le déjeuner du dimanche midi.

Ma mère propose d’aller faire un tour sur le mail, Arlette, c’est le prénom de l’amie, n’est pas particulièrement enthousiaste, elle préfèrerait rester à bavarder tranquillement. Mais ma mère insiste.

– Tu vas voir, il y a beaucoup de monde, c’est très  agréable d’arriver en Buick décapotable et d’en descendre devant tous ces gens impressionés. Et sans attendre la réponse d’Arlette, elle demande à mon père de sortir la voiture.

En attendant, les deux amies restent à discuter assises sur le canapé.

Ma mère s’est très bien habillée en perspective de cette sortie du dimanche sur la promenade.

Elle porte une robe de skaï noir avec de long gants assortis et des escarpins découverts à lanières de cuir noir.

Mon père est descendu, on entend le démarreur de la Buick par la fenêtre ouverte.

Démarrage 1 son mp3

Arlette demande.

– Qu’est-ce que c’est ce bruit ? Ma mère lui répond.

– C’est la Buick qui démarre, on va y aller. Pendant ce court échange, mon père continue à tirer sur le démarreur.

– Tu es sure, elle n’a pas l’air de vouloir partir. Je sens que ma quatre chevaux va servir. Ce n’est sûrement pas aussi bien que ta Buick, mais elle démarre, elle.

-Tu plaisantes ! Tu nous vois arriver en quatre chevaux. Tu ne peux pas savoir le succès que j’ai en Buick.

– Aujourd’hui elle n’a pas l’air de vouloir t’emmener ! Le démarreur continue à se faire très présent.

– Ecoute, elle va démarrer, le moteur commence déjà à tousser.

Démarrage 2 son mp3

– Ah, déjà ! C’est au moins le dixième coup de démarreur !

– Peut-être, je n’ai pas écouté, répond ma mère. Arlette change de sujet.

– Tu n’as pas chaud avec cette robe en skaï et des bas en plein mois d’Août ?

– Pas du tout, et je porte des bas tous les jours, je me sens nue sinon.

– De toute façon, si tu retrousses toujours autant tes jupes tu ne dois pas avoir bien chaud.

– Voilà, c’est ça ! Coupe ma mère qui commence à s’agacer d’entendre le démarreur qui ralentit sans que le moteur parte.

– Oui, eh bien moi je suis sûre qu’elle ne va pas partir ta belle Buick. Ecoute la batterie est morte. Ma mère lui répond.

Et alors, il y a la manivelle dans ces cas là. Effectivement on entend mon père descendre et le bruit de la manivelle.

– La manivelle ? Interroge Arlette.

-Eh bien oui, comment tu fais avec ta 4cv quand elle ne démarre pas.

-Je n’ai jamais eu besoin de me servir de ce truc ! D’ailleurs je ne me rappelle pas avoir vu quelqu’un s’en servir. C’était sur les voitures d’avant guerre ça.

-Nous on s’en sert, et c’est très pratique. Coupe ma mère.

Démarrage 3 son mp3

– C’est peut-être pratique mais ça n’a pas l’air d’être plus efficace qu’avec le démarreur, elle est en panne ta Buick, on dirait.

– Ce que tu peux être défaitiste, soit un peu patiente, fait comme moi, fume une cigarette.

– Merci je ne fume pas. Pendant ce temps le bruit de la manivelle continue d’arriver par la fenêtre, et enfin le vieux moteur démarre.

– Tu vois, ça n’a pas été bien long, allons-y, dit ma mère en se levant et en lissant sa jupe.

– J’èspère qu’on démarrera mieux en quittant le mail tout à l’heure, dit Arlette.

– Tu sais, ce n’est pas bien loin , la batterie ne sera pas assez rechargée, on partira à la manivelle.

– A la manivelle devant tout le monde ? On va être ridicules.

-Au contraire, on aura le temps de bien se faire admirer.

– N’importe quoi, se faire admirer dans une voiture en panne, on va prendre ma voiture ! Ma mère sourit.

– Tu sais, on est souvent obligé de démarrer avec la manivelle. C’est plutôt agréable de voir les gens qui regardent, je suis fière d’être dans une grosse américaine décapotable, même si elle a du mal à démarrer. Allez, viens, tu verras.

– Allons-y soupire Arlette.

– Elle va mieux démarrer j’éspère ?

Ma mère se contente de hausser les épaules en retroussant sa robe avant de monter.

Nous partons pour la promenade, ma mère s’installe au milieu de la banquette avant, en retroussant sa robe au-dessus de ses fesses et fait asseoir Arlette à coté d’elle. On reste près de deux heures à se promener, et à boire un café en terrasse, puis vient l’heure de rentrer. Le mail est plein de badauds, qui jettent un œil au passage sur la Buick garée au beau milieu. Arlette demande à ma mère.

– Tu te rends compte que tu as montré ta culotte à tout le monde ? Lui dit Arlette.

– Et alors, elle n’est pas jolie ? Pendant ce temps mon père essaye d’utiliser le démarreur.

– Mais la batterie n’est pas assez rechargée, ma mère attrape la manivelle devant les pieds d’Arlette et la donne à mon père pendant qu’il descend.

– Et voilà, tout le monde nous regarde, on a l’air malines ! Râle Arlette.

– Tu n’as pas fini de rouspetter, prend plutôt du plaisir à te faire regarder. Arlette ne dit plus rien pendant un long moment.

Mon père tourne la manivelle sans résultat. Ma mère allume une cigarette. Arlette reprend.

– On voit ta culotte jusqu’au nombril !

– Et alors ?

– En plus on sent le siège qui bouge avec la manivelle, ça te plait d’avoir les genoux en l’air avec tes talons aiguilles qui te remontent les genoux sous le menton ?

– J’adore ces sensations.

Pendant ce temps, mon père abandonne et va demander à des passants de nous pousser. Quelques personnes viennent se mettre à l’arrière de la Buick. Arlette demande.

– On ne descend pas les aider ?

– Descends si tu veux, moi j’ai des talons trop hauts. Arlette descend pour aider à pousser tandis que ma mère reste assise au milieu de la banquette. Enfin la Buick démarre et nous rentrons. Arlette a repris son souffle.

– Je ne suis pas prête de l’oublier ta ballade.

– J’y ai pris un grand plaisir ! Répond ma mère en rajustant ses jarretelles.

– Eh bien dans ce cas évite d’emmener tes amies, dis toi qu’elles n’ont pas le même genre de plaisirs que toi!

 

Promenade à la lisière des bas avec Achille Talon

Achille Talon vous connaissez? Mais oui, c’est ce héros de BD au verbe fleuri et au vocabulaire exhaustif, créé par le regretté Greg dans les années 60. Cas unique dans l’histoire du genre, l’auteur est autant un écrivain qu’un dessinateur, le texte presque plus important que l’image. Entouré de son irascible voisin Lefuneste, des ses parents, autre cas unique pour un héros dessiné, il va vers le verbe.  Son papa, Alambic,  grand consommateur de houblon mis en canettes, est le pendant modérateur du lyrisme filial.  Le grand penseur se devait d’avoir une dame dans ses pensées. Virgule de Guillemets remplit ce rôle, tantôt conquise, tantôt capricieuse. Au contraire des histoires qui finissent bien, il ne se marient pas et n’auront pas beaucoup d’enfants. Alors, essayant de me plonger dans l’Achille Talon dixit, après myself, San-Antonio, j’ai imaginé une nouvelle promenade à la lisière des bas en imaginant comment il aurait contemplé la chose.

Dans les superlatifs de la féminité en nylon, le regard acéré du connaisseur contemple de son oeil ruisselant, le bas qui charme le citoyen horripilé par l’horloge qui avance à l’heure du collant. Le contemplateur dans un soupir jouissif, s’attarde au croisement des fils allant sur les autoroutes de la futilité attirante des deniers sans demi-mesure. Issu des machines à tisser le joug de son acharnement béat, il part en exploration joyeuse aux confins de sa soyeuse obsession vestimentaire. Du pas assuré de l’explorateur qui méprise l’inconnu de son savoir glané dans les meilleures écoles du savoir inné, il jauge la lisère sereine comme l’obstacle ultime à conquérir. Tel le cosmonaute errant sur la planète lointaine cherchant un magasin de lingerie pour offrir un cadeau à sa maîtresse lors  son retour, il guette la félicité qui d’un revers de regard balaiera la poussière de ses préjugés. Il accueillera la jarretelle qui tient sa libido fixée sur la jambe de ses errements contemplatifs, comme la rédemption de sa soif après la traversée de son désert imaginatif. De l’hameçon accroché au fil de nylon, il ferrera les images qui iront frétiller dans l’épuisette de sa quête avide de plaisirs sensuels.

Lettre à l’amant fétichiste

Mon Amour,

Depuis ton départ les jours se traînent,  ruisselants d’ennui. La grisaille des heures défile au tic tac lent de cette pendule qui retient le temps. Mon seul sourire est mon âme, qui je sais, va vers toi par delà les montagnes, obstacles ou s’étirent les distances cruelles. Je t’écris comme tes fantasmes me l’ont demandé. J’imagine tes mains remontant le long de mes jambes, ces jambes que tu trouves si belles et qui ne sont pas nues. Ta bouche parsèmera de baisers  le voile qui les recouvre. Je vais t’avouer pour te faire regretter d’être parti, que tu n’as pas encore vu les trésors que je te destine quand tu reviendras. Mon corps s’enflamme de l’ imagination des désirs,  il me semble sentir la chaleur de tes mains sur ces  petites marques discrètes  qui soulèvent un peu le tissu de ma jupe. Je sais que tu les aimes tant, que tes sens se plaisent à imaginer le secret encore caché. Surprise en est la couleur, j’aurais voulu en inventer une qui n’existe pas sur la palette des désirs du peintre un peu fou. Quand tu les découvriras, tu seras comme le poète qui a trouvé les rimes en mille carats.

J’ai toujours en moi cette douce sensation  qui se répandit dans mon corps sur le quai de la gare des au-revoir. Tes doigts qui se glissaient entre le manteau et la robe cherchant l’endroit ou le bas se fait lisière, là ou se cache l’objet de tes désirs qui garde  la frontière de ma peau nue. J’étais folle de tous mes sens, folle de ne pouvoir jeter au loin la robe et la manteau, folle de te sentir en moi. J’aurais voulu crier à la foule anonyme que les éclats  de mon bonheur, briseraient les icebergs de leurs regards qui vont  à la rencontre des bateaux qui filent dans la nuit. Le souvenir des visages de l’ombre s’est effacé des limbes de ma mémoire. Ton visage, seul, reste présent sur l’écran où je visionne ce qu’il m’appartient de toi. Je sais qu’il en est un autre  où mes jambes défilent devant tes yeux avides. Les reflets de ton regard , en se posant sur la couture de mes bas illuminent la route qui conduit là-haut, vers la félicité des douces soieries.

Viens, je t’attends,  je t’attends comme on attend la folie quand on l’imagine merveilleuse. Les lampes falotes du quai qui nous sépara, se transformeront en soleil qui annonce l’ aube triomphale des retrouvailles. Je serai là avec les secrets que je te destine, que ta main aventureuse essayera de deviner dès que nos corps se toucheront. Que le route sera longue jusque à  l’instant ou je pourrai abandonner toute pudeur, quand ma jupe glissera à mes pieds. Toi, à genoux dans une prière païenne, tu désireras  éteindre le feu qui brûle en toi. Mais comment l’apaiser? Je ne suis que la bûche résineuse qui l’alimente pour mieux le rendre chaud sur l’autel des passions infinies.

Oui mon Amour, cet enfer que l’on dit pétri de flammes, nous le transformerons  en paradis. Peut-on mourir de plaisir au paradis?

Ton Amour  qui brûle de Ta fièvre