Bas nylons et magazine 64

En fouillant des magazines musicaux anglais d’époque, on trouve des choses intéressantes. Ceux qui ont vécu cette époque ne manqueront pas de se rappeler un tas de choses, et les autres d’en apprendre. Comparativement à la France, l’Angleterre a eu beaucoup plus de magazines pointés vers la jeunesse affamée de musique, souvent des hebdomadaires, chose inconnue en France. Entre 1963 et 1966, si l’Angleterre  a perdu des colonies au cours du siècle, elle a fait une reconquête du monde, comble de l’ironie, avec de la musique très inspirée ou carrément importée des USA. Les Beatles furent les plus visibles, ils réexportèrent leur musique à travers le monde, mais bien d’autres s’engouffrèrent dans le mouvement avec plus ou moins de réussite. Un nombre beaucoup plus restreint d’artistes américains parvinrent à conquérir le marché anglais, le plus en vue fut certainement Roy Orbison, vrai star en Angleterre. La politique s’en mêla et les Ricains finirent par distribuer les permis de travail (aller se produire chez eux est considéré comme un travail), en échange de la réciproque pour leurs propres artistes. A travers quelques pages de la revue Pop Weekly de 1964, nous allons revoir quelques faits et surtout de très intéressantes photos qui ne sont pas très courantes, j’en ai même trouvé que je n’avais jamais vues.

Une photo des Yardbirds, sans doute une des premières publiées dans un magazine. En blanc, c’est Eric Clapton qui est alors le guitariste du groupe. A ce stade, ils ne sont pas encore très connus, ils viennent de publier leur second 45 tours après le flop du premier. mais la revue juge qu’ils devraient très bientôt connaître le succès, ce qui s’avéra juste.

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Pas très facile de reconnaître les Rolling Stones sur cette photo. Ce sont pourtant bien eux, et ils commencent à marquer des points.

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Les Beatles sur une photo qui doit bien dater d’au moins 18 mois, sans doute une de leurs premières sessions photographiques.

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Les Merseybeats qui connaissent un bon succès avec « I Think Of You », qui restera d’ailleurs le plus grand.

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Un groupe qu’il faut bien considérer comme un rival sérieux des Beatles. C’est l’illustration parfaite de mon propos d’entrée. A une exception près, tous leurs gros hits sont des reprises de trucs américains, dont ils font des reprises qui ne sont pas dénuées de charme. Par contre leur titre le mieux classé aux USA (no 3) « Love Potion Number Nine » ne fut pas un succès en Angleterre.

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Les Fourmost, l’un des groupes qui bénéficia de l’exclusivité de deux compositions Lennon/McCartney que les Beatles dédaignèrent « Hello Little Girl » et « I’m In Love » qui furent des succès pour eux.

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La crème des chanteuses anglaises à succès : Cilla Black, Dusty Springfield, Sandie Shaw, Helen Shapiro, Petula Clark.

 – Peux-tu jouer la dernière des Beatles ?

– Je vois qu’il y a un concert des Animals ce soir!

– Je ne peux pas te voir demain soir Hilda, je me lave les cheveux…

– J’ai trouvé pourquoi ton micro fait un bruit bizarre, tu as pris mon rasoir électrique !

Brian Poole et les Tremoloes, les fameux qui furent signés par Decca en préférence aux Beatles.

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Un classement des meilleurs succès hebdomadaires. Le hit parade va un peu à l’encontre de ce que je disais en introduction, 4 artistes américains figurent dans les 10 premières places, mais c’est une lucarne sur une semaine seulement. Le POP STAR CHARTS est un classement établi par les lecteurs qui votent pour leurs artistes favoris, c’est donc assez aléatoire. Mais Presley est premier en solo et les Shadows pour les groupes. Les Beatles ne sont que troisième. Dans le rappel du hit parade américain, on peut constater un certain décalage avec d’anciens titres des Beatles encore classés comme « Love Me Do » ou « PS I Love You » première publication anglaise en octobre 1962.  Cela s’explique par le fait que la discographie des Beatles en publication US a mis du temps avant d’être homogène. Plusieurs maisons ont été distributrices du catalogue au début : Tollie, Swan, Vee-Jay, et finalement Capitol. L’édition du premier single anglais aux USA n’a eu lieu qu’en avril 1964 sur le label Tollie. Par contre au niveau classement, elle fera nettement mieux qu’en Angleterre puisque « Love me Do » sera no 1.

Un classement établi sur six mois et qui classe les artistes selon leurs classements dans le hit parade, 1er 20 points, 2ème 19 points etc… Nous constatons que les Beatles sont en tête, suivis d’assez loin par les Bachelors, les Searchers, Gerry & Pacemakers. La deuxième place des Bachelors, trio vocal irlandais, n’est pas trop étonnante car c’est un groupe qui collectionne les tubes. On pourrait trouver leurs chansons un peu ringardes, très souvent des reprises de très vieux succès.  Mais elles plaisent à une certaine jeunesse ne suivant pas forcément les derniers cris de la mode et évidemment aux plus âgés. Ils sont aussi relativement populaires aux USA et des les pays anglophones. Si je ne suis pas un fan absolu, je dois admettre que vocalement c’est bien foutu.

Versions pas originales mais originales

Des versions inattendues, des découvertes, ou le résultat de rencontres improbables.

Manfred Mann dans le répertoire de Big Mama Thorton via Presley.

Les Beatles chantent Consuelo Velasquez, tout le monde connaît la chanson mais pas forcément la chanteuse.

Les Byrds imitent où se foutent, on ne sait pas très bien, des Rolling Stones.

Deux grands vocalistes au répertoire assez opposé, mais on trouve le moyen de faire quelque chose ensemble.

La pulpeuse Mae West s’essaye au répertoire des Beatles.

Encore Manfred Mann, une reprise jazzy de « Still I’m Sad » des Yardbirds et « You Don’t Know Me » de Eddy Arnold / Ray Charles.

Un duo improbable, mais quand deux allumés se retrouvent.

Je ne sais pas ce que Gene Vincent doit en penser

Ces gens-là qui sont connus en pas mal de versions, Brel ne doit pas trop se retourner dans sa tombe. Soan a des tripes !

Hommage en direct ? J’espère qu’elle a déposé les droits d’odeur.

A l’origine une chanson des Renegades, aussi connue dans la version des Shamrocks. Ici changement de cap, c’est du jazz et c’est bien torché. Un trio finlandais.

Un peu de dance pour terminer. Je connais un peu la musique arabe, pas tellement la moderne mais la traditionnelle. Parmi un vaste choix, « Mawoud », est un classique éternel du folklore arabe. De manière générale, la musique arabe est pour les gens de là-bas, une invitation à la dance. Les femmes arabes en plus d’être un peu mystérieuses et surtout très jolies, sont des danseuses très sensuelles. En voici un exemple sur l’air mentionné, c’est quand même vachement plus hot que le « Lac Des Cygnes » bien que la comparaison soit farfelue. Une thé à la menthe, des dattes, une chicha, l’odeur des épices, une danseuse comme celle-ci, et la vie est belle.

Bas nylons et chanson pour certains jours

Nul n’est prophète en son pays, voilà qui colle bien avec la chanson et le chanteur dont nous allons parler aujourd’hui. Tout d’abord parce que le chanteur est Irlandais et que pour eux les choses se passent plutôt en Angleterre.  Son pays d’adoption ne ménagea pas trop ses efforts pour en faire une vedette, il enregistre deux albums qui connaissent une succès moindre, mais le chanson qui lui permettra de devenir célèbre, partout ailleurs sauf en Angleterre, n’est en fin de compte que la face B d’un 45 tours publié à l’automne 1967. La célèbre station de radio pirate Caroline écoute le disque mais estime avec raison que la face B est plus attirante et la diffuse sur ses ondes, suscitant un engouement certain. Mais la BBC qui n’aime pas du tout les radios pirates refuse de le diffuser, lui barrant la route du marché anglais. Ici se place un quiproquo, bien des disques au succès énorme ont été lancés par les émetteurs pirates, la BBC les a diffusés. Mais ici le directeur et fondateur de la maison de disques qui distribue le disque est aussi un des directeurs de la station pirate, la vengeance est un plat qui se mange froid.

Mais qu’importe, les Anglais ne sont pas les seuls à écouter les radios non officielles, la chanson a de quoi attirer d’autres amateurs. Précisons aussi qu’elle est assez décalée dans le répertoire du chanteur, qui est plutôt associé au folk dans la lignée de Donovan. Sa grande originalité est qu’elle contient un refrain avec une voix qui passe à travers un téléphone tout en ayant une mélodie assez accrocheuse. La France sera la retentissante base de lancement, la projetant dans pas mal de pays du continent, allant même jusqu’à devenir un hit en Australie. La chanson rejaillira plus tard en Angleterre via des reprises, spécialement une, qui l’introduiront enfin dans les oreilles à qui elle était destiné à l’origine et deviendra comme ailleurs une chanson que l’on oublie pas facilement. C’est tout le mérite de David McWillams (1945-2002) et de ses fameux « Days Of Pearly Spencer ».

En playback, l’original.

Adaptation française Frank Alamo, 1968.

En italien Caterina Caselli, 1968

Reprise américaine par les Grass Roots, 1969.

Los Javaloyas, version en espagnole, 1968

Version disco, 1978, n’importe quoi!

Version reggae, 1987, assez populaire à l’époque.

La très belle reprise de Vietnam Veterans, 1988

La version la plus connue après l’original, hit en Angleterre, 1992.

 Dreamers Inc, ce sont des Grecs, joli vocal., 2012

Dans la bande sonore du film L’invitation, Lewis Evans – Karen Ann, 2016.

Version inédite par David Bowie.