Un dimanche sur les traces de l’opéra de papa

Comme le dimanche est un jour de calme pour l’esprit, même en période de confinement, alors pourquoi pas profiter de se cultiver un peu. Comme je le dis toujours, dans la culture il n’y a rien qui ne sert à rien. On va explorer un air d’opéra. Musique souvent dédaignées par les jeunes générations, elle n’en manque pas moins d’attraits, d’ailleurs les musiciens pop l’ont quelquefois mis à leur programme. Alors partons à la découverte de l’ancêtre de notre opéra rock, c’est différent mais pas inaccessible. Plus que les autres musiques, il nécessite de bien vouloir se laisser charmer.

Mon père vers 1907

La première musique dont j’aurais pu devenir un connaisseur, ce n’est pas le rock and roll ou la pop music, mais l’opéra. Mes parents en étaient de grands amateurs. Ma mère, une Italienne bon teint, avait été bercée par cette musique. Elle me racontait qu’elle allait voir ces belles dames qui sortaient de La Scala à Milan, les soirs de concerts. Vittorio De Sica fait allusion à ce phénomène dans son film « Miracle ä Milan ». Mon père aimait les belles voix, lui-même avait tâté de plusieurs instruments à cuivres, même que la Garde Républicaine voulait l’engager, chose qu’il avait refusée car il détestait tout ce qui pouvait ressembler à quelque chose de militaire. Avant d’avoir un lecteur de disques dans la famille, c’est la radio qui était branchée sur les postes qui diffusaient ce genre de musique. Alors des airs d’opéras, j’en ai entendu plus souvent qu’à mon tour. J’écoutais par la force des choses, sans détester, sans faire des sauts de joie non plus. Si je ne m’intéressais pas de savoir qui chantait quoi, ma mémoire auditive en a quand même mis un sacré paquet de côté dans le tiroir correspondant. Mon père me parlait de ses idoles à lui, il y avait Enrico Caruso, Giuseppe Di Stefano, Mario Del Monaco, Maria Callas, le constat était toujours le même, ils avaient de belles voix et je ne peux que lui donner raison. Plus tard quand j’ai exploré par curiosité cette musique, il m’arrivait souvent de penser « Ah tiens ça je connais ! ». Un film documentaire m’avait passionné « Le Baiser De La Tosca » de Daniel Schmid, sorti en 1984. Un film acclamé par la critique américaine et que Dustin Hoffman a choisi de présenter suite à sa restauration lors du trentième anniversaire de sa sortie. Le film se déroule à la Casa Verdi, fondée par le célèbre compositeur, une maison de retraite à Milan qui accueille de plus ou moins vieilles gloires de l’art lyrique. On y retrouve des personnes à jamais marquées par cette sorte de combat à coup de voix plus belles les unes que les autres, d’instruments de musique précis comme la colère divine, d’amours éternels qui n’existent que dans les rêves. On a parfois l’impression qu’elles attendent leur dernier soupir, pas du tout de manière triste, dernier soupir qui les enverra dans les nues rejoindre Puccini, Verdi, Rossini. La maison et ses pensionnaires sont un autre opéra dont les murs suintent de milliers de notes qu’eux seuls sont capables de chanter ou de jouer. C’est une comédie musicale à l’envers, rien n’est imaginaire, tout est vrai.
Ceci dit, je considère l’opéra aussi intéressant que toute autre musique. Pour l’exécutant elle demande un don qui n’est pas accessible à chacun, mais quel don, celui de faire vibrer les murs d’une immense salle, sans le moindre micro. Il faut sans doute une discipline de fer et de faire, bien qu’il paraît que Caruso fumait comme un pompier, il mourut d’ailleurs jeune. Réservé d’abord à une élite fortunée, l’opéra s’est bien démocratisé au fil du temps. Rendu accessible par le phonographe et ensuite par le microsillon, chacun pouvait au moins par l’oreille l’écouter avec délectation. Luciano Pavarotti a fait un énorme travail pour le rendre populaire, n’hésitant pas à mélanger le classique et la musique moderne, interprétant des duos avec James Brown, Elton John, Joe Cocker et des tas d’autres, ou mettre des chansons comme « My Way », « Volare », à son répertoire. Aujourd’hui, des foules considérables se déplacent pour aller voir des spectacles d’opéra. Ce n’est plus l’affaire de quelques croulants, mais un public qui mélange tous les âges. Les Arènes de Vérone sont un des lieux les plus courus en Italie. Pendant six mois, presque sans arrêt, des spectacles se jouent à guichets fermés dans une arène qui peut contenir 22000 personnes assises, enceinte jouissant d’une acoustique parfaite. Si l’on se contente d’une modeste place, on peut aller écouter de l’opéra pour 10 euros.

Alors prêts pour écouter un peu d’opéra ?

A tout seigneur, tout honneur. Caruso, la première star internationale de l’opéra. Un extrait de « L’Elixir D’Amour » de Donizetti « Una Furtiva Lagrima ». Cet enregistrement date de 1904 et s’il ne restitue pas pleinement la voix de Caruso, il en donne une belle idée.

Luciano Pavarotti, extraordinaire d’intensité, dans ce qui est à mon avis un des plus beaux opéras « La Tosca » de Puccini. L’extrait « E Lucevan Le Stelle » en est le plus célèbre. Bien que l’opéra ne soit pas exclusivement une spécialité italienne, c’est sans doute la langue qui convient le mieux à ce genre d’exercice.

Roberto Alagna est un ténor franco-italien qui ne démérite pas. Il chante un très bel et célèbre air, celui de l’introduction « La Sicilienne » de « Cavaliere Rusticana » composé par Mascagni. Dans la réalité, cette partie se passe dans les coulisses, on ne voit pas le chanteur qui se montre en scène juste après. Ce clip est intéressant car les paroles françaises s’affichent à l’écran et permet de comprendre ce qui se dit dans un opéra, dont les paroles ne sont pas toujours très accessibles, à l’instar de la musique classique, qui est muette mais qui parle avec des notes. L’opéra en principe, est toujours chanté dans la langue originale. Pour moi, c’est le premier air d’opéra qui m’a marqué et qui m’a aussi décidé d’en découvrir plus. Dommage pour les bruits de fond dans l’enregistrement.

Mario Del Monaco, une autre star de l’opéra et une puissante voix. Il chante un des plus célèbres opéras de Verdi « La Traviata » extrait « Lunge Da Lei – Aria Di Alfredo » », un des ces airs qui tournaient presque en boucle sur l’électrophone paternel. Je connais cet air par coeur, auquel je prêtais une oreille qui n’était pas complètement indifférente.

Autre extrait très connu de « La Traviata », en quelque sorte la chanson à boire « Brindisi », un duo avec choeurs.

Ruggero Leoncavallo est un peu moins connu que les autres compositeurs italiens. Mais il suffit d’entendre une fois l’introduction de « Vesti La Giubba » de « Pagliacci » pour s’en rappeler toujours. Ici le maestro Giuseppe Di Stefano, l’un des interprètes les plus populaire de l’opéra italien, une des idoles à mon père.

José Carreras, Plácido Domingo, Luciano Pavarotti. dans « La Donna E Mobile », de « Rigoletto » et toujours Verdi, trois ténors pour le prix d’un.

Un ténor nouvelle vague, l’Américain Michael Spyres. Ici dans l’opéra de Bizet « les Pêcheurs De Perles » et le très célèbre « Je Crois Entendre Encore ». Pour moi, cette mélodie est un des musts de l’opéra.

Le regretté baryton russe Dmitri Hvorostovsky, une étoile qui brillait de mille feux et qui a l’air de bien s’amuser dans le « Largo » du « Barbier De Séville » de Rossini. Son chant est très intelligible.

Alfredo Kraus est un ténor espagnol, considéré comme l’un des plus grands. Avec « La Partida » d’Alvarez, qui ne fait pas partie d’un opéra, il montre le punch que l’on peut donner à une chanson qui reflète l’âme espagnole.

Maria Callas, la reine de l’opéra. Ici c’est un peu la Castafiore de Tintin, mais oui c’est le célèbre « Air Des Bijoux » de Faust via Gounod. Alerte aux abris elle va chanter comme dirait le capitaine Haddock !

Toujours Maria Callas et Bizet dans « Habanera » de « Carmen », parmi les plus célèbres airs d’opéra.

Pour terminer, un truc que j’aime moins mais que j’admire pour la performance. Vivaldi n’a pas composé que ses célèbres « Quatre Saisons ». Dans l’opéra « Griselda », la partie intitulée « Agitata Da Due Venti’ est une vacherie telle qu’on peut se demander s’il pensait que quelqu’un serait capable de l’interpréter un jour. Les candidates ne se pressèrent pas au portillon, mais la cantatrice Cecilia Bartoli s’en tire à merveille et l’on considère son interprétation comme phénoménale. Elle fascine tellement que même si elle chantait à poil, on ne s’en apercevrait même pas. Tout en chantant le répertoire classique, elle aime interpréter et recherche des airs qui n’ont jamais eu de mise en lumière. C’est assurément l’une des plus grandes cantatrices actuelles, une cantatrice de l’impossible, et ce n’est pas moi qui le dit.

8 réflexions sur “Un dimanche sur les traces de l’opéra de papa

  1. Bonjour M. Boss,
    Même si ce n’est pas ma tasse de thé l’Opéra. J’aime tout découvrir car
    tout est intéressant dans la musique, j’ai pu aller quelques fois à l’Opéra de Lyon et je n’en suis jamais sorti déçu, si le dé confinement me le permet je me suis même inscris avec mon amicale de retraités aux Chorégies d’Orange le 10 juillet pour le spectacle Samson et Dalila Opéra d’Augusta Holmès et Camille Saint-Saëns avec le ténor Franco-Italien Roberto Alagna.
    Joyeuses Pâques
    cooldan

    • Hello Cooldan,
      Comme pour vous, ce n’est tout à fait ma tasse de thé. Mais il n’en reste pas moins que c’est un art admirable. On y trouve de jolies mélodies et aussi de belles histoires. Comme pour le reste, je sélectionne mes écoutes selon mon attirance. Comme je le dis pour la dernière vidéo avec Cecilia Bartoli, j’admire plus ce qu’elle réussit à faire que l’oeuvre elle-même.Je suis un peu comme le capitaine Haddock face à la Castafiore, il me semble qu’ Hergé aimait plutôt le jazz que l’opéra, c’est ce qu’il fait dire à son capitaine en se moquant un peu des divas.
      Je consomme, mais modérément.
      Joyeuses Pâques à vous aussi.

  2. Bonjour Messieurs,

    « Figaro-ci, Figaro-là… ». Pastiche des studios Hanna et Barbera en DA.
    L’opéra est assimilé parfois pour certaines personnes à de la musique classique donc un genre réservé aux initiés, uniquement. Comme la comédie musicale, c’est souvent une histoire tragique chantée qui retrace les déboires d’un couple d’amoureux. Et dans cette catégorie, de grands noms ont porté la note à l’excellence.
    Mon grand-père maternel, grand fan d’opéras, vécut à Naples et il nous racontait ses escapades nocturnes avec un camarade, dont le père était gardien d’un théâtre, pour y suivre en coulisses les opéras qui y étaient joués régulièrement. Sa préférence allait naturellement pour les œuvres du chantre de l’indépendance italienne Giuseppe Verdi, qui naquit à Nice, alors possession italienne avant 1860.
    Mais c’était avant.
    Bonne pâques à vous. Peter.

    • Hello Peter,
      Je pense qu’il a fallu toute une évolution pour que la musique actuelle passe dans les moeurs. Le classique et l’opéra étaient réservés à une élite qui avait plus ou moins les moyens. Les grands compositeurs ne réussirent vraiment que s’ils étaient appuyés par des gens fortunés ou selon les faveurs d’un roi. Mais à coté il y avait les troubadours qui entretenaient une tradition de chansons qui se transmettaient de bouche à oreille. ceux-là étaient plus visibles, on pouvait les entendre dans la rue, dans les marchés. Pendant bien longtemps ce fut le seul contact des petites gens avec la musique. Paris a gardé longtemps la tradition des chanteurs de rue, sortes de troubadours plus modernes. Mais il est vrai que la musique classique aujourd’hui n’intéresse que les musiciens de haute volée, mais il y a toujours un public amateur.
      Bonne suite de week-end.

  3. Bonjour Mr Boss,

    C’est très juste. Très souvent les souverains protégeaient les artistes qu’ils pensionnaient en échange d’un panégyrique de leur règne.
    En cela, Louis XIV a excellé dans ce domaine et tous les grands corps artistiques ont servi sa gloire, de Lebrun à Lully, De Hardoin-Mansart à leNôtre. Tout était ordonné selon le bon plaisir du Roi. Ils étaient en quelque sorte « les ambassadeurs du bon goût « .
    De grands compositeurs ont débuté leurs carrières comme « maîtres de chapelle » , attachés à une maison aristocratique qui subvenaient à leurs besoins. Je pense en particulier à Beethoven et à Bach. Deux siècles plus tard, leurs œuvres font toujours l’unanimité. Divine inspiration ? Plutôt génie de la Musique.
    Bonne Pâques. Peter.

    • Hello Peter,
      Louis XIV était lui-même un assez bon musicien parait-il, il jouait de la guitare. Dans le répertoire médiéval, pas mal de chansons ou musiques font référence à un roi. Il y avait dans les années 1970 un groupe qui s’appelait les Ménestriers, spécialisé dans ce genre de musiques, c’est un peu à travers eux que j’ai découvert cette musique. J’aimais bien, j’assimilais cela à du folk très en vogue à l’époque. Maintenant il y a Ars Antiqua de Paris.qui évolue dans le même style et pas mal du tout.
      Bonne semaine

  4. Bonjour Mr Boss,

    Oui, et même le Roi-Soleil était également bon danseur. D’ailleurs, dans l’un des films qui lui sont consacrés, il participe, costumé en Astre solaire, à un ballet mis en scène par Lully ou un autre compositeur de sa cour.
    J’ignorais l’existence du groupe musical « les Ménestriers ». J’irai les découvrir sur YouTube.
    Chassez le naturel…
    Bonne journée. Peter.

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